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l'arbre sur la rivière

Publié le par Za

Pierre Bergounioux.

L'arbre sur la rivière, Gallimard, 1988.

 

 

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Mais pourquoi diable ai-je mis le nez là-dedans ? Les mots me sautent à la figure à chaque phrase et je n'ai qu'une envie,  vous lire ce texte, vous le faire entendre, vous le mettre entre les mains. Il est l'heure où déjà la lecture grignote les minutes précieuses du sommeil nécessaire pour supporter la journée du lendemain. Mais je lis L'arbre sur la rivière, et je fais l'expérience en direct de ce que Bergounioux appelle le temps du livre.

"Quand le bibliothécaire rabattait le couvercle des longues boites vernies où il classait les fiches, il était sept heures. C'était chaque fois comme si je retrouvais le lit principal du temps, la nuit froide de février de ce qui était (fut) notre quatorzième année après que des siècles, des ères avaient investi, occupé la lumière sans âge de l'après-midi. 

Mars a pourtant fini par venir. Ensuite la saison glissait d'elle-même jusqu'aux heures pacifiques où le temps, le vrai, pas celui des livres, s'immobilisait, cessait d'être le temps, l'inégale fuite, tantôt rapide, effarante, et tantôt rétive."

 

Depuis quand n'avais-je éprouvé une telle jubilation de lecture ? Certes, j'ai un peu le sentiment de découvrir l'eau tiède, d'être l'indécrottable de service: Bergounioux a ses amateurs depuis toujours, et je suis là, au creux de la nuit, à m'émerveiller...

"J'étais de nouveau à califourchon dans les feuilles. Nous observions un silence si parfait que le cri du martinet nous parvenait sans interruption avec le bruit d'argenterie, de table mise montant de la rivière. [...] C'était l'après-midi, à coup sûr, l'espèce de lenteur, de majesté qui succède au matin. Nous nous étions mis à attendre, à espérer si fort que le temps n'était plus la dérive impavide des heures et des jours mais le crépitement des particules qu'on voit tomber dans les sabliers. Même quand des milliers ont passé, ça ne fait jamais que trois minutes. Et quand d'autres milliers ont franchi l'étranglement, ça ne fait toujours pas beaucoup de temps, c'est encore un peu le même moment, le présent. [...] Il me semble qu'avec l'oiseau, les couverts entrechoqués de l'eau, le murmure passionné de Pomme, on entendait encore le crépitement des corpuscules dans le sablier et même le court instant de silence, d'absence de temps, quand trois minutes ont passé et qu'on le retourne pour faire passer les grains en sens inverse."

 

Ils sont quatre, Alain, Pomme, Daniel et le narrateur, perchés sur leur arbre, au-dessus de la rivière; ils ont huit, puis douze, puis quatorze, puis dix-huit ans. Leurs existences tracent des chemins, les rattrappent, les séparent. Ils font ensemble l'expérience du temps, celui des saisons et des ans, inexorable, le temps social de la famille et de l'école, le temps étiré des livres, et surtout celui de la rivière, celui-là même qui leur appartient et ne les lâche pas, alors que la ville, l'océan les appelle. Ils sont à la frontière, cheminent entre deux, conduisent des voitures sans pour autant renoncer à la rivière, qui, sous leurs yeux, invente les poissons qui entreront vivants dans la mythologie de leur amitié.

"[...] Daniel regardait l'apparence non pas d'herbe comme en plaine, mais vraiment de sable et de gravier se tordre, jeter de brèves lueurs dans l'eau pareille à l'air froid, pareillement déserte.

Pomme avait glissé. Il s'était retrouvé d'un seul coup dans l'eau mais debout, immergé jusqu'à mi-cuisse, sans avoir cessé à aucun moment de tirer et de rembobiner et alors c'était devenu une truite, une furieuse convulsion d'or et d'acier bruni qu'il avait jetée derrière lui, dans la bruyère. Daniel s'était précipité en criant dans la brande et ils s'étaient retrouvés. Pomme dont les mains tremblaient légèrement et Daniel qui n'y croyait toujours pas, penchés sur le petit poisson féroce, piqueté de rouge, dans les fougères mortes."

 

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Je ne saurais disséquer savamment le style de Bergounioux, je m'y ridiculiserais sans doute. car j'entre dans des domaines qui me dépassent, dont je ne peux qu'admirer le miroitement lointain. Je vous livre ce que j'ai reçu de ce texte, en m'excusant d'être peut-être passée à côté de l'essentiel mais je n'ai pas non plus envie de vous faire le coup de la modernité contre la ruralité, tant, vingt-deux ans après la publication de ce roman, cette opposition n'est plus de mise. La grande beauté de ce livre, lu aujourd'hui, est ailleurs. En grand sorcier du verbe, c'est du côté des sensations que Pierre Bergounioux travaille le lecteur.

"Juin, enfin, à cause de l'odeur. Elle commençait au roncier. Si on avait eu de très bons yeux ou que la couleur qu'ont les odeurs avait été lègèrement plus soutenue, peut-être qu'on l'aurait vue, comme une construction aérienne, un bloc de buée aux angles nets s'élevant à l'endroit où la ville finissait, tout contre l'ultime maisonnette, mordant même sur les jardins aventurés où des draisines, des carcasses de fourgons sans roues ni moteurs servaient de cabanons: d'un vert qui n'était celui d'aucune plante, traversé de rubans clairs - les parfums de sève et de sucre - et festonné de brun au bord même de la rivière - les senteurs de limon, de poisson et d'eau."

 

Arrivée en bas d'une page ou au bout d'un chapitre, embarquée dans un sentiment proche de l'incrédulité, je me suis souvent retournée sur une phrase ou un passage. Un texte de Bergounioux ne se dévore pas, il se savoure lentement. Et dans l'ambition de consacrer du temps à ces phrases rigoureuses et belles, dans l'effort apparent de concentration qu'elles demandent, je peux vous assurer qu'on ressort de cette lecture rassasié, vraiment.

 

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on a une relation comme ça, la neige et moi

Publié le par Za

Le seul avantage de la neige, je l'ai découvert ce matin.

Au lieu de passer un précieux quart d'heure en supplications tendres et énervées, "Petitou, il est l'heure, debout, on va être en retard, allez, on se lève, etc...", il a suffit d'un simple "il a neigé" et hop ! nous voici prêt à affronter les éléments, et en pyjama, s'il le faut !

Les récriminations ne viendront que plus tard, sur le chemin. "Et pourquoi on habiterait pas dans le Cantal ? Parce que, là-bas,  y en a beaucoup plus, de la neige !"

Justement.

Parce que.

 

 

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(cauchemar)

 

 

Ma relation à la neige, allez savoir pourquoi, n'est pas dénuée d'une certaine phobie. Karen B. from Kenya, à l'abri de ce genre d'avanie, est priée de compatir. Merci.

Je trouve tout ce blanc monotone, triste et ennuyeux. Qui n'a jamais fait Lyon/Nancy en train Corail (oui, ça date ) avec la neige pour seul paysage ne peut comprendre et est prié de me laisser poursuivre.

J'en entends d'ici me dire qu'il y a des nuances dans le blanc.

Admettons.

Je déteste le contact à la fois brûlant et glacé de la neige. "Mais on peut faire des batailles de boules de neige, des bonshommes, des igloos !", vous entends-je rétorquer. Certes, sauf que je perds tout sens de l'humour lorsque, par moins cinq degrés, on introduit une matière froide et mouillée dans mon cou.

Et puis surtout, je n'ai aucun goût pour ce qu'il est fashion d'appeler la glisse. J'ai les genoux fragiles (surtout le gauche, plaignez-moi) et cette idée d'insécurité dans l'équilibre m'est tout simplement odieuse.

Je me déçois moi-même. Alors que je cultive précieusement cette part d'enfance qui m'envahit dès que je croise un sapin de Noël, je me transforme immédiatement en adulte maussade à  l'apparition du moindre flocon qui ne fondrait pas dans la seconde. Moins maussade depuis que je vais travailler à pied, mais quand même...

 

Depuis longtemps, je voulais bidouiller un petit texte sur mon aversion hivernale. C'est fait, nous n'y reviendrons pas. Mais si vous avez trois minutes encore à m'accorder, regardez ce qui suit - et excusez-moi pour les sales secondes de pubs infligées avant la vidéo proprement dite, elles ne sont évidemment pas de mon fait et je m'en ré-excuse bien bas. Bohort est mon héros, je partage chaque atome de ses angoisses, je pense chaque mot de sa tirade...

 

 


Kaamelott Saison 2 Episode 55 : Les neiges éternelles - wideo
Auteur : Alexandre Astier Réalisé par : Alexandre Astier Avec :Alexandre Astier, Nicolas Gabion, Lionel Astier, Thomas Cousseau © Calt - Dies Iræ – Shortcom
 

Publié dans in my heart

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la princesse de Montpensier

Publié le par Za

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L'actualité littéraire, ça peut être ça, aussi. Un texte de 1662 remis sur le devant de la scène pile au moment où les prix littéraires tombent avec plus de régularité que les feuilles de mon pommier, ne suscitant, dans les deux cas que bâillement d'ennui... Et revoilà Madame de La Fayette, encore toute auréolée de sa polémique présidentielle et néanmoins navrante.

 

 

 

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"Pendant que la guerre civile déchirait la France sous le règne de Charles IX, l'amour ne laissait pas de trouver sa place parmi tant de désordres et d'en causer beaucoup dans son empire."

 

La Princesse de Montpensier est une nouvelle d'une trentaine de pages, denses comme ce n'est pas permis, ramassées, prêtes à vous sauter à la gorge. Un déferlement de sentiments d'autant plus violents qu'ils sont contenus, d'autant plus éclatants, qu'ils sont voués au secret. La pauvre princesse déclenche des cataclysmes amoureux, peine à se dépêtrer de ses propres désirs, distille froideur et encouragements. À une époque où les femmes de sa condition sont des monnaies d'échanges entre familles, Madame de Montpensier - les personnages de la nouvelle n'ont pas de prénoms, que des titres - aura la chance d'être instruite par le Comte de Chabanes, lequel, suivant le mouvement général, tombe éperdument amoureux d'elle...

 

" Il devint passionnément amoureux de cette princesse et, quelque honte qu'il trouvât à se laisser surmonter, il fallut céder et l'aimer de la plus violente et de la plus sincère passion qui fût jamais. S'il ne fut pas maître de son coeur, il le fut de ses actions. Le changement de son âme n'en apporta point dans sa conduite et personne ne soupçonna son amour. Il prit un soin exact, pendant une année entière, de le cacher à la princesse, et il crut qu'il aurait toujours le même désir de le lui cacher. "

 

 

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Tavernier fait de cet homme discret le personnage le plus intéressant de son film. L'interprétation incandescente et la beauté de Lambert Wilson n'y sont pas étrangères... Il est plus âgé, pétri de doutes, là où les autres, Anjou, Guise et Montpensier ne sont que fougue aveugle - à la guerre comme en amour - et jalousie.

L'Aveyron et le Cantal prêtent à cette histoire leurs paysages, ici plongés dans un éternel et splendide automne.

 

Un beau moment de lecture, un beau moment de cinéma.

 

 

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Post-scriptum...

La musique de Philippe Sarde se déploie autour d'un thème déjà entendu dans "Tous les matins du monde" d'Alain Corneau.

 

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ceux qui nous oublient nous assassinent

Publié le par Za

C'est cette phrase, un moment scandée par Fatou Diome qui pourrait donner la couleur, le goût de ce roman  - et pas le texte ridicule du bandeau éditeur..." le prix de l'amour "... au secours...

 

 

attendent

 

 

Une île du Sénégal.

Quatre femmes.

Deux mères , deux épouses qui attendent deux hommes partis un jour à bord d'une pirogue à destination de l'Espagne. On ne saura qu'à la fin combien de temps cette absence a duré, combien les enfants auront grandi, combien cette attente aura alourdi les jours et les nuits de celles qui s'obstinent en silence, ou presque. Les mères organisent le départ des fils vers une Europe fantasmée et prometteuse d'une vie meilleure pour tous. Elles les envoient au loin en toute bonne foi, et leurs brus attendent avec elles, font bouillir la marmite. Les unes ne savent pas lire, les autres sont allées à l'école, mais à la fin, elles sont toutes soumises au carcan du quotidien, à la polygamie, au regard sans pitié de la communauté. Plus douloureusement encore pour les secondes.

 

Les récits de cuisine rythment le récit; il fait trouver chaque jour de quoi manger, l'accommoder le mieux possible. Les mères comptent sur leurs belles-filles pour les seconder, voire les remplacer dans ces tâches harassantes, préoccupantes, où l'honneur même est parfois en jeu.

" Cuisine de peu d'ingrédients, plat rapide, pas le temps de jouer l'artiste en cherchant la meilleure présentation. Quand il s'agit de simplement tenir la carcasse d'aplomb, les repas nécessitent peu de préambules. C'est cuit, c'est servi, c'est tout. De toute façon, personne n'y verrait rien: avec la lampe tempête qui rougeoyait de pudeur, on distinguerait à peine la forme du bol, le toucher et l'odorat suffiraient à susciter l'appétit. Pour le goût, Arame avait écrasé des oignons et quelques épices, en signe de respect pour ces belles daurades qu'elle n'aurait jamais pu s'offrir. "

 

Et les hommes, pendant ce temps ? Les rares nouvelles ne sont pas rassurantes. Vont-ils revenir ? Fatou Diome répond à cette question en ménageant deux fins à son roman. "Celles qui attendent" est un texte sans concession pour l'Afrique, sans concession pour l'Europe.

 

Fatou Diome a le sens de la formule lapidaire - "Cette femme avait la délicatesse d'une éclaboussure." L'importance et la détermination du propos font passer au second plan le style un peu inégal à mon sens, et pourtant flamboyant par moment, à l'image des toutes premières lignes: " Arame, Bougna, Coumba, Daba, mères et épouses de clandestins, portaient jusqu'au fond des pupilles des rêves gelés, des fleurs d'espoir flétries et l'angoisse permanente d'un deuil hypothétique; mais quand le rossignol chante, nul ne se doute du poids de son coeur. Longtemps, leur dignité rendit leur fardeau invisible. Tous les suppliciés ne hurlent pas."

 

 

Voir l'avis de Gangoueus sur son excellent blog.

Publié dans romans, Fatou Diome, Flammarion

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librairie-pâtisserie

Publié le par Za

des livres et des gâteaux !019

 

 

-Comment on connaît les métiers ?

- ?

- Les métiers qu'on voudra faire, comment on les connaît?

- Il y a les métiers des gens qu'on connaît...

[ Suit un quart d'heure d'énumération: docteur, ingénieur, coiffeur, routier, dessiner les maisons, maître-sse, facteur, berger, fermier, boulanger... ]

- Mais comment on fait pour choisir ?

- Il y a des gens pour t'aider. Papa, Maman, des gens dont c'est le travail... Mais la première chose à faire, c'est de se demander ce qu'on aime le plus. Qu'est-ce que tu  préfères, dans la vie ?

- Les livres et les gâteaux !!!

[ Fierté des parents, qui ont su transmettre les vraies valeurs à leur Petitou ! ]

Publié dans in my heart

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la maison rose

Publié le par Za

Un jour, on croit avoir pris le rythme. Un rythme de lecture un peu frénétique, mû par l'envie de dévorer ce qui se présente, d'en découdre avec les mots. Puis, au détour d'une étagère, on tombe sur un nom qui nous flottait autour depuis longtemps, qu'on osait approcher par peur de l'altitude ou par timidité. Mais il se trouve que ce jour-là,  va savoir pourquoi, c'est le moment d'aller à la rencontre, d'ouvrir le livre comme on pousserait une porte.

Alors, le rythme, le fameux rythme est bouleversé. Un coup de frein brutal. On est en train de lire Pierre Bergounioux. On est de ceux-là. On vient de se faire happer par un texte, une mélopée qui avance avec le pas du marcheur un peu égaré dans la neige.

 

"C'était la nuit, mais pas celle, hermétique, impénétrable, qui entoure les lieux habités, les enclaves protégées où brûlent des lampes. Celle, brunâtre, légèrement translucide et comme imparfaite où l'on est entré peu à peu. J'étais du côté de la nuit, poussant énergiquement sur mes jambes, me frayant un lent chemin vers la maison rose. J'ai passé une main sur ma figure pour chasser la mouche ou l'aigrette obstinée de chardon. Puis j'ai songé que c'était l'hiver, que c'était la neige et non pas un insecte. J'ai levé la tête vers les profondeurs brunes du ciel. Je ne voyais rien mais j'ai senti d'autres heurts infimes. "

 

 

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La maison rose, c'est la maison de famille, où vivent les grands-parents, la tante. C'est le lieu où l'on se retrouve pour les enterrements. Chaque retour à la maison rose est une étape de vie. Les saisons emportent les êtres qui deviennent les visages sépia des photos sur les murs.

 

"Ils avaient affronté le temps, la terre hostile, les périls inconnus que le temps (le leur) avait fomenté pour eux. Et ce qu'ils étaient devenus (tante Lise, le grand-oncle André, les autres) n'était pas forcément ce qu'ils avaient conçu, voulu - vivre, gravir une colline, trouver la sagesse ou la fin de l'histoire, un présent sans besoins. C'était différent, c'était presque le contraire puisqu'ils étaient mutilés, malheureux, morts et que personne, jamais, n'a pu souhaiter de l'être et de le rester."

 

La maison est le réceptacle habituel des deuils, à tel point qu'on finit par la croire vouée à la mort, au souvenir. Alors qu'elle est simplement un repère.

 

C'est exactement le genre de texte, de thème à côté desquels je passe habituellement sans m'arrêter. Trop quotidien, trop familier peut-être. Mais c'est sans compter avec l'écriture de Bergounioux, son habileté à ne pas lâcher le lecteur une fois qu'il est ferré, à le balader au bout de sa ligne, phrase après phrase. Les mots évoquent, font sentir, plus qu'ils ne montrent.

 

"La chaleur pesait comme si le peu d'espace que j'occupais lui était indispensable, qu'elle n'eût d'avoir de cesse qu'après qu'elle m'aurait expulsé, dissous."

 

"J'ai regagné ma chambre que je sentais peuplée d'arbres, d'oiseaux impalpables, de tout ce qu'une chambre abrite avant que l'aube ne dessine le joint du volet."

 

Et dans la lenteur imposée de cette lecture, à tourner les pages de papier épais (Gallimard,  1987), on va au bout de la rencontre, heureux d'être en littérature, vraiment. 

 

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Roald Dahl par lui-même

Publié le par Za

En 1984, du haut de ses soixante-huit ans et de son mètre quatre vingt-dix-huit, Roald Dahl s'est penché sur son enfance. Dans le préambule, il prévient son lecteur: ceci n'est pas une autobiographie. Seuls sont ici consignés ses souvenirs les plus marquants, doux, cruels, douloureux, drôles...

 

 

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C'est ainsi qu' il signait ses lettres à sa mère: "Boy". Il était son seul fils, son seul garçon, l'aîné de trois soeurs. Un père disparu très tôt, une jeune mère, norvégienne, étrangère au pays de Galles, à la tête d'une grande famille comprenant ses propres enfants et les deux grands enfants de son mari, orphelins de mère... Une enfance heureuse pourtant, marquée par de belles et grandes vacances en Norvège, tous les ans.

 

Interne dès l'âge de neuf ans, il nous livre ici un portrait sinistre des pensionnats britanniques. Une communauté de garçons, souffrant de la faim, du froid, du manque de considération. Ici, il n'est plus question d'enfance du tout, tant le traitement infligé à ces jeunes garçons ne peut être qualifié d'éducation. Ces lieux sont peuplés de personnages inquiétants, au côté desquels on pourrait sans problème ranger la Mademoiselle Legourdin (Miss Trunchbull) de Matilda.

"Derrière la moustache [du capitaine Hardcastle, professeur à St Peter], un visage brutal au front bas et sillonné de rides profondes, qui trahissait une intelligence des plus limitées. "La vie est une énigme, semblait dire le front plissé, et le monde un endroit dangereux. Tous les hommes sont des ennemis et les petits garçons des insectes qui vous agressent et vous mordent à moins que vous ne preniez les devants pour les écrabouiller."


Roald Dahl s'étend longuement sur les châtiments corporels et s'en explique.

"Durant toues mes études, j'ai été horrifié par ce privilège accordé aux maîtres et aux grands élèves d'infliger des blessures, parfois très graves, à de jeunes enfants. Je ne pouvais pas m'y habituer. Je n'ai jamais pu. Il serait bien entendu injuste de prétendre que tous les maîtres à l'époque passaient leur temps à rouer de coups tous les petits garçons. Ce n'était pas le cas. Quelques-une seulement mais c'était bien suffisant pour laisser chez moi un sentiment d'horreur qui dure encore. Une autre impression purement physique subsiste encore chez moi. Même maintenant, lorsque je dois rester assis un peu longtemps sur un banc dur ou une chaise inconfortable, je commence à sentir mon coeur qui bat le long de ces vieilles cicatrices que la canne a imprimé sur mon derrière, il y a bien cinquante-cinq ans de cela."


Une autre idée terrible est l'impuissance de Mme Dahl a faire quoi que ce soit pour son fils, tant sa voix de mère sans mari n'a que peu de poids face à l'Institution. Roald Dahl ne lui en veut à aucun moment de l'avoir laissé là-bas. Comme ses camarades, il prend son mal en patience...

"Si je regardais par la fenêtre du dortoir, je voyais le canal lui-même, et la grande ville de Cardiff, avec Llandaff à proximité, se trouvait presque en face, légèrement au nord. Par conséquent, si je me tournais vers la fenêtre, je serais face à ma maison. Je me retournai dans mon lit pour me mettre face à ma maison et à ma famille.

A partir de ce soir-là, je ne me suis jamais endormi en tournant le dos à ma famille."


 Je suis toujours infiniment touchée de retrouver chez un auteur ou chez n'importe qui d'ailleurs, cette part d'enfance inchangée, cet enfant toujours là et bien là, qui transparaît derrière l'adulte et n'attends que l'évocation de souvenirs heureux ou douloureux pour refaire surface, tant il est vrai qu'il n'est jamais bien loin. La persistance de l'innocence ou de l'innocence perdue, la permanence de l'insouciance, de l'insouciance perdue...

 

Tous les thèmes chers à Roald Dahl sont en filigrane dans ces souvenirs. Un chapitre entier est consacré au... chocolat. Et, du coup, l'admiration que je lui porte (au cas où certains d'entre vous en douteraient encore) s'en trouve décuplée. Car Roald Dahl était un amoureux du chocolat, en fin connaisseur, comme on peut être amateur de Bordeaux ou de cantates de Bach. Comment le blâmer ?

 

"Boy" se termine au moment où Roald Dahl, avide de voyages lointains est engagé par la firme Shell. Il part au Kenya,  il a vingt-deux ans.

 

 

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C'est le point de départ d'Escadrille 80, second tome de ses souvenirs. Le récit de son voyage en bateau est un grand moment de drôlerie, une galerie de portraits d'Anglais "cinglés", comme il les qualifie lui-même.

"Miss Trefusis n'avait que la peau sur les os et, quand elle marchait, son corps était courbé en avant comme un boomerang. Elle m'apprit qu'elle possédait une petite plantation de café dans les hautes terres du Kenya et qu'elle avait très bien connu la baronne Blixen. J'avais moi-même lu et adoré à la fois Out of Africa et seven Gothic Tales, et j'écoutais avec ravissement tout ce que Miss Trefusis me racontait sur ce grand écrivain qui se faisait appeler Isak Dinesen.

- Elle avait un grain, bien entendu, dit Miss Trefusis. Comme nous tous qui vivons là-bas, elle était devenue complètement toquée à la fin.

- Vous n'êtes pas toquée, vous, déclarai-je.

- Si, bien sûr, répliqua-t-elle d'un ton ferme avec le plus grand sérieux. Tout le monde à bord de ce navire a la cervelle dérangée. [...] Les gens deviennent vraiment timbrés quand ils vivent trop longtemps en Afrique. C'est là que vous allez, n'est-ce pas ?"

 

De sa vie en Afrique, Dahl gardera une phobie des serpents. À le lire, il y a effectivement de quoi rester hanté à vie par la peur du mamba noir, ou vert, les deux étant également terrifiants ! Son regard sur cette nouvelle vie est d'une absolue fraîcheur, tout est découverte, émerveillement, une attitude à rapprocher de ses premier pas dans la guerre, dans l'inconscience totale du danger, de la proximité de la mort.

 

C'est au Kenya que la déclaration de guerre le trouvera, les yeux rivés au plafond de sa chambre, fasciné par les facéties de deux lézards nommés Hitler et Mussolini. Bombardé sous-officier sans la moindre expérience, il s'engage dans la Royal Air Force et mène son premier combat aérien après sept heures d'entraînement seulement...  La seconde partie du livre, consacrée aux batailles aériennes, m'est, je l'avoue, un peu tombée des mains.  Je me suis posé la question de la pertinence de la publication de ce texte en Folio Junior. Il comporte d'ailleurs une scène de décapitation au sabre assez réaliste. D'aucun me rétorqueront que nos chers petits voient sans doute pire à la télévision, mais ce n'est pas une raison suffisante à mes yeux. 

 

Il faut absolument aller visiter le site consacré à Roald Dahl, en particulier la section consacrée à l'auteur où l'on peut entendre une interview accordée deux ans avant sa mort. Il y parle de création, d'écriture. Entendre sa voix est très émouvant. Et le site est, évidemment illustré par Quentin Blake !

 

 

Publié dans romans, Roald Dahl, folio junior

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Demain j'aurai vingt ans, Alain Mabanckou

Publié le par Za

 Troisième et dernier épisode de mes élucubrations littéraires et cantalisées ! Qui a dit "c'est pas trop tôt" ? Je termine avec un vrai coup de coeur pour un excellent roman que je vous obligerai bien engage à lire, voire à relire, tellement c'est beau...


 


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Michel, dix ans à peine, vit entre Maman Pauline et Papa Roger, à Pointe-Noire, République du Congo, à la fin des années soixante-dix. Faire entendre la voix d’un enfant dans un roman destiné aux adultes est une aventure risquée qui navigue, à mon sens, entre deux écueils. Le premier, c’est d’écrire à hauteur d’enfant, pensant faire œuvre de réalisme et, du coup, demeurer dans une simplicité de mots et d’idées complaisante et artificielle. Le second écueil serait, au contraire, de faire du jeune héros une sorte d'alibi destiné à traduire des préoccupations trop ancrées dans le monde des adultes. C’est pourquoi je me méfie toujours des romans ayant des enfants pour personnages principaux. Qu’est-ce qui fait alors le charme du livre de Mabanckou ? Qu’est-ce qui rend sa compagnie si précieuse, sa lecture tellement jubilatoire ?

 

Il y a d'abord la musique, une entêtante petite musique faite de phrases entremêlées, de souffle. Ce texte est fait pour être entendu.

« Hier, dans l'après-midi, un type a embrouillé la femme de Yeza le menuisier qui habite en face de nous et ça s'est très mal passé. Cet embrouilleur, on le surnomme « Le Siffleur de femmes » car il baratine toujours les femmes mariées on dirait que dans cette ville il manque de femmes célibataires alors que d'après les grandes personnes il y a plus de femmes que d'hommes dans notre pays et c'est normal que les hommes épousent trois ou quatre femmes. » (page 176)

« Moi je rentre à la maison avec mon père qui est un peu ivre. Je le tiens par la main, il raconte des choses que je ne comprends pas. Peut-être que lorsqu’on a bu on discute avec des gens invisibles que ceux qui fabriquent l’alcool ont caché dans la bouteille et que ceux qui ne boivent pas sont incapables de voir. »(page 27)

 

Il y a aussi la fausse naïveté de Michel, son regard porté sur le monde avec un grand M, celui dont on parle à la radio où passent les ombres du shah d’Iran, d’Amin Dada, de Bokassa, de Foreman et Mohamed Ali. On s’attache aux mille faits de la vie quotidienne : le travail de la mère, les matchs de football, les mangues mûres qui tombent du manguier, le bœuf aux haricots, la radiocassette, le visage d’Arthur Rimbaud au dos d’ « Une saison en enfer », Brassens et son arbre auprès duquel il vivait heureux …

 

Mais avant tout, la grande, la belle affaire de ce livre, s’il n’y en avait qu’une, serait l’amour. L’amour inconditionnel de Michel, le fils unique, pour sa mère; les liens qui unissent le petit garçon à ce père adoptif, partagé entre deux épouses, deux familles; l’amitié pour Lounès, le modèle, qui sait tant de choses, puisqu’il va déjà au collège ; et Geneviève, aux yeux « comme une rivière verte et calme avec des petits diamants qui brillent dedans » (page 223) ; mais surtout Caroline, avec qui Michel aura, c’est sûr, deux enfants, un chien et une voiture rouge à cinq places, même si pour l’instant, elle lui préfère Mabélé, qui est plus intelligent, mais tellement moins beau !

 

Mabanckou nous parle en direct d’une enfance où l’insouciance est une question de volonté… « Je fais comme si je ne comprenais pas, je continue à jouer. Tant que maman Pauline et papa Roger ne me diront pas clairement que c’est moi la cause de leur malheur, je jouerai à l’idiot qui ne sait rien et qui attend qu’on lui fasse un gros dessin au tableau. »

(page 352)

… une enfance où l’on peut encore raconter - et avec quelle sensibilité, sa vie in utero et sa naissance… « Laissez-moi tranquille, est-ce que vous ne voyez pas que je respire ? Est-ce que vous ne voyez pas que ça fait trois jours que je suis vivant et que mes sœurs n’ont pas passé un seul jour ? Si franchement je voulais aller au Ciel, est-ce que j’attendrais tout ce temps comme un imbécile qui ne sait pas ce qu’il faut faire pour mourir ? Je suis un bébé, mais attention, je sais déjà comment on meurt, mais j’ai pas envie de ne plus respirer ! Je veux vivre ! Laissez-moi me reposer, je viens de loin ! Et puis, un peu de silence s’il vous plaît, nous sommes à l’hôpital ! » (page 91)

… un paradis perdu, presque protégé des histoires des grands, où l’on est assez petit pour épier les couples enlacés, pour assister à un concert de Papa Wemba l’œil rivé à un trou percé dans un mur. L’enfance est un pays que certains, et j’en fais partie, ne quittent jamais tout à fait, ou, s’ils y ont été contraints, en sont restés inconsolables. Ce pays de tous les possibles…

« Je veux être acteur de cinéma pour embrasser les actrices des films indiens, je veux être président de la République pour faire de longs discours au stade de la Révolution et écrire un livre qui parle de mon courage contre les ennemis de la Nation, je veux être chauffeur de taxi pour ne pas trop marcher sur le goudron qui chauffe à midi, je veux être directeur du port maritime de Pointe-Noire pour prendre gratuitement les choses qui viennent de l’Europe, je veux être un docteur vétérinaire, mais je ne veux pas être agriculteur à cause de tonton René qui veut que je sois agriculteur. » (page 222)

 

Alors, peu importe, finalement, de savoir si Michel est, ou non, le double autobiographique d’Alain Mabanckou. Il y a dans ce roman une générosité, un grand bonheur de lecture qui, une fois le livre refermé, s'entêtent et nous accompagnent encore et encore...

 

le site d'Alain Mabanckou

 

 

 Voilà, ici se termine ma grande saga de rentrée.

J'ai aimé écrire ces textes, sachant qu'ils seraient lus "en direct", même si je ne les ai pas entendus, j'ai assez d'imagination, je crois, pour avoir été un peu présente quand même. À mon tour de remercier qui a eu l'idée de m'associer à ce moment épatant !

Et voilà que déjà, la pile à lire me fait de l'oeil. Je reprends un rythme plus tranquille, encore que... La route des livres n'a pas de fin, et parfois, on y croise de précieux compagnons de voyage.


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Les Assoiffées, Bernard Quiriny

Publié le par Za

Rappel des épisodes précédents... Ceci est la suite de ma modeste contribution à la discussion organisée par le  Réseau d'Échanges Réciproques de Savoirs et la librairie « les Belles Pages » à Murat, Cantal, pendant laquelle, me suis-je laissée dire, quelques flocons sournois en ont profité pour refaire un peu le décor...


http://ecx.images-amazon.com/images/I/41JNPch%2BaYL._SS500_.jpg


 

Le plaisir de se lancer dans un roman dont on ne sait rien ! Un premier roman, qui plus est. Se jeter du haut de la première page en retenant un peu son souffle, plonger dans une écriture sans effets inutiles, au style dépouillé qui va droit à l’imagination. Bernard Quiriny ne se regarde pas écrire et son texte n’en est que plus efficace. Le lecteur est très vite installé dans un décor à la Enki Bilal, précis, étouffant, réaliste et absurde, même si, finalement, le roman aurait peut-être gagné à être plus concis, plus resserré et, qui sait, plus impitoyable encore…

Nous sommes en Belgique, aujourd’hui. Une Belgique méconnaissable où règne, depuis les années soixante-dix, une dictature féministe qui enserre le pays dans le secret et l’isolement. Pour autant, le féminisme n’est pas le centre du livre, même si les premières victimes du régime sont les hommes, humiliés, émasculés volontaires, fantômes invisibles de camps de redressement. Non, désolée, messieurs, le sujet n’est pas là.

Soucieux de soigner son image, l'Empire des femmes invite des intellectuels français à venir constater de leurs propres yeux les bienfaits de la révolution féministe. Chaque voyageurs part avec, dans ses bagages, son besoin de vérité ou de célébrité, l'assurance de voir ses certitudes confirmées. Le récit de leur voyage alterne avec le journal d’Astrid, une femme belge vivant au plus près de la dictature, dans l’ombre de Judith, la pathétique et néanmoins héréditaire Bergère qui dirige le pays. La description du fonctionnement de cet état nous renvoie aux outrances tragi-comiques de l’Albanie d'Enver Hodja, de la Roumanie des Ceausescu, bref, à la flamboyante et mesquine absurdité des régimes totalitaires.


« Dans sa chambre, Gould voulut prendre encore des notes; mais il ressentit une grande lassitude, et comprit qu'il ne pourrait plus travailler ce soir. Il passa dans la salle de bains, hésita entre la douche et le bain, opta pour le bain. Il batailla dix minutes avec les robinets et se brûla tout de même un peu en s'installant dans la baignoire. Il trempa longuement dans l'eau en chantonnant des airs à la mode, ce qui facilita la tâche des techniciennes qui, un étage au-dessus, réglaient la quinzaine de micros qu'elles avaient dissimulés dans sa chambre. »(page 92)


Nos intellectuels voyageurs n’échapperont pas non plus à quelques grands classiques du genre : l’aveuglement, la complaisance, le ridicule, l’orgueil d’avoir été choisis et, pour finir, la lâcheté, alors même qu’ils auront regagné leurs salons parisiens. On pense évidemment à certains voyages en URSS, mais quelle dictature n’a pas eu, ou n’aura pas ses thuriféraires zélés, bien à l’abri de leurs cocons démocratiques…

 

 à suivre... (surtout que le prochain épisode, c'est le meilleur !)

 


Publié dans romans, Bernard Quiriny, Seuil

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happening cantalo-picard...

Publié le par Za

Ce texte, qui arrivera en trois épisodes sur le blog, a été spécialement écrit pour une discussion sur les livres de cette rentrée, organisée par le  Réseau d'Échanges Réciproques de Savoirs et la librairie « les Belles Pages » à Murat, Cantal. Il sera lu publiquement aujourd'hui et je n'en suis pas peu fière , à peu près au moment où  il apparaîtra ici. Mon seul regret est de ne pas être une petite souris extraterrestre pour pouvoir me téléporter au coin d'une étagère, cachée derrière un serre-livre et écouter, écouter...

 

 

petite souris012


Petit préambule non obligatoire…

"À peine en a-t-on fini avec la rentrée scolaire, qu’on la voit se pointer, ses cabas remplis à ras bord : la rentrée littéraire !

La rentrée littéraire, c’est comme retrouver son jardin après de longues vacances. Ça a poussé dans tous les sens, il y a de tout, un peu partout, et il va falloir faire preuve de clairvoyance et de sang froid pour différencier les plantes rares des mauvaises herbes envahissantes. Il y a des gens qui ont la main verte. Existerait-il un don similaire qui nous permettrait de survivre à la publication simultanée de quelques 700 nouveaux livres ? Remarquons au passage que cette surabondance de textes ne concerne que le genre roman, marginalement la nouvelle. Quant à la poésie… La poésie vous dites ?

Pour être sincère, cette année, j’avais décidé de la jouer un peu snob et de me retrancher à l’abri d’un bon vieux classique d’au moins 800 pages, du genre Moby Dick. J’en serais sortie mi-novembre, l’air innocent de celui/celle qui a tout loupé, mais qui a surtout lâchement laissé les autres aller au feu, comptant sur les survivants, s’il en reste, pour lui conseiller les trois ou quatre livres indispensable - car généralement, il n’y en a pas davantage. Sachant que mon indispensable n’est pas forcément le vôtre, nous voici face à une situation impossible.

Pourtant, une fois encore, je cède à la tentation et puis, cet après-midi, il est question d’échange, non ? J’ai donc lu quelques romans pour vous. Commençons par le moins bon, ce sera fait.

 

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« L’amour est une île », Claudie Gallay, chez Actes Sud.

L’histoire hante des lieux qui me sont très familiers : Avignon et son festival, en particulier celui de 2003, année de la grève des intermittents du spectacle. Hélas, d’une réalité si forte, Claudie Gallay extrait des personnages artificiels auxquels il est impossible de croire au-delà de la page 50 : une comédienne ultra célèbre surnommée la Jogar – un nom aussi laid à lire qu’à entendre, un directeur de théâtre, une vieille dame qui a connu tout le monde : Gérard Philipe, Jean Vilar, Léo Ferré, Calder, Willy Ronis, Agnès Varda… N’en jetez plus ! Pour ceux qui auraient lu le précédent roman de Claudie Gallay, « L’amour est une île », c’est « les Déferlantes » à la sauce Avignon, tapenade comprise.


IMGP1547.JPG 

Vite oublié celui-ci, on se jette sur le suivant, au sommet de la pile à lire, qui se tourdePise d’ailleurs un peu plus chaque jour."

 

à suivre...

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