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bertrand santini

Vacances chez Tête de Fesses

Publié le par Za

Vacances chez Tête de Fesses

Vous aimez les romans d'amour ?
Moi, d'habitude, non.
Trop de sucre et de guimauve répandus.
Mais là, on parle vraiment d'amour. D'amour inconditionnel.
Par un cruel hasard de circonstance, voici notre chère Gurty privée de son Gaspard. Momentanément, heureusement, mais quand même. Et comme un malheur n'arrive jamais seul, son amie Fleur est elle aussi séparée de Pépé Narbier. Momentanément, heureusement, mais quand même. Et comme jamais deux sans trois, voilà que ce sont les Caboufigues qui vont prendre soin d'elles. Momentanément, heureusement, mais quand même.
Si tous ces noms ne vous disent rien, c'est que vous n'avez jamais lu le Journal de Gurty et je ne peux que vous plaindre. Mais je continue pour les autres - puisque ceux qui n'ont jamais lu le Journal de Gurty viennent de mettre leur manteau pour se ruer chez leur libraire indépendant afin de réparer cette bévue en achetant les cinq tomes d'un coup.
Une semaine chez les Caboufigues, c'est une semaine à partager la maison du meilleur ennemi des deux petites chiennes : un chat.

En fait, son vrai nom, c'est Jean-Jacques, mais moi je l'appelle Tête de Fesses car je trouve qu'il a une tête qui ressemble à des fesses.

Une semaine de "vacances" à subir l'atroce caractère de cette vilaine bestiole, sans parler des enfants Caboufigues, parfaitement raccords avec leur animal de compagnie.
La belle nature de Gurty et le sens de l'humour de Bertrand Santini font de ce cauchemar une aventure qu'on suit la truffe à l'air et les oreilles aux aguets, la rigolade en embuscade. Comme toujours serais-je tentée d'ajouter. Mais pas tout à fait. 
Tout d'abord parce que Tête de Fesse, sous ses dehors de monstre domestique, a du style. Il tient lui aussi un journal, dont nous pouvons lire quelques extraits.

Depuis que ces crasseuses ont colonisé mon empire, je vis avec la nausée pour seule compagne.
Tout mon être intérieur est dérangé et j'en tiens pour preuve que, hier soir, à l'heure vespérale où le monde s'abandonne aux bras du crépuscule languissant, moi, j'ai eu la diarrhée.

Le choix juste du mot, le balancement de la phrase... Pour un chat, ce n'est quand même pas mal. Le journal de Tête de Fesses nous montre un personnage complexe, un peu nuance n'ayant jamais fait de mal à personne.
Et l'amour, alors ? Où est-il, me demanderiez-vous, si je vous en laissais placer une.
Toute à l'instant présent, Gurty souffre de l'absence de son humain.

Ici et là planait encore l'odeur de mon Gaspard.
En reniflant sa pantoufle, je me suis mise à pleurer. Vivre sans lui, c'est comme vivre à moitié. Mon humain est tellement tout pour moi !
Pour lui aussi, je suis plein de personnes à la fois. Souvent, je suis son bébé comme quand par exemple il me cuisine un plat ou bien ramasse mon caca dans la rue. Mais parfois, quand il est triste, je vais me blottir contre lui pour lécher ses larmes; et dans ces moments-là, c'est moi sa maman.
D'autres fois, on s'assoit sur les quais de la Seine pour regarder passer la vie. Devant le spectacle des pigeons et des gens, on partage un fromage de chèvre comme les meilleurs amis du monde.
L'ennui quand on aime quelqu'un qui est tout pour soi, c'est que lorsqu'on le perd, c'est toute une famille qui disparait d'un coup.

Alors, c'est pas la quintessence de l'amour, ça ?
L'élégance de Bertrand Santini, c'est de ne pas s’appesantir sur les instants de tristesse, d'en sortir par une pirouette, un éclat de rire. Et pour rigoler, on peut compter sur un de mes personnages préférés, dont le défaut d'élocution fait ma joie : Ftéphanie la hériffonne. Ou l'horripilant écureuil qui ne fait plus hi hi mais hallelujah - dans un chapitre que je qualifierais de monumental, tant ses répercutions philosophiques sont grandes. Sans rire.

Vacances chez Tête de FessesVacances chez Tête de Fesses

Un cinquième opus parfaitement dans le ton des précédents, donc, sans aucune baisse de régime ni de perte d'inspiration ! Vivement la fuite, elle fera fans doute fenfafionnelle !

Le journal de Gurty - Vacances chez Tête de Fesses
Bertrand Santini
Sarbacane - collection Pépix, novembre 2018

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Printemps de chien

Publié le par Za

Et de 4 !

Printemps de chien

Ce matin, pas question de perdre une minute de printemps !
Mon Gaspard ronflerait sans doute jusqu'à midi; mais moi, à midi, j'avais bien l'intention d'être déjà toute sale, avec un tas de dégâts à raconter.

Viens, lecteur, que je te parle un peu de moi, mais pas longtemps.
Je n'ai jamais vécu en compagnie d'un chien - ni d'un chat, dieu me garde !
Donc, je n'y connaissais strictement rien. L'animal domestique m'était une terre inconnue, un sujet obscur et fort éloigné.
Jusqu'à ce que je rencontre Gurty et découvre sa vie trépidante. Quelle plume, ce chien ! Un texte au style vivant et alerte qui se lit tout seul, le plus souvent en pouffant, voire en rigolant carrément. Parce qu'au quatrième tome, on pouvait s'inquiéter un brin. Peut-on tenir le rythme, renouveler les facéties, conserver l'esprit à la fois naïf et frais qui caractérise la série depuis le début ? La réponse est simple, lecteur chéri qui est déjà en route vers la librairie indépendante préférée, et c'est : MAIS BIEN SÛR, VOYONS !

Printemps de chien

Parce que la nature et les vacances ont ceci de commun qu'elles se renouvellent sans cesse et offrent chaque jour de nouveaux bonheurs. Dans ce nouvel opus, lecteur que j'aime et qui fait la queue à la caisse pour s'acquitter des modiques 9.90€ que lui coûteront ce livre, on retrouve Fleur (obligé), Tête de Fesses (incontournable), l'écureuil qui fait hihi (pfff) et les humains épatants que sont Gaspard et Pépé Narbier. Les Caboufigues sont aussi de la partie - mention spéciale à leurs charmants enfants, Donovan et Cassidy. Car oui, on peut s'appeler Donovan Caboufigues. Pour de bon.
On finit par avoir l'impression de retrouver, nous aussi, de vieux amis, un univers maintenant familier. Et ne me dis pas, lecteur qui sort maintenant de la librairie avec son petit sac en papier à la main, que tu ne jubiles pas d'avance, que tu ne presses pas un peu le pas pour rentrer vite et commencer ta lecture ! Mais cet univers familier est fragile et, entre deux rigolades, cette fois-ci, Gurty et ses amis devront défendre un arbre particulièrement hospitalier.

Printemps de chien

C'est nul, les hérissons. Ils sont comme la moutarde : il faut jamais les manger, sinon ça pique.

Et les petits nouveaux alors ? Sans vouloir spoiler divulgâcher, je dévoilerais juste un coup de cœur absolu pour Ftéphanie la hérissonne ! Elle est abfolument fenfafionnelle ! Le genre de personnage, pardon, de perfonnage que l'on retrouvera bientôt, c'est sûr ! Parce que, lecteur de mon cœur qui a terminé sa lecture le temps que j'écrive cet article - oui, je suis lente- tu as déjà remarqué le rabat de quatrième de couverture mentionnant l'existence future d'un cinquième tome intitulé Vacances chez Tête de Fesses !
Pour revenir à mon préambule, je me disais que ces Journaux de Gurty ne sont pas qu'une enfilade de rigolades, même si je m'amuse bien chaque fois, et si je constate qu'on s'amuse autour de moi, de 8 à 70 ans. Cette Provence que j'aime tant et que je partage avec Bertrand Santini (on a, par exemple, fréquenté les mêmes cinémas, ce qui n'est pas rien), avec ses platanes et ses cyprès, sert de toile de fond à une belle idée. Moi qui étais nulle en bestioles, je le répète, à force de les fréquenter, ces deux-là, Gaspard et Gurty, de papier ou de chair et de poils, l'idée de la bestiole a fait son chemin. Et si les enfants sortent de cette lecture avec l'idée que c'est quand même mieux d'être gentil avec les animaux et les arbres, notre Gurty pourra être sacrément fière.
 

Le journal de Gurty
Printemps de chien
Bertrand Santini
Sarbacane, collection Pépix
avril 2018

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Miss Pook

Publié le par Za

Miss Pook
Miss Pook

- Voyons, voyons mon Cabas chéri... Depuis combien de temps n'avons-nous pas ici évoqué un roman de Bertrand Santini ? [Oui, je voussoie mon cabas. Cela met de la distance tout en exprimant le respect que je lui porte.]
- Deux mois, quasiment jour pour jour.
- Et en voici déjà un autre ! Quelle année ! Que diriez-vous de celui-ci, Cabas joli ? [Je l'avoue : le Cabas lit les livres avant moi.]
- Euh...
- Vous hésitez ?
- Il faut avouer que celui-ci est pour le moins inattendu.
- Mais encore...
- Eh bien, tout commence comme dans Mary Poppins. C'est une référence assumée, mais pour mieux la dynamiter. Miss Pook lui ressemble furieusement, si ce n'est que l'action se situe à Paris en 1907. Elle prend ses fonctions de gouvernante dans une maison bourgeoise du quartier du Marais. Et c'est là que l'histoire dérape. Car Miss Pook est une sorcière, une Mary Poppins punk. Elle enlève Élise, la fille dont elle a la charge et l'emmène sur la Lune où les attendent d'autres pensionnaires pour le moins inhabituels.
- La Lune ? En 1907 ? Vous divaguez, Cabas !
- Je viens de dire qu'elle était sorcière. Si vous m'écoutiez de temps en temps... Elles gagnent ensemble la Lune sur le dos d'un dragon chinois, un de ces cerf-volants de papier. C'est ce que l'on voit sur la couverture du livre. L'image est signée de Laurent Gapaillard qui, une fois de plus, ne s'est pas moqué du monde, si vous voyez ce que je veux dire.
- Je vois, Cabas adoré, je vois très bien ce que vous voulez dire. Et une fois sur la Lune ?
- Une fois sur la Lune, c'est du Bertrand Santini tout craché ! Vampires, faune, créatures, et d'autres sorcières encore, roulant les R comme chez Roald Dahl [Z'avez-vu ? Le Cabas a des références.] On tombe de Charybde en Scylla lunaires, c'est Élise au Pays des Horreurs !
- Ça va aller, les références, Cabas ? Point trop n'en faut, siouplé.
- Point trop n'en faune.
- [Accablement]
- La relation entre les parents et leur progéniture est au centre de ce roman, le prénom des sorcières ne trompant personne. Mais je m'en voudrais de trop en dire. Sachez seulement qu'on retrouve ici ce qui vous plait tant dans les romans de Bertrand Santini : ce style à la fois limpide et précis, un humour ici en demi-teinte et quelques clins d’œil qui sauteront aux vôtres.  Vous apprécierez en passant - page 8 - la présence d'un de ces zeugmas qui fait votre joie. Il faut enfin que je vous dise que Fiston a dévoré ce roman en un temps record et a bien remarqué la mention "Fin de l'épisode 1". Il est au comble de l'impatience, tout comme moi ! Je ne saurais donc trop vous conseiller cette formidable histoire !
- Merci Cabas.
- De rien, ma vieille !

Miss Pook et les enfants de la Lune
Bertrand Santini
illustration de couverture : Laurent Gapaillard
Grasset Jeunesse, novembre 2017

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le journal de Gurty - Marrons à gogo

Publié le par Za

le journal de Gurty - Marrons à gogo

A chaque saison ses vacances. Celles d'automne ne sont pas les moindres, et je peux vous assurer que je m'y connais en vacances. Je l'ai toujours dit : l'automne, y a pas mieux comme saison. Et ce n'est pas parce que je suis née au mois d'octobre, non. L'automne a quelque chose d'indéfinissable, de délicieux. Je ne savais trop comment définir ce goût de l'automne lorsque je suis tombée sur la quatrième de couverture de Marrons à gogo.
J'avais ma réponse.

En automne, la nature sent des fesses. Tout pourrit, tout croupit, tout moisit. N'est-ce pas fabuleux ?

Eh bien si, c'est fabuleux. En automne, on peut s'enfouir dans des tas de feuilles perclus d'odeurs délicieuses, on peut goûter le vent, le soleil se couche plus tôt, ce qui fait davantage de nuit et d'occasions de rêver. L'automne est la saison propice à l'aventure, à la magie. Puisqu'on vous dit que c'est fabuleux ! Et ça l'est encore plus à hauteur de chien, vous pouvez faire confiance à Gurty.

le journal de Gurty - Marrons à gogo

Comme toujours mais mieux, Bertrand Santini mêle candeur et rigolade, gravité, poilade, et suspens. Sans parler de l'utilisation réjouissante du mot faribole. La marque de fabrique des journaux de Gurty demeure le décalage entre la vision que nous pouvons avoir du monde, des châtaignes, des cerfs-volants et des tas de feuilles et le point de vue de la petite chienne.

Chaque automne, mon Gaspard et moi, on se régale avec un jeu super.
Lui, il s'amuse à faire un gros tas avec les feuilles éparpillées devant la maison, et moi, dès qu'il a fini, je saute dans le tas pour tout disperser.
Alors il s'amuse à tout recommencer depuis le début en criant, alors je ressaute dans le tas pour tout disperser, alors il s'amuse à tout recommencer depuis le début en criant, alors je ressaute dans le tas pour tout disperser.
Je vous avais bien dit que c'était super !

le journal de Gurty - Marrons à gogo

La galerie de personnages qui fait tout le sel des deux précédents tomes est encore là, les amis fidèles, les meilleurs et les pires. L'indétrônable Fleur, le répugnant - mais indispensable - Tête de Fesses sans oublier l'écureuil. Dans le premier tome, il faisait hi hi et il agaçait. Dans le deuxième tome, il faisait bla bla et il agaçait. Aujourd'hui, il fait houuuuuuu et il agace, c'est plus fort que lui. Il faudrait un jour y revenir sérieusement et consacrer une chronique complète à ce personnage plus complexe qu'il n'y parait, retors, bougrement malin. Mais agaçant. Si l'amitié est toujours au centre du propos, les relations entre espèces prennent ici un relief nouveau, exempt de tout spécisme. Je ne saurais trop vous conseiller le récit de la création de la Terre par les chats...

- Voyez-vous, au commencement, la Terre était uniquement peuplée de chats et de souris, a poursuivi Tête de Fesses. Ah, mes amies ! Quel paradis c'était ! L'harmonie et la beauté régnaient sur cette planète unique au monde, diamant solitaire flottant au milieu du cosmos. Dans cet Eden, chats et souris s'entendaient comme lardons en foire. Nous nous amusions tout le jour avant de nous quitter le soir - les chats, le coeur content, et les souris, les tripes à l'air...

Et pour savoir comment l'humain intervient dans ce tableau idyllique, rendez-vous à la page 106. L'humain, justement, dont Gurty découvre qu'il ne lui veut pas que du bien, et pour des raisons parfaitement imbéciles qui plus est. Qui est l'animal de l'autre... Je pense sincèrement que ce troisième tome du Journal de Gurty pourra vous faire avancer dans cette réflexion. En disant vous, je me demande d'ailleurs à qui je m'adresse... Et je me sens obligée de rappeler que les trois volumes du Journal de Gurty s'adressent à tous, au lecteur adulte qui sait qu'un bon livre fait rigoler et réfléchir (et rigoler), et au minuscule qui sait parfaitement que les livres sont des amis indéfectibles. Et rigolos.

Le journal de Gurty
Marrons à gogo
Bertrand Santini
Sarbacane - Collection Pépix

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Parée pour l'hiver

Publié le par Za

Moi, j'adore être en vie, comme ça, on peut de balader, faire des bises et manger des plats.

Ça s'est un peu battu à la maison.
Fiston - Je le lis en premier !
Za - Tu rigoles ? Je chronique donc je lis.
Fiston - Mais moi, je lis plus vite !
Mamie - Et moi, je repars dans trois jours. Je DOIS le lire avant vous.
Parce que, chez nous, Gurty transcende les générations. Lecture jeunesse, lecture vieillesse, même combat.

Parée pour l'hiver

Ce journal commence le 4 décembre, dont j'avais toujours crû, naïve que je suis, que c'était le jour de la Sainte-Barbe, mais que nenni puisque, visiblement, c'est le jour de Sainte Clapsy - si vous connaissez des Clapsy, il faudra y penser. Le 4 décembre donc, le plein hiver, la saison de la moufle et de l'écharpe, pire, de la neige, tout ce que j'aime.
Pour Gurty, ce mois béni commence à Paris, la grande ville où elle coule des jours heureux avec son Gaspard. Enfin heureux... Tout serait parfait, s'il n'y avait les fiancées. Les affreuses, les vilaines, celles qui font tout pour pourrir la merveilleuse vie de Gurty et de son compagnon à deux pattes. Il y a Léa, Anouchka, Justine... et la pire : Myrtille.

Il est pourtant tout à fait normal que mon Gaspard m'aime plus que Myrtille, vu que je suis pure et innocente, alors que Myrtille, elle est machiavélique et pourrie.

Si d'aventure vous hésitiez à sortir les modestes - voire dérisoires, 9.90€ que coûte ce livre, sachez qu'il est indispensable. Car Le journal de Gurty ringardise en 155 pages tout ce qu'on a pu écrire sur le sentiment amoureux. Roland Barthes, Pétrarque, Goethe, Aragon, Fitzgerald peuvent aller se rhabiller.

- Être amoureux, il parait que ça fait des guilis dans le ventre comme quand on mange de la mortadelle.
- On voit bien que tu n'y connais rien en amour ! j'ai rétorqué. L'amour, c'est comme le chocolat ou des Knackis. Au moment de les manger, on est content, mais ensuite, on a mal au cœur, le ventre qui gargouille, et conclusion générale : on se retrouve tout seul dans un coin avec la colique.

L'amour des fiancées, l'amitié, mais aussi cette sorte de sentiment bizarre et exclusif qui unit parents / progéniture et inversement, tout y passe. Qu'on soit humain, chien, chat, écureuil ou souris, c'est pareil. Le spécisme n'a pas sa place ici. Ce texte est une somme, croyez-moi sur parole.

L'histoire de Fleur atteste néanmoins qu'il est important de réussir son enfance, sinon, après, la traversée de la vie devient tout une affaire.
Moi, mon enfance, je l'ai réussie du premier coup grâce à l'amour de mon Gaspard et c'est pour cela qu'aujourd'hui, je suis belle, gentille, décontractée, et que mon poil brille en toute saison.

Pour les lecteurs qui auraient déjà lu le premier opus du Journal de Gurty, cette chroniquounette ne sert strictement à rien puisqu'ils sont déjà en train de faire la queue devant la porte de leur librairie indépendante préférée, légèrement fébriles, sautillant sur place, à moitié d'excitation, à moitié de froid. Pour ceux-là donc, qu'ils soient rassurés, Gurty et Gaspard vont passer leurs vacances de Noël en Provence et y retrouver Fleur, la merveilleuse Fleur, tout comme l'impayable Tête de Fesse et l'écureuil qui fait hi hi - le rôle de ce dernier s'étant considérablement étoffé...

Parée pour l'hiver

Et puis il y a l'hiver. L'atroce hiver plein de neige. Parce que, pour ceux qui l'ignoreraient, j'ose à peine l'écrire, il peut neiger en Provence. Pas souvent, mais ça peut.

Ah, se rouler dans la neige ! L'un des plus grands bonheurs, pour un chien... C'est presque aussi chouette que de se rouler dans le caca, sauf que la neige, c'est salissant.

Oui, la neige, ça craint. Et c'est là que le talent de Bertrand Santini éclate. Tenez-vous bien, il parvient à rendre poétique et doux ce moment fugace mais pénible de l'hiver. Gurty et Fleur redeviennent alors les deux petites louves qu'elles n'ont cessé d'être.

Parée pour l'hiver

Alors oui, on se marre franchement à la lecture de ce journal. A cet égard, je vous laisse découvrir le chapitre du 16 décembre, tout entier consacré à une bataille d'acronymes très chics.  On se marre, mais pas que. La tendresse est toujours là, en embuscade, discrète et pas dégoulinante. Ce qui prouve, s'il en était besoin, qu'on peut se rouler dans le caca tout en gardant une grande distinction des sentiments.

Allez zou, c'est demain !

 

Le journal de Gurty - Parée pour l'hiver
Bertrand Santini
éditions Sarbacane - collection Pépix
novembre 2016

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Hugo de la nuit

Publié le par Za

Hugo de la nuit

Alors, le nouveau Santini, il est comment ?
Parce qu'on en est là. Depuis le Yark, Jonas ou le Journal de Gurty, on sait que cette seule signature est la garantie d'un excellent moment passé avec un livre comme un rendez-vous avec un excellent ami.
Commençons par la couverture. Elle est pas magnifique, la couverture ? Ces couleurs, ce dessin en ombres chinoises, délicat comme pas deux. Et ce fronton orné d'animaux nocturnes élégants, souligné d'une lampe/lune inattendue, c'est pas une splendeur ? Un véritable écrin ?

Hugo de la nuit

Mais je digresse, je préambule. Alors tout d'abord, sachez que votre dévouée Za n'a pas du tout la culture du film / du livre qui fait peur. Mais alors pas du tout. Et ce simple détail de la couverture aurait suffi, en d'autres temps, à me refroidir.

Hugo de la nuit

Mais je te suis, ô lecteur, toute dévouée - c'est écrit plus haut. Alors, j'ai bravé ma peur de la-main-crispée-crochue-qui-sort-du-sol et j'ai ouvert ce roman. Pour ne plus le refermer.

Hugo aurait dû ressentir de la peur, de la terreur même, à planer au-dessus du monde dans les bras d'un fantôme. L'enfant n'éprouvait pourtant qu'un sentiment d'abandon, tout au plus teinté d'une vague appréhension.

Hugo est un garçon de douze ans moins un jour, entouré de parents, d'une nourrice (grandiose), d'un chien, d'amour. Mais, car il y a un hic, voilà qu'une sombre - mais alors très sombre - affaire fait exploser la quiétude provençale et l'embarque - et nous avec - dans un tourbillon fantastique au sens propre du terme.
Vous avez lu L'étrange réveillon, un album de Bertrant Santini et Lionel Richerand, dans lequel des fantômes excessivement sympatiques sont invités à un banquet de fête ?

Hugo de la nuit

Eh bien, j'ai eu la très agréable impression des les retrouver, ces spectres. Mais en mieux. Je serais tentée de dire en plus vivant, s'ils n'étaient aussi franchement décédés. Ils sont magnifiques, ces fantômes : amoureux, touchants, truculents, tordants, un peu foldingues, terriblement savoureux. Ce sont eux, les véritables héros de ce roman. Bertrand Santini leur offre des chapitres d'une fraicheur jubilatoire. Chacun d'eux est traité par leur auteur avec bienveillance et amicale moquerie. Mention spéciale au Père Poudevigne, mon préféré...

"Benezet Trophime, dit Père Poudevigne. Disparu le 1er Aprilis 1503 à l'âge de quarante et un ans !
Cause du décès : Mort par noyade dans un tonneau de vin blanc."

Chacun de ces fantômes est une histoire en soi. Nicéphore, Dame Betti, Gertrude, Adélaïde, Cornille, Poudevigne, une petite société de morts s'étripant joyeuse autour d'une hypothétique poêlée de champignons, de scènes de ménage éternelles, de fous rires nerveux, d'amour maternel étouffant. Tout cela rend la mort bien douillette et finalement moins terrible que la vie.
Il y a aussi les zombies, juste affreux comme il faut - j'ai assez bien supporté, merci - avides, goulus, des zombies, quoi.
Au jeux des références, où seul Bertrand Santini aurait le dernier mot, derrière Kubrick, Shakespeare, Scoubidou, Gremlins, et d'autres choses horrifiques que je me refuse à entrevoir, il me vient encore un auteur qui m'a sauté aux yeux, à la mémoire, au coeur, avec ce passage :

En reprenant de l'altitude, il aperçut sa maison. "Qu'elle est petite !" songea-t-il, presque dans un rire. "Comment ai-je pu tenir là-dedans ?"

Allez, je vous raconte ma vie cinq minutes. Quand j'étais petite, il y avait chez moi un gros coffret de 33 tours (on dit vinyles, aujourd'hui). C'était Les lettres de mon moulin d'Alphonse Daudet, lues par Fernandel. Un chef d'oeuvre d'intelligence. Et de trouille aussi. Qui n'a jamais entendu la fin de La chèvre de Monsieur Seguin par Fernandel ne sait rien des terreurs enfantines et vespérales - parce qu'on n'écoute jamais ce genre de trucs le matin, allez savoir. Et pourquoi La chèvre de Monsieur Seguin ? Pour ça :

Une fois, s'avançant au bord au bord d'un plateau, une fleur de cytise aux dents, elle aperçut en bas, tout en bas dans la plaine, la maison de M. Seguin avec le clos derrière. Cela la fit rire aux larmes.
"Que c'est petit ! dit-elle; comment ai-je pu tenir là-dedans ?"

Et puis il y a l'emprunt des noms, comme un hommage, Cornille, Gringoire, ou l'esprit du texte, L'élixir du révérend père Gaucher et Les trois messes basses où le fameux Poudevigne pourrait se balader à l'aise.... Alphonse Daudet donc.
Et puis des noms qui sonnent doucement à mon oreille, Bouffarel - ici bien peu angélique... Et que dire d'Aza, cette merveille de nourrice, de ces gens qui ne peuvent aimer sans rouspéter. Elle, dans mon petit cinéma de lectrice, c'est l'Honorine de Marius - la sublime Alida Rouffe. Ces références ne bouleversont pas le jeune lecteur de 12 ans et + préconisé sur la quatrième de couverture. Mais ils font aussi la profondeur de cette histoire, la manière inimitable de raconter les histoires qui fait la patte de Bertrand Santini.
Alors, oui, Hugo de la nuit est un roman haletant, hilarant, effrayant, mais pour moi, c'est un livre tendre. Tendre comme la chair sous la dent acérée du zombie affamé, tendre comme les engueulades pagnolesques d'Aza, tendre comme une léchouille de Fanette - Gurty, on t'a reconnue !
Donc, pour résumer cette chronique beaucoup trop longue, Hugo de la nuit est désopilant, très bien écrit, flippant, terriblement attachant. Lisez-le ! Et comme ce samedi c'est la  Journée mondiale du livre et du droit d'auteur, achetez-le ! 

Hugo de la nuit
Bertrand Santini
Grasset Jeunesse, avril 2016

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le journal de Gurty

Publié le par Za

Des trains, il y en a plein. Au moins quatre. Il y en a un pour Paris, un pour la Provence et puis un autre pour l'Amérique, mais celui-là, il vole.

le journal de Gurty

C'est justement du train pour la Provence que débarquent Gurty et son maître, sur le quai de la gare d'Aix-en-Provence, pour de longues vacances, du 1er au 42 juillet. D'ailleurs, une petite invraisemblance pour commencer, qui peut bien bénéficier de vacances aussi longues ? (à part moi, bien sûr)

Mais en attendant, je suis allée me coucher. La sieste dans le train m'avait épuisée et il fallait que je sois en forme pour demain, car j'aurais plein de vacances à faire.

Les vacances donc, à hauteur de Gurty, une très épatante bestiole. On savait que Bertrand Santini écrivait carrément bien - et ce texte le confirme une fois pour toutes. Et voilà que, lassé sans doute d'avoir à partager les projecteurs des dédicaces et l'admiration des admirateurs, il a illustré ce roman lui-même. Bien lui en a pris ! Qui d'autre aurait pu dessiner Gurty sans la trahir ? Qui d'autre aurait pu rendre si justement ce regard malin, cette truffe frémissante, ce poil enjoué, ce caractère ébourriffé ? (ou l'inverse) Qui d'autre aurait pu brosser cet hilarant bestiaire ?

le chat Tête de Fesses / l'écureuil qui fait hi hi / Fleur (c'est elle que je préfère)
le chat Tête de Fesses / l'écureuil qui fait hi hi / Fleur (c'est elle que je préfère)

le chat Tête de Fesses / l'écureuil qui fait hi hi / Fleur (c'est elle que je préfère)

Les vacances, c'est l'aventure, le grand air, les retrouvailles avec les amis, la rigolade. (et je m'y connais en vacances, croyez-moi) Cependant, je me permettrai ici une remarque. Quand je lis, je n'aime pas rire - parce que je lis le plus souvent allongée et que ça secoue le livre.
C'est pénible.
Et ça m'est arrivé souvent en lisant Le journal de Gurty.

A ma surprise générale, Gaspard m'a traité de cochonne et il m'a dit que c'était nul d'avoir tué "un animal comme moi".
Mais d'abord, c'est pas moi qui l'ai tué, le rat. Il s'ennuyait tout seul dans la cuisine, alors je l'ai mordu pour rigoler et ensuite, il est mort de vieillesse, peuchère. Et puis, le rat n'est pas "un animal comme moi". Lui, il est moche et noir, alors que moi je suis belle et en couleur.

Heureusement, ce texte est paré d'autres vertus que la pure rigolade. Car les livres, tout le monde le sait, c'est surtout fait pour faire réfléchir, notamment lorsqu'on s'adresse à des enfants, personnes au cerveau maléable, puisqu'en cours d'élaboration. Et j'en connais un rayon en cerveaux enfantins (comme dirait le Yark), vu que je passe une grande partie de mon temps à essayer d'en remplir une vingtaine (de cervelles). (le reste du temps, je suis en congés)
Grâce soit rendue à l'auteur de ce livre, ces vacances trépidantes et joyeuses sont également pour la candide Gurty l'occasion de se poser quelques questions essentielles, pour ne pas dire existentielles. A cet égard, nous lirons avec attention le chapitre en date du 32 juillet, intitulé Les oiseaux, une petite merveille du genre...

A ce sujet, des légendes prétendent que lorsqu'on meurt, on va au ciel. Si c'était vrai, ça ne changerait pas grand chose pour les oiseaux, de toute façon. Mais je trouve que ce ne serait quand même pas une raison pour les tuer de leur vivant.
Bizarre cette légende... Si elle était vraie, on ne saurait jamais si les oiseaux qu'on voit passer dans le ciel sont des vivants ou bien des morts.

J'arrive au terme de ce billet en me posant deux questions.
La première est importante, la seconde est cruciale.
La première donc : me suis-je bien fait comprendre ? Allez-vous, une fois ma chronique lue, vous ruer chez votre libraire indépendant le plus proche afin d'acheter ce roman échevelé et désopilant, qui vous tartinera de tendresse, à défaut de le faire de caca ? (car le caca est ici élevé au rang des beaux-arts, s'il en fallait un dixième)
La seconde me hante depuis plusieurs jours. Dans le rabat de la première de couverture, on peut lire ces quelques mots : Sous le pseudonyme de Bertrand Santini, Gurty a écrit et illustré ce livre elle-même. Cette phrase m'a fait frémir. Mais alors, lecteur chéri, si Gurty, toute mignonne et poilue qu'elle est, se révèle être la plume de Bertrand Santini, qui, je te le demande, lecteur égaré, alors qui, juste ciel, a écrit le Yark ?

le journal de Gurty

Le journal de Gurty
(Vacances en Provence)
Bertrand Santini
(à moins que ce ne soit la per
sonne à côté)
Sarbacane
collection Pépix
mai 2015 (c'est à dire tout de suite)

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Jonas, le requin mécanique

Publié le par Za

J'ai une sainte horreur des films qui font peur, et autant vous l'avouer, je n'ai jamais vu Les dents de la mer. Et je ne le verrai jamais car je tiens à continuer à me baigner dans la mer.

Jonas, le requin mécanique

Malgré une vrai gueule de l'emploi, Jonas est différent. C'est un acteur. Créé par l'homme, propulsé en son temps tout en haut du box office, il coule désormais une retraite paisible dans un parc d'attraction pour monstres vieillissants : vampires, zombies, dragons, martiens et fantômes - tout ce que j'aime... Quelle horreur... Sauf les dragons. Je le signale d'ailleurs en passant à l'auteur : les dragons, c'est pas pareil, faudrait voir à ne pas tout mélanger.
Mais tout lasse et surtout les monstres de pacotille. Jonas doit partir, quitter Monsterland. Sous peine de finir à la casse, il doit retrouver une nature qu'il  ne connait pas, et surtout découvrir sa propre nature de bête désormais libre.

Jonas, le requin mécanique

Dans cette quête, le requin perd beaucoup de lui pour finir par gagner l'essentiel. Et les humains qui l'avaient portés au pinacle de leur peurs délicieuses ne lui sont pas d'un grand secours, bien au contraire. Au long de son odyssée, Jonas croise un échantillon délicieux de l'humanité : des peureux, des méchants, des avides, des lamentables. Et c'est drôle.
A cet égard, je ne saurais trop vous conseiller le septième chapitre, Wanpanig Island. Jamais plus vous ne vous vautrerez sur la plage de la même manière. Jamais. D'autant que le texte, à cet endroit fort instructif, risque aussi de bouleverser considérablement les idées reçues qui sont fatalement les vôtres.

Depuis la nuit des temps, les requins suscitent une frayeur sans égale. Il est vrai que ces animaux tuent chaque année cinq ou six baigneurs imprudents. Mais si l'on considère que durant la même période, l'homme extermine cent millions de requins, force est d'admettre que ces gros poissons sont assez peu rancuniers.

Jonas, le requin mécanique

Toute communauté en proie à des peurs irraisonnées - pléonasme ? - s'organise, cherche le sauveur providentiel. Et Wanpanig Island ne déroge pas à la règle.

Jonas, le requin mécanique

Permettez -moi d'ailleurs de m'arrêter un instant sur ce personnage réjouissant : le Capitaine Grisby qui, comme son nom l'indique, n'est absolument pas un être vénal, non, non. Cet Achab lamentable est le héro de quelques moments de bravoure délicieux jusqu'à une fin spectaculaire et tout à fait morale - comme quoi des fois, on n'a que ce qu'on mérite. Non mais.

A son singe mort-vivant, fait écho le personnage de Loopy, le manchot, sorte de Jiminy Cricket version agaçante/attachante. Le débrouillard des mers est dôté d'une opiniatreté hors du commun, d'une bonne humeur inextinguible.
- Du large, crevard ! J'ai dix ans de cirque dans les nageoires ! Tu n'arriveras jamais à m'atraper !
- Tu vois bien que je ne veux pas te manger, voyons !
- C'est ça, prends-moi pour une huître ! ricana Loopy qui sautillait au-dessus des vagues comme sur un trampoline.
- Je cherche seulement à devenir ton ami, insista Jonas.
- Ha ! Ha ! Ton ami en sandwich, tu veux dire !
Le manchot nargua le requin par une ultime pirouette avant de disparaitre sous l'eau dans un grand éclat de rire.
- Allez, bye bye, tête de thon !

L'écriture de Bertrand Santini, l'auteur du Yark, fait encore une fois mouche. Il embarque d'abord le lecteur dans des aller-retours incessants entre une connivence drôlatique, un second degré jubilatoire, et l'empathie nécessaire à cette métamorphose. Paul Mager accompagne le texte de scènes impitoyables pour les humains - vraiment pas à la fête, parodiant les films de grosses bestioles avec humour, mais lui aussi sait regarder le requin avec sympathie.
Car le voyage de Jonas n'est pas que drôle - ou plutôt grinçant comme les rouages de l'animal déglingué. Il est aussi vraiment émouvant. Au bout du chemin, il y a une nouvelle peau, une autre vie. On n'est pas un monstre en toc toute sa vie, on peut changer, retrouvrer une nature sauvage sans guimauve ni anthropomorphisme. Un requin est un requin. Et rien d'autre.

Jonas, le requin mécanique

Jonas, le requin mécanique
Bertrand Santini & Paul Mager
Grasset jeunesse, octobre 2014

Et puis vous savez quoi ? Si vous voulez vraiment un avis éclairé sur ce roman, vous n'avez qu'à lire la quatrième de couverture ! (avec la Mare aux mots et la Soupe de l'espace)

Jonas, le requin mécanique
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l'étrange réveillon

Publié le par Za

Il y a les albums qu'on attend et les autres.

Celui-là, je l'attendais.

Et de pied ferme.

 

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Arthur est orphelin. Un vrai orphelin, avec des parents vraiment morts, un manoir et des serviteurs pas du tout inquiétants, mais non... Tous identiques les domestiques, à moins que ce ne soit le même qui bouge très vite, je me suis un moment posé la question. Comme une joie n'arrive jamais seule, voilà que se pointe Noël, la jolie fête qu'attendent en trépignant toutes les âmes esseulées. Mais Arthur veut un réveillon. Avec des invités. Et quels plus joyeux convives que les morts ?

 

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Ce qui, chez d'autres, pourrait donner lieu à de larmoyantes mélopées, à de déchirants lamentos devient, sous la plume de Bertrand Santini, une danse macabre malicieuse.

 

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Point de tristesse dans ce réveillon. Ni dans le texte ni dans les images réjouissantes de Lionel Richerand. Rien de glaçant, de triste. Au contraire. Arthur pose un regard candide sur la mort, un regard confiant où jamais ne passe l'ombre de la moindre inquiétude. La mort et la vie à égalité, dans les souliers, sous le sapin.

On aurait évidemment envie de convoquer l'ombre de Tim Burton, tant il semble que les univers crépusculaires lui soient désormais dévolus - et les invités au banquet rappellent les personnages des Noces funèbres. Ceci dit, j'ajouterai bien un cousinage avec le Petit vampire de Joan Sfar et son ami Marcel, rejetons de parents morts-vivants ou morts-morts, sans parler de ce chat désopilant, lointain parent du chien Fantomate...

 

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Mais ce serait réduire l'Étrange réveillon à un rôle d'album sous influence alors qu'il est bien plus que cela. L'objet d'abord, format à l'italienne, belle couverture noire, titre argenté : la classe, quoi. Puis les images de Lionel Richerand, foisonnantes, jamais effrayantes. La couleur se fait discrète, sourde, juste ce qu'il faut pour souligner l'étrangeté d'un visage, l'incongruité d'un costume. Il faut vraiment prendre le temps d'explorer chaque page, d'y dénicher un détail saugrenu, un regard singulier, un clin d'oeil inattendu. Et puis écouter les mots de Bertrand Santini, l'auteur du Yark, qui nous embarquent loin, loin dans une histoire étonnante, tendrement déjantée, doucement loufdingue, où la mort, la vie se mêlent pour finir par se confondre, tout naturellement.

 

La compagnie des vivants m'attriste et m'accable...

Et pour célébrer Noël,

Je souhaite cette année,

Accueillir des Morts à ma table.

 

Mais les Morts étant morts,

Balbutia le valet,

Ils sont tout à fait injoignables !

 

On peut être mort

Sans avoir disparu !

Répliqua l'enfant

D'une voix douce et morose.

 

Je ne vous dévoilerai pas la fin de l'histoire. Je me la garde. Et je vais la relire, histoire de pouvoir, une fois de plus, refermer ce livre en souriant, attendrie par ce dénouement qui ne dit rien de la Mort,

                     Ni de la vie...

                     Mais quelle importance ?

 

L'étrange réveillon

Bertrand Santini & Lionel Richerand

Grasset Jeunesse

octobre 2012

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copinYARKge !

Publié le par Za

Et oui, encore !

Pour vous signaler aujourd'hui trois interviews sur Ricochet.

 

Le trio infernal.

 

Laurent Gapaillard, l'illustrateur démoniaque. L'entretien est agrémenté de dessins vertigineux, à tomber, au sens propre. Des perspectives époustouflantes, qui vous happent. Et des références qui trahissent un homme de goût : Mervyn Peake et Gormenghast. Et voilà. Et Howard Pyle aussi, dont il a été question ici, il y a peu. Et puis des passages hilarants.

 

"- Quel est l'animal auquel vous ressemblez le plus ? Pourquoi ?
Disons que j’ai de l’empathie pour les hirondelles. Bon je me donne le beau rôle, beaucoup de gens me voient comme un ours. Si je devais être vraiment honnête, je dirais que je ressemble à une huître plutôt.
 
- Quel est le mot que vous préférez dans la langue française ?
Anesthésie, si j’avais une fille, je l’appellerais comme cela.
 
- Que souhaiteriez-vous que l'on retienne de vous ?
Si je suis une huître, il n’y a qu’a garder la coquille pour en faire un cendrier ! "

 

Petite chanson pour la future Anesthésie...

 

 

http://www.ricochet-jeunes.org/public/imgmagazine/70-4f3b9dfbb3e55.jpg

 

Bertrand Santini, l'auteur redoutable, qui cite les si charmants Calvin et Hobbes, histoire de tromper l'ennemi. J'aime beaucoup son analyse du succès d'un livre :

 

" - Selon vous, qu'est-ce qui fait vendre un livre ?
Le budget publicitaire que lui consacre l'éditeur et/ou le talent du libraire. "

 

 

Je dédie cette phrase à Mel et Jean...

 

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Valéria Vanguelov, l'éditrice infernale qui rend ses collègues verts de jalousie, parce que le Yark, fallait oser, mais quel livre ! Quel livre ! Elle aussi a l'art des références impeccables : Sendak, Gorey, Erik Satie, Wonder Woman (pour les bottes, je suppose)... Un seul bémol à cette interview, le choix de la photo, que je prends comme une attaque personnelle...

 

http://www.ricochet-jeunes.org/public/imgmagazine/68-4f3ba040688c1.jpg

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