Vacances chez Tête de Fesses

Publié le par Za

Vacances chez Tête de Fesses

Vous aimez les romans d'amour ?
Moi, d'habitude, non.
Trop de sucre et de guimauve répandus.
Mais là, on parle vraiment d'amour. D'amour inconditionnel.
Par un cruel hasard de circonstance, voici notre chère Gurty privée de son Gaspard. Momentanément, heureusement, mais quand même. Et comme un malheur n'arrive jamais seul, son amie Fleur est elle aussi séparée de Pépé Narbier. Momentanément, heureusement, mais quand même. Et comme jamais deux sans trois, voilà que ce sont les Caboufigues qui vont prendre soin d'elles. Momentanément, heureusement, mais quand même.
Si tous ces noms ne vous disent rien, c'est que vous n'avez jamais lu le Journal de Gurty et je ne peux que vous plaindre. Mais je continue pour les autres - puisque ceux qui n'ont jamais lu le Journal de Gurty viennent de mettre leur manteau pour se ruer chez leur libraire indépendant afin de réparer cette bévue en achetant les cinq tomes d'un coup.
Une semaine chez les Caboufigues, c'est une semaine à partager la maison du meilleur ennemi des deux petites chiennes : un chat.

En fait, son vrai nom, c'est Jean-Jacques, mais moi je l'appelle Tête de Fesses car je trouve qu'il a une tête qui ressemble à des fesses.

Une semaine de "vacances" à subir l'atroce caractère de cette vilaine bestiole, sans parler des enfants Caboufigues, parfaitement raccords avec leur animal de compagnie.
La belle nature de Gurty et le sens de l'humour de Bertrand Santini font de ce cauchemar une aventure qu'on suit la truffe à l'air et les oreilles aux aguets, la rigolade en embuscade. Comme toujours serais-je tentée d'ajouter. Mais pas tout à fait. 
Tout d'abord parce que Tête de Fesse, sous ses dehors de monstre domestique, a du style. Il tient lui aussi un journal, dont nous pouvons lire quelques extraits.

Depuis que ces crasseuses ont colonisé mon empire, je vis avec la nausée pour seule compagne.
Tout mon être intérieur est dérangé et j'en tiens pour preuve que, hier soir, à l'heure vespérale où le monde s'abandonne aux bras du crépuscule languissant, moi, j'ai eu la diarrhée.

Le choix juste du mot, le balancement de la phrase... Pour un chat, ce n'est quand même pas mal. Le journal de Tête de Fesses nous montre un personnage complexe, un peu nuance n'ayant jamais fait de mal à personne.
Et l'amour, alors ? Où est-il, me demanderiez-vous, si je vous en laissais placer une.
Toute à l'instant présent, Gurty souffre de l'absence de son humain.

Ici et là planait encore l'odeur de mon Gaspard.
En reniflant sa pantoufle, je me suis mise à pleurer. Vivre sans lui, c'est comme vivre à moitié. Mon humain est tellement tout pour moi !
Pour lui aussi, je suis plein de personnes à la fois. Souvent, je suis son bébé comme quand par exemple il me cuisine un plat ou bien ramasse mon caca dans la rue. Mais parfois, quand il est triste, je vais me blottir contre lui pour lécher ses larmes; et dans ces moments-là, c'est moi sa maman.
D'autres fois, on s'assoit sur les quais de la Seine pour regarder passer la vie. Devant le spectacle des pigeons et des gens, on partage un fromage de chèvre comme les meilleurs amis du monde.
L'ennui quand on aime quelqu'un qui est tout pour soi, c'est que lorsqu'on le perd, c'est toute une famille qui disparait d'un coup.

Alors, c'est pas la quintessence de l'amour, ça ?
L'élégance de Bertrand Santini, c'est de ne pas s’appesantir sur les instants de tristesse, d'en sortir par une pirouette, un éclat de rire. Et pour rigoler, on peut compter sur un de mes personnages préférés, dont le défaut d'élocution fait ma joie : Ftéphanie la hériffonne. Ou l'horripilant écureuil qui ne fait plus hi hi mais hallelujah - dans un chapitre que je qualifierais de monumental, tant ses répercutions philosophiques sont grandes. Sans rire.

Vacances chez Tête de FessesVacances chez Tête de Fesses

Un cinquième opus parfaitement dans le ton des précédents, donc, sans aucune baisse de régime ni de perte d'inspiration ! Vivement la fuite, elle fera fans doute fenfafionnelle !

Le journal de Gurty - Vacances chez Tête de Fesses
Bertrand Santini
Sarbacane - collection Pépix, novembre 2018

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