magasin zinzin, 1995
Voici un livre que j'aime infiniment et que je considère comme un classique. Je viens de le croiser simultanément au détour d'un manuel scolaire et au coin d'une étagère de ma bibliothèque. Celui-là n'est jamais couvert de poussière car feuilleté régulièrement, relu, consulté, caressé, reniflé.
À ce propos, je ne sais pas vous, mais je garde le souvenir des odeurs des livres autant que des textes. Réouvrant un livre d'enfance, d'adolescence, je retrouve toujours son parfum, intact: Un bon petit diable, cette version abrégée d'Oliver Twist, mes Fantômette, les volumes blancs des Contes et légendes, l'édition de poche de Spartacus... Ces parfums de papier et d'encre mélangés me renvoient illico au quatrième étage du 4 place Cassaignol, Narbonne, sur une terrasse surplombant une volée de tuiles, à l'ombre de draps fraîchement étendus, refuge idéal pour passer l'été à lire...
Où en étais-je... oui, ce magasin étrange, ce magasin zinizin, sous-titré Aux merveilles d'Alys, visez un peu l'allusion...
Ce beau texte/prétexte est une liste d'objets merveilleux proposés par le colporteur Frédéric Tic Tic à Alys, "marchande d'un magasin extraordinaire". Sur de belles pages d'un épais papier blanc cassé, c'est une liste de "merveilleuses merveilles" et autres "folies douces", une "collection de collections" féériques et oniriques. Cinquante-neuf pages incroyables de délicatesse et de poésie, où les mots croisent montages photos, gravures et dessins, tous signés Frédéric Clément.
Lorsque ce livre est sorti, j'avais succombé à sa couverture, au petit ange aux ailes de graines d'érable, aux queues de cerises nouées dans les coins.
En parcourir les lignes, c'est explorer une caverne d'Ali Baba aux infinies richesses: "un oeuf de chapeau volage", "un dé à découdre", "des ouragans goulus de goélands", "des graines de carosse", et surtout, "les inestimables fleurs de girafe"... Entre ces pages, on croise Nemo, Blanche-Neige, le petit Poucet, Alice, bien sûr, Merlin l'enchanteur, Polichinelle, la Joconde...
J'aimerais vous faire bénéficier
d'un autre trésor d'Afrique:
Les inestimables fleurs de girafes.
Voyez-vous,
Mademoiselle,
le dernier soir d'orage de la
saison des pluies, les girafes
se déploient, étirent leur long
cou vers les derniers nuages
et les savourent
comme des
barbe à papa.
C'est à ce moment que
les girafes fleurissent,
l'espace d'un éclair.
Imaginez quel spectacle enchanteur
que la course folle des girafes en fleurs.
Fermez les yeux, imaginez
un peu..."
Pour savoir à quoi ressemblent ces girafes, c'est page 49, allez-y, et vous me direz des nouvelles de ce beau voyage...
Le magasin zinzin de Frédéric Clément est toujours disponible aux éditions Ipomée-Albin Michel. Pour se faire une idée des multiples talents de cet auteur illustrateur, c'est ici.