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l'ecole des loisirs

les 4 saisons de la famille Souris

Publié le par Za

Je veux bien parler des albums jeunesse plus ou moins sérieusement. Je veux bien disséquer quelques textes, dépiauter des images. Mais la famille Souris, c'est pas pareil.

les 4 saisons de la famille Souris

Je ne lis pas la famille Souris, j' y plonge, je m'y promène. Je ne lis pas la famille Souris, je m'en régale.

Les 4 saisons de la famille Souris est la réédition en un gros albums de 141 pages de quatre histoires parues en France entre 1985 et 1988 - à une époque où, malheureuse, je ne connaissais pas la famille Souris.

les 4 saisons de la famille Souris

Lire les albums de Kazuo Iwamura, c'est s'immerger au ras du sol, jamais très haut, dans des doubles pages aquarellées avec génie où grouillent dix souriceaux, leurs parents et grands-parents, au milieu d'une nature bienveillante qui leur offre le gîte et le couvert. J'imagine tout ce qu'il peut y avoir du Japon dans ces albums, tout ce que les amoureux du Japon peuvent y voir.

Dans le premier volume, au terme d'un voyage périlleux, les 14 membres de la famille trouvent l'arbre qui va devenir leur maison. Et quelle maison : douillette, eau courante, et une table accueillante autour de laquelle se réunissent les trois générations qui cohabitent sous ce même toit.

Je veux la même maison.

Chaque image fourmille de détails finalement réalistes qui restituent une vie douce et sereine où l'on s'entraide, où l'on se respecte, où chacun adhère aux projets sans trop râler. Sans râler du tout même.

les 4 saisons de la famille Souris

Dans les albums de la famille Souris, il y a toujours un moment où on se met à table. Pique-nique ou dîner près du poêle, tout le monde à toujours l'air de se régaler. Je veux aller manger là-bas. Mais ce n'est pas tout.

Je veux aller dormir dans la maison de la famille Souris, bien au chaud dans un de ces lits forcément douillets.

les 4 saisons de la famille Souris

Alors évidemment, on pourrait émettre quelques réserves sur cette famille idéale et plan-plan dans laquelle aucun rebelle ne vient troubler une harmonie huilée à la perfection par des parents bienveillants qui font régner l'ordre sans lever la patte ni la voix.

On pourrait.
Mais ce serait me déranger de ma lecture. Alors, on évitera. Merci.

 

Les 4 saisons de la famille Souris

Kazuo Iwamura

L'école des loisirs, 2013

Je vous conseillede lire cet article passionnant signé Christophe Meunier, Espace et spatialité chez Kazuo Iwamura, qui m'a laissée sur le flanc devant tant de richesses à découvrir entre les traits du maître.

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le passage du diable

Publié le par Za

D’Anne Fine, je l’avoue, je ne connaissais que les pendables Aventures du Chat assassin, de réjouissants petits romans pour lecteurs débutants, de quoi donner le goût de lire aux plus récalcitrants, tout en les initiant à un second degré de bon aloi. Et il y a aussi Madame Doubtfire. C’est ce que j’appellerais donc un léger a priori positif.  Et vous avouerez que la découverte de cette couverture plongerait n'importe qui dans un abîme de curiosité...
 

le passage du diable

Daniel est tenu reclus chez lui par sa mère, coincé par une maladie imaginaire. Le jour où les portes s'ouvrent, tout s'écroule autour de lui, son univers douillet et étouffant, la santé mentale de sa mère. Ne subsiste qu'une maison de poupée aux pouvoirs étranges, exacte réplique de la demeure ancestrale de Daniel. Et c'est bien là la première héroïne de ce livre, une maison et son double maléfique, propres à engloutir les esprits les mieux trempés. Car tous les codes sont respectés : passages secrets, tableaux fantômatiques, serviteurs muets mais porteurs de vérités.

Si la personnalité de Daniel, adolescent spectateur jusqu'à la dernière limite, peut laisser perplexe, le personnage de l'oncle est nettement plus enthousiasmant. Mystérieux, inquiétant, changeant d'humeur au gré de sa folie, il est le pivot du roman et renvoie sans cesse à l'ombre de sa soeur, la mère de Daniel, folle à lier, porteuse de trop lourds secrets.

Dans un cadre victorien, un brin gothique, Anne Fine distille l'angoisse avec beaucoup de maîtrise, à tel point que, passés les premiers chapitres, il est difficile de lâcher ce livre.

 

Anne Fine

Le Passage du Diable

L'école des loisirs, 2014

traduit de l'anglais par Dominique Kugler

éd. originale : "The Devil Walks"

Random House Children's Books, 2011

 

 

 

 

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Pauline ou la vraie vie

Publié le par Za

Pauline ou la vraie vie

Sous ce titre un peu lourdaud - quel dommage - se cache une série de romans franchement épatants signés Guus Kuijer entre 2000 et 2010 - à la louche.

Pauline ou la vraie vie

Au début du premier roman, Pauline (Polleke en néerlandais) a un amoureux, Mimoun et un instituteur, amoureux lui aussi... de sa mère. De quoi faire enrager la demoiselle au caractère bien trempé. Les six cents pages qui suivent et se lisent ennui aucun la suivront dans ce début d'adolescence où  tout est matière à complication. Comment devenir poète ? Voir grandir son animal de compagnie lorsque c'est... un veau ? Comment survivre à la trahison de sa meilleure amie ?

Le ton est donné dès le début, aucun tabou dans ces pages, et une liberté de ton magnifique.

Pauline ou la vraie vie

La question de l'autre est au centre de ces romans. Jamais Pauline ne se vautre dans une introspection purement nombriliste. Sa relation tourmentée avec Mimoun, l'amoureux d'origine marocaine, oblige Pauline à confronter son éducation anti-raciste à la réalité des rapports humains, tout comme sa rencontre avec Consuelo, mexicaine exilée qui devient sa meilleure amie.

Rien n'est épargné à Pauline, la toxicomanie de son SDF de père, la mort de son grand-père. Mais là où d'autres en auraient tartiné des kilos, Guus Kuijer ne met aucun pathos dans ses textes. Oui, le père de Pauline part en désintoxication. Et sa fille l'accompagne. Et c'est normal. Elle aura sa part dans la rédemption bizarre de ce père perdu, qui ne sera pas poète, lui.

La question de la mort et de la religion est permanente. Pauline est athée et le revendique, même si elle accompagne comme elle le peut les prières de sa grand-mère croyante. Et lorsque son grand-père meurt, elle aborde le deuil avec son bon sens, sa simplicité habituelle.

Les gens autour de moi croient en quelque chose. Ils croient, par exemple, au paradis. Que Grand-père s'y trouve et qu'il nous y attend. Ou ils croient que Grand-père s'est réincarné et qu'il est devenu un bébé, ou un petit veau ou autre chose. Ou qu'il est invisible et qu'il flotte autour de nous et vit avec nous. ou qu'il survit en moi. Oui, c'est ça ! Je ne suis pas mon grand-père, je vous le signale ! Moi, c'est Pauline ! J'ai fait de mon mieux pour croire en quelque chose. Mais je ne crois en rien. Je pense qu'une fois mort, on ne vit plus.

Lorsque ce gros livre se clôt, Pauline a treize ans. Elle ne croit toujours en rien. Mais elle sait qu'elle sera poète. Qu'elle est poète.

 

J'avais déjà parlé de Pauline, il y a quelques années déjà, quand mon cabas était petit encore.

Voir aussi les avis de LetterBee, de Céline, et de Jean, cuistot de la Soupe de l'Espace.

 

Pauline ou la vraie vie, 2013

(première publication en quatre volumes)

Unis pour la vie, 2003

La vie, ça vaut le coup, 2005

Le bonheur surgit sans prévenir, 2009

Porté par le vent vers l'océan, 2010

et un volume inédit : Je suis Pauline ! , 2013

traduit du néerlandais par Maurice Lomré

illustrations d'Adrien Albert

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un jeune loup bien éduqué

Publié le par Za

un jeune loup bien éduqué

Est-ce qu'il n'a pas l'air bien comme il faut, ce petit loup, avec sa chemisette bien boutonnée jusqu'en haut ? Avec son bon sourire ? Pour un peu, on l'imaginerait bien peigné façon photo de classe, non ? Et puis gentil avec ça. Poli avec son prochain. Même si son prochain est comestible. Parce que le problème est bien là : ce jeune loup a faim. Et lorsque le prochain en question, après le lapin appétissant, la poule dodue, est un petit garçon, bien élevé lui aussi de surcroit, tout pourrait se compliquer et le loup pourrait bien finir par perdre patience.

un jeune loup bien éduqué

Les dessins de Matthieu Maudet font mouche une fois encore. Ils sont empreints d'humour et de tendresse aussi pour ce petit loup jaune au sérieux désarmant. Les dialogues de Jean Leroy sont présentés sous la forme d'une bande-dessinée, pendant que la voix du narrateur reste sagement dans son coin. La fin, que je ne dévoilerais évidemment pas, ce serait un crime, s'étale sur quatre double pages irrésistibles et percutantes.

un jeune loup bien éduqué

Voici un album intelligent et franchement drôle comme je les aime !

 

Un jeune loup bien éduqué

Jean Leroy & Matthieu Maudet

L'école des loisirs

septembre 2013

 

De Matthieu Maudet, j'avais aussi beaucoup aimé Un mammouth dans le frigo.

 

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le griffon et le petit chanoine

Publié le par Za

Vous le connaissiez, celui-là ? 

 

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J'en avais aperçu des bribes, une allusion par-ci, une image par-là. Il se dérobait toujours, m'échappait. Il était épuisé, absent des bibliothèques écumées de fond en comble. Et puis, c'est comme tout, à force d'entêtement, j'ai fini par le coincer dans un coin. Ça y est. Il est mien. Qui me verrait me prendrait sans doute pour une folle. Subrepticement, je le renifle - personne ne m'a vue. Je fais durer encore un peu l'avant-joie. Vous connaissez ma théorie qui veut que c'est souvent meilleur avant.

Allez zou, allons-y !

 

La couverture d'abord. Un peu chagrinée dans les coins, elle a vécu. Les couleurs ne subsistent que sur la quatrième. Devant, le rose du bandeau a disparu, les couleurs des colonnes aussi. Au dos, il y a encore une petite étiquette marquée 48F00. Le format est épatant, carré, 20x20, 56 pages.

 

titre original: "The Griffin and the Minor Canon" (Holt, Rinehart and Winston, New-York)

1963 Maurice Sendak pour les illustrations

 

1963, l'année de Max et les Maximonstres, le chef-d'oeuvre des chef-d'oeuvres.

 

L'album s'ouvre sur un avant-propos de Sendak lui-même, qui rappelle d'où vient ce texte et, surtout, pourquoi il est allé coller des pattes arrières au griffon alors que l'auteur, Franck R. Stockton, l'en avait dépourvu dans sa description. Mais au-delà de ce détail, c'est sa conception du travail d'illustration qu'il nous offre.

Je voulais plutôt laisser l'histoire parler d'elle-même, avec mes dessins en accompagnement musical. La musique devait être juste, du meilleur goût et toujours en harmonie avec le texte.

 

Voici donc l'histoire d'un griffon, le dernier des griffons, qui ne sait pas à quoi il ressemble. Apprenant qu'il existe une statue de lui au-dessus du porche d'une église, il décide de se rendre sur place pour y contempler son image. Imaginez l'effroi des habitants de la ville ! On s'adresse alors au chanoine de l'église, un petit ecclésiastique avisé, une grande âme toujours prête à rendre service. Pas plus rassuré que les autres, il finit tout de même par aller au-devant de la bête. Son ingéniosité réussit un temps à contenir la curiosité du griffon.. Un temps seulement.

 

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Le griffon finit par s'immiscer dans la vie des citadins, s'entichant du petit chanoine au point de le suivre partout, des visites aux malades jusqu'à l'école. Il faut cependant savoir que l'appétit de cet encombrant animal quoique redoutable, ne s'exprime que deux fois l'an, aux équinoxes. La date fatidique approchant, le chanoine est banni, dans l'espoir que le griffon le suivra. Espoir vain, la bestiole ayant décidé de remplacer le religieux dans ses taches quotidiennes...

 

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Tout le sel de cette histoire réside dans l'incompréhension des humains prêtant des sentiments au griffon, prenant pour de l'amitié ce qui n'était peut-être que de la gourmandise...

 

"D'après ce que j'ai vu des gens de cette ville", dit le monstre, "je ne pense pas pouvoir apprécier un dîner préparé par leurs soins. Ils me semblent tous lâches et minables donc égoïstes. Quant à manger l'un d'eux, vieux ou jeune, je n'y songe pas pour le moment. En fait, la seule créature pour laquelle j'aurais eu quelque appétit, était le Petit Chanoine qui est parti. Il était courageux, bon et honnête et je pense que je l'aurais savouré."

 

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Mais quelle merveille que ce livre !

Le texte de Stockton, est publié pour la première fois aux États-Unis dans la revue Saint Nicolas, quelque part entre 1873 et 1881. Son ton et sa sagesse inscrivent d'emblée l'histoire dans un temps hors du temps. Sendak lui, choisit de lui offrir une ville d'Europe du Nord un brin médiévale.

 

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Ses dessins tiennent parfois de l'enluminure. Ils s'installent en marge, entre deux paragraphes.

 

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La première image du griffon et celle de son départ envahissent la double page et se parent de la délicatesse des gravures de la Renaissance.

 

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À aucun moment l'illustration n'écrase le texte et ne se met en avant. L'histoire se déroule avec fluidité entre les images qui lui apporte ce brin d'humour indispensable à toute fable. Vous l'aurez compris, ce livre est un trésor, témoin précieux de l'art, du talent immense de Maurice Sendak.

 

Le griffon et le petit chanoine

Franck R. Stockton

images de Maurice Sendak

l'école des loisirs, 1980

(première publication 1963)

 

 

 

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Ponti comme discipline olympique

Publié le par Za

Je ne suis pas sportive.

J'en entends d'ici qui ricanent.

Mais si vous saviez à quel point j'assume... 

Cependant, il est des fois où l'activité sportive se pointe au débotté, vous oblige à déroger à vos habitudes, surtout s'il s'agit de faire plaisir à la progéniture. Jusqu'à présent, je m'estimais chanceuse. J'avais réussi à échapper à l'acccrobranche et autres toboggans remplis d'eau chlorée. Mais là, je ne me suis pas méfiée, et j'ai eu tort.

 

 

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Imaginez la scène, tendre et idéale, Petitou sous la couette, moi qui me vautre mollement m'assois sur le bord du lit. Et là, sans sommation, l'autre machiavélique me balance le truc sous le nez, au risque de me crever un oeil : "Maman, ce soir on lit ce Ponti, celui de la médiathèque !"

Joie, bonheur. La prochaine fois, j'irai seule.

Je me revois, l'après-midi même, tentant de glisser l'album en question dans mon cabas. En longueur, ça ne rentre pas. En largeur, on ne peut plus attraper les poignées. Quand je vous dis que j'aurais dû me méfier.

Faisant fi de mes réticences, je me lance, confiante, dans la lecture du mastodonte. Car tout commence par là : les dimensions de la chose. Un généreux format à l'italienne de 41 x 29,5 cm. Ce qui nous fait, une fois ouvert, 82 cm de longueur. À 29€, vous avez le sentiment d'en avoir pour votre argent, me direz-vous, mais je vous rappelle que nous l'avions emprunté. Vous serez aimable de vous en souvenir en lisant la suite : je souffrirai donc gratuitement.

Bih-Bih est une créature vêtue de bleue et de blanc, tout comme Alice, son illustre devancière. Et comme elle, Bihi-Bih va tomber, tomber, tomber... À cette différence près que l'héroïne de Claude Ponti emporte le monde avec elle. Car l'affreux Bouffron-Gouffron vient de boulotter la Terre et dans son ventre, c'est l'univers entier que l'on retrouve, cul par-dessus tête, capharnaüm inextricable.

 

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Commence la quête de Bih-Bih, cherchant le sésame qui sauvera le monde. Nous en sommes à la page 18. Les infinis détails du dessin de Claude Ponti nous invitant à de longues haltes contemplatives, voici le moment où s'invite la crampe dans le bras, voire la légère mais sournoise douleur dans l'épaule. Que voulez-vous, je n'ai plus vingt ans.

Et c'est là que ça se corse, comme dirait mon amie Bree. La ligne de texte, jusque là sagement rangée sous le dessin, se glisse à la verticale, m'obligeant à pencher l'album de 90° vers la droite, un album qui, du coup, mesure désormais 29,5 x 82 cm de hauteur.

 

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Vous allez sans doute trouver ces considérations mesquines, mais je vous rappelle que je suis au bord de la crampe. Cette manoeuvre soulage l'épaule droite, mais accable la gauche. Prête à tout pour l'élévation littéraire de mon fiston, je poursuis bravement ma lecture, tout en me disant qu'il faudra que je lui rappelle cet épisode, si d'aventure, un jour, je devais lui raconter à quel point je me suis sacrifiée pour son éducation.

Le calvaire, jusqu'alors simplement articulaire, devient insidieusement une torture langagière. Vous allez voir que je n'exagérais pas en parlant d'entraînement préalable nécessaire.

"Greu zui greu grontent greu tu mé grélivré greu la glasse", dit l'autre étrange animal, "greu mappell Greupansse Popille, et greu teudi meurci, greu greudi greutu greu gresse-piré danlo, et greu tu groi gressengrou gran gras... grogrevoir ! "

Essayez donc de lire ce texte avec naturel et un bras en l'air, vous m'en direz des nouvelles... Heureusement, de belles images de fond sous-marin sont là pour me soutenir le moral, parce que sans ça...

 

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L'album retrouve sa position de départ à la page 28. D'ailleurs, j'en profite pour affirmer la supériorité éclatante de l'oeuvre de Ponti sur celle de Tullet : on peut retourner un album de Ponti dans tous les sens, son contenu reste bien en place, rien ne se mélange, contrairement à un certain album rempli de pois qui roulent... Vous pouvez ainsi  emporter Bih-Bih en bateau. Même par gros temps, il restera en l'état. Lui.

Arrivent les pages 32 et 33, véritable ode aux arts du monde, grâce auxquelles vous pourrez passer pour un puits de culture aux yeux de vos enfants, à moins qu'ils ne soient, comme Petitou, expert ès Quai Branly et ne vous ridiculise en deux mots. Vous dirai-je qu'en plus maintenant, à force, j'ai mal au dos, et vous entreverrez l'étendue du martyre que j'endure.

 

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Pourtant la conclusion de l'histoire approche, avec un feu d'artifice verbal, qui dans l'état d'exaspération dans lequel je me trouve désormais, me fait regretter de m'être lancée dans cette aventure sans préparation.

"Ils entrent dans le château pendant que ça tournicibouline de plus en plus fort. Les miettes de la Terre se recollent aux morceaux de l'Ooïpopoille qui grandissent et s'énormisent. Car le gigantesque énormissement tourniboulinique risque de faire s'éclapetter la peau du ventre du Bouffron-Gouffron."

Si vous n'avez jamais postillonné de votre existence, c'est le moment où jamais de tenter la chose, vous aurez des excuses...

 

En conclusion, je dirais:

1) que Bih-Bih et le Bouffron-Gouffron, loin d'être l'Alice de Claude Ponti est un vrai conte de création du monde, mais à la sauce du papa d'Adèle,

2) que je suis une mère qui respecte la liberté de son enfant en lui permettant de se construire une palette de goûts indépendants des siens,

3) que je m'inquiète de la préparation physique des bibliothécaires et enseignants lorsqu'ils doivent aborder ce genre d'album.

 

Une dernière chose ! Hier soir, Petitou est rentré, fier comme un pape, avec son livre de l'abonnement de l'École des Loisirs... Je vous laisse deviner ce que c'était... Mais dans un format inférieur d'un bon tiers, c'est de la triche !

 

Claude Ponti

Bih-Bih et le Bouffron-Gouffron

l'École des Loisirs

2009

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l'endroit rêvé

Publié le par Za

Depuis le temps que cet album trépignait d'impatience sur l'étagère, attendant qu'on parle de lui !

 

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Mais comprenez-moi, ce n'est pas n'importe quel album, c'est L'endroit rêvé !  Je voulais bien faire les choses, histoire de vous donner vraiment l'envie de lire ce beau livre, de vous donner l'envie d'aller embêter votre libraire pour qu'il le commande, puisqu'il est toujours disponible, École des Loisirs cuvée 2008, ce qui n'est pas si vieux après tout.

L'endroit rêvé, c'est celui qu'on finit toujours par trouver, lorsqu'on est enfant, dans ce moment de presque vide, de délicieux ennui où on est censé faire un brin de sieste ou tout du moins prendre un peu de repos. Alors, dans le secret de sa chambre, avec son doudou ou un autre compagnon indispensable, on fait évidemment semblant de dormir et on finit par s'évader un peu...

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L'endroit rêvé est noyé de tant de soleil que le ciel peut être jaune si on veut. Et si on en a très envie, le lit devient un arbre,  enfin, à moitié un lit, à moitié un arbre. L'endroit rêvé, c'est celui où le lit est aussi un bateau avec lequel il est si facile de rejoindre cette île bizarre et belle, à mi chemin entre maison et aventure.

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L'endroit rêvé, c'est une complicité imaginaire. Enfin, imaginaire pour de vrai..endroit-reve061.jpg

Pour finir, l'Endroit rêvé est un album spécial parmi ceux que je préfère, pour son étrangeté sans concession, ses couleurs extraordinaires - au sens propre du terme, les nuages dans lesquels on peut imaginer le monde, les yeux incroyables de Rose, l'énergie de l'ours, l'originalité, l'univers sans limites des dessins de Philippe-Henri Turin. On pourrait dire que cet album est à part dans sa bibliographie mais à y réfléchir, ce monsieur ne fait que des albums à part...

Et puis il y a la grande qualité du texte d'Alex Cousseau avec cette fin maligne qui vous oblige à le relire immédiatement pour en saisir toute l'ambiguïté - alors que tout est dans les dessins, depuis le début. C'est exactement ce que j'attends d'un album jeunesse : le refermer en  me disant que j'y ai pris autant de plaisir de Petitou ! Et celui-ci mérite vraiment d'être redécouvert !

 

Mais est-ce qu'on peut laisser un lit dans un potager ?

Est-ce que Papa et Maman vont être d'accord ? On aura beau leur expliquer que ce n'est pas un vrai lit, est-ce qu'ils vont bien vouloir ?

- Non, Rose. Ils ne vont sûrement pas vouloir.

- Alors on va le mettre où ?

- Plus loin...dans la forêt...

Non. Pas dans la forêt parce que c'est sombre. On se croirait dans une chambre avec les volets fermés. Avec quelqu'un qui dort dans chaque arbre.

L'endroit rêvé
Alex Cousseau & Philippe-Henri Turin
L'école des loisirs, 2008

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le souhait

Publié le par Za

 

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C'est Noël. L'homme et la femme traînent leur chagrin sous les lumières de la fête, au long des vitrines enrubannées. Ils traînent leur chagrin de n'avoir pas d'enfant. D'avoir tout le reste, mais pas d'enfant. Alors, comme tous les ans, ils achètent quand même des jouets, qu'ils rangeront dans leur belle maison, dans la belle chambre d'enfant qu'ils ont préparée.

 

Mais cette année-là, minuit sonne deux fois.

Et dans la chambre, une petite fille aux cheveux noirs, à la peau noire, en robe blanche est là. Dans la belle maison, elle trouve le coeur de ses parents. Elle va prendre soin de ces deux coeurs, qui lui parlent, la choient, se brisent pour un rien, l'étouffent.

Les deux coeurs ne demandaient rien d'autre que de pouvoir se serrer l'un contre l'autre sur la poitrine de Camélia. Camélia, elle, avait l'impression qu'ainsi ils l'empêcheraient de respirer plainement.

Mais comment le leur faire comprendre ? Un seul mot à ce sujet et, elle en était sûre, les deux coeurs en même temps se crèveraient sous l'effet du désepoir.

Alors, pour un tout petit moment, elle les laisse sur un banc, bien au chaud dans sa toque de fourrure.   

Les enfants ne sont pas les gardiens du coeur de leurs parents.

Et elle se sent à la fois légère et lourde. Et aussi toute froide du désespoir de ses parents. Et pourtant, la solution est si simple...

 

Ce texte m'a émue, serré le coeur pour de vrai. Il est, lui aussi, léger et lourd. Lourd de tout ce que l'on met dans l'amour qu'on porte à son enfant. Léger comme le baiser du matin.

 

L'École des Loisirs, 2005, illustrations d'Alice Charbin.

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pangbotchi

Publié le par Za

Ce doit être l'ambiance montagneuse du moment qui m'amène tout naturellement à une histoire de yéti, parce que pour ceux qui en doutaient encore, oui, je l'affirme bien haut (1 000 m), il y a des yétis dans le Cantal. Velus et tout. Vous n'avez qu'à jeter un oeil sur les vaches du cru et vous verrez que question poil... Mais je m'égare.

 

 

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Où en étais-je ? Ah oui, le yéti. 

 

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Celui-ci vit tout naturellement quelque part au Népal (et pas dans le Cantal) dans une douillette maison, avec son papa et sa maman, yétis eux aussi, évidemment. C'est la veille de Noël et le petit Pangbotchi doit faire face à une invasion de lutins, qui envahissent salement le frigo, squattent le canapé du salon... Pas mignons pour deux sous, ces lutins et sans gêne comme tout. Heureusement, papa Yéti est là pour les remettre sur le droit chemin, celui qui mène chez le Père Noël où les attend leur dur labeur saisonnier. Et nous voilà partis pour de belles glissades en baignoire ou en canapé sur les pentes enneigées !

 

 

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Voici une histoire épatante d'Alex Cousseau, qu'on relit dès qu'on en découvre la chute, un texte malin et plein d'humour. Le tandem Cousseau - Turin fonctionne à merveille. Tout n'est pas dit dans le texte, les illustrations de Philippe-Henri Turin ont leur part d'histoire à raconter et sèment les indices. Les yétis sont épatants, plus que vivants, griffus, à la fois drôles et effrayants, dents parfaitement acérées, regards pas que rassurants. Et ce petit Pangbotchi qui aurait des airs de Barbouille...

 

 

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De belles montagnes enneigées (pour ceux qui aiment les montagnes  enneigées, ce qui n'est pas mon cas, dois-je vous le rappeler ?), avec une mention spéciale pour un crépuscule rose de soleil couchant, qui vous scotche franchement lorsque vous tournez la page. Si vous voulez le voir et vous régaler, commandez ce bel album à votre libraire, c'est à l'École des Loisirs, cuvée 2005, approuvé par Petitou !

 

 

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oh, boy !

Publié le par Za

oh, boy !

Peut-on s'appeler Venise Morlevent ?
Peut-on être orphelin, membre d'une fratrie indissociable, gravement malade, terriblement triste, surdoué, insolent, drôle, perdu, débordant d'amour, inconsolable et se relever de tout, guérir de tout ?
Oui.
Dans un roman de Marie-Aude Murail tout cela est possible.

"Oh, boy !" est un grand cru classé de 2000 - comment m'avait-il échappé, d'ailleurs ? Des personnages qui auraient pu être caricaturaux, des situations qui auraient pu être too much chez n'importe quel autre auteur.
Mais... Marie-Aude Murail.
Je sais, à ce niveau d'admiration, je ne réfléchis plus, comme on dit chez moi, je bade. Je scrute l'art du dialogue, j'épie le sens de la formule. Il y a de la légèreté dans le drame, une sorte d'empathie douce et bienveillante, sans complaisance, sans se vautrer dans le drame, qui pourtant est bien là.
Ce roman s'ouvre sur une magnifique citation de Romain Gary, du genre qui peut accompagner une vie entière: "L'humour est une déclaration de dignité, une affirmation de la supériorité de l'homme sur ce qui lui arrive."

- Je ne sais pas de quoi vous parlez, répondit-il, le ton neutre.
- Que ta mère s'est tuée en buvant du Canard Vécé.
La douleur déchira le maigre corps de Siméon. Il comprenait enfin ces regards qu'on lui jetait, entre horreur et pitié, ces murmures qui s'éteignaient quand il entrait dans une pièce. Il prit le temps de sourire avant de répondre:
- N'importe quoi ! C'était du Décap four.
Le foyer de la Folie-Méricourt était un concentré de misère juvéniles. Mais ça, ça en imposait. Les deux garçons, bizarrement impressionnés, se collèrent au mur pour laisser passer Siméon. Quand celui-ci entra dans la salle du petit déjeuner, il vit tout de suite que les petites soeurs déjà attablées avaient pleuré.
- Qu'est-ce qui ne va pas ? demanda-t-il en s'asseyant devant son bol.
- C'est Dent-de-lapin, répondit Morgane. Il dit que Maman est morte parce qu'elle a... qu'elle a... bubu... bubu...
Elle se mit à sangloter, momentanément incapable de terminer la fin de sa phrase. Siméon se retourna vers sa petite soeur qui chuchota comme un secret honteux:
- Parce qu'elle a bu du Canard Vécé.
Siméon prit de nouveau le temps de sourire. C'était le truc qu'il avait pour préparer ses réponses lorsqu'il était un peu pris de court.
- N'importe quoi, dit-il avec autorité. On n'a jamais eu de canard Vécé à la maison.
- Ah bon, soupira Venise, pleinement réconfortée.

Oh, boy !
Marie-Aude Murail
L'école des loisirs, 2000

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