Au début du premier roman, Pauline (Polleke en néerlandais) a un amoureux, Mimoun et un instituteur, amoureux lui aussi... de sa mère. De quoi faire enrager la demoiselle au caractère bien trempé. Les six cents pages qui suivent et se lisent ennui aucun la suivront dans ce début d'adolescence où tout est matière à complication. Comment devenir poète ? Voir grandir son animal de compagnie lorsque c'est... un veau ? Comment survivre à la trahison de sa meilleure amie ?
Le ton est donné dès le début, aucun tabou dans ces pages, et une liberté de ton magnifique.
La question de l'autre est au centre de ces romans. Jamais Pauline ne se vautre dans une introspection purement nombriliste. Sa relation tourmentée avec Mimoun, l'amoureux d'origine marocaine, oblige Pauline à confronter son éducation anti-raciste à la réalité des rapports humains, tout comme sa rencontre avec Consuelo, mexicaine exilée qui devient sa meilleure amie.
Rien n'est épargné à Pauline, la toxicomanie de son SDF de père, la mort de son grand-père. Mais là où d'autres en auraient tartiné des kilos, Guus Kuijer ne met aucun pathos dans ses textes. Oui, le père de Pauline part en désintoxication. Et sa fille l'accompagne. Et c'est normal. Elle aura sa part dans la rédemption bizarre de ce père perdu, qui ne sera pas poète, lui.
La question de la mort et de la religion est permanente. Pauline est athée et le revendique, même si elle accompagne comme elle le peut les prières de sa grand-mère croyante. Et lorsque son grand-père meurt, elle aborde le deuil avec son bon sens, sa simplicité habituelle.
Les gens autour de moi croient en quelque chose. Ils croient, par exemple, au paradis. Que Grand-père s'y trouve et qu'il nous y attend. Ou ils croient que Grand-père s'est réincarné et qu'il est devenu un bébé, ou un petit veau ou autre chose. Ou qu'il est invisible et qu'il flotte autour de nous et vit avec nous. ou qu'il survit en moi. Oui, c'est ça ! Je ne suis pas mon grand-père, je vous le signale ! Moi, c'est Pauline ! J'ai fait de mon mieux pour croire en quelque chose. Mais je ne crois en rien. Je pense qu'une fois mort, on ne vit plus.
Lorsque ce gros livre se clôt, Pauline a treize ans. Elle ne croit toujours en rien. Mais elle sait qu'elle sera poète. Qu'elle est poète.
J'avais déjà parlé de Pauline, il y a quelques années déjà, quand mon cabas était petit encore.
Voir aussi les avis de LetterBee, de Céline, et de Jean, cuistot de la Soupe de l'Espace.
Pauline ou la vraie vie, 2013
(première publication en quatre volumes)
Unis pour la vie, 2003
La vie, ça vaut le coup, 2005
Le bonheur surgit sans prévenir, 2009
Porté par le vent vers l'océan, 2010
et un volume inédit : Je suis Pauline ! , 2013
traduit du néerlandais par Maurice Lomré
illustrations d'Adrien Albert