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albert lemant

encyclopédie de cet idiot d'Albert

Publié le par Za

encyclopédie de cet idiot d'Albert

Par le grand Marmaduke Lovingstone, des girafes ! Oui, ce sont des girafes qui ouvrent de leur présence très digne cette encyclopédie foutraque mais tout à fait indispensable. D'ailleurs, si vous aviez le moindre doute sur l'indispensabilité de l'ouvrage, le titre complet devrait vous rassurer...

encyclopédie de cet idiot d'Albert

Ce genre de frontispice vous pose un livre, non ? Alors, glissons-nous dans ce puits de science en commençant par la zoologie. Chats, chiens, chevaux, vaches, oiseaux... Tel un Audubon des temps modernes, cet idiot d'Albert - c'est pas moi qui le dit - croque les oiseaux de façon digne et respectueuse. Voici venir à vous toute une basse-cour caquettante, du coq au vin - coq ovin ? - jusqu'à la poule. De luxe, évidemment.

encyclopédie de cet idiot d'Albert

Il n'y a pas d'osso métier, il n'y a que d'osso bucco !

C'est pas cette sentence définitive que, plus loin, Maître Albert se délecte des bizarreries de ses contemporains dans une galerie de métiers joyeusement capillotractés. Le trait perd alors de la rondeur, se fait nerveux et dresse une collection d'humains relativement inquiétants, perdus dans de minuscules spécialités indispensables et néammoins disparues.

encyclopédie de cet idiot d'Albert

La gastronomie, les sports, rien n'échappe à l'érudition de notre encyclopède pyrénéen. Il faut aller jusqu'à se perdre dans ses planches ultra-fouillées et, loupe en main, scruter le moindre détail receleur de jeux de mots jubilatoires, de références comme autant d'hommages aux figures tutélaires qui traversent l'oeuvre d'Albert Lemant. Mais tel Diderot et/ou d'Alembert tombé-s dans un tonnelet de rhum, maître Albert n'excelle jamais autant que dans la veine maritime.

... certains détails ne trompent pas...
... certains détails ne trompent pas...

... certains détails ne trompent pas...

L'ombre de la grande girafe baleine blanche plane sur cette oeuvre, et l'on entend venir de loin la jambe en ivoire de cachalot du capitaine Achab. D'abord par petites touches - le Bibliophile baleinier, le Girafologue, l'Amateur d'estampes - le fantôme du grand Hermann Melville vient clôre cet ouvrage à travers l'épopée débridée du dernier grand dénoueur de noeuds marins, embarqué à Nantucket le 21 février 1834. 
Alors, emplissez vos poches de petits cailloux blancs, munissez-vous de votre musette à jeux de mots - et d'une flasque de rhum vieux - pour plonger sans retenue dans cette encyclopédie déroutante, à l'image du grand talent de cet idiot d'Albert, jamais vraiment là où on l'attend !

Encyclopédie de cet idiot d'Albert
Albert Lemant
L'atelier du poisson soluble
septembre 2015

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Gustave dort

Publié le par Za

ouééééééééééé !

Gustave dort

Mettons de côté mon léger trépignement à l'idée d'un nouvel album d'Albert Lemant.

Ignorons le sourire béat qui m'a gagnée en ouvrant l'enveloppe cartonnée.

Ne prenons pas en compte l'impatience qui était la mienne.

Restons objectifs.

Non, décidément, j'ai du mal à garder mon sang froid.

Car notre cher Poisson soluble a frappé fort en s'associant avec le Musée d'Orsay à l'occasion de l'exposition consacrée à l'immenssissime Gustave Doré.

Car notre cher Poisson soluble a frappé fort en demandant à monsieur Albert Lemant de s'aventurer du côté de Gustave Doré, l'illustrateur en chef, le patron, le tôlier, quoi.

Car notre cher Albert Lemant, loin de rester révérencieux, a bousculé Gustave, lui a associé d'autres références, de quoi nager dans - au choix - la jubilation, le bonheur, le scrutage forcené d'images épatantes.

Quoi ?

Que dis-tu, lecteur chéri ? Je superlativise un brin ? Elle est où la critique ?

Elle arrive, rabat-joie adoré !

Gustave Doré, donc.

Le maître des illustrateurs.

Mais un Gustave Doré enfant, qui roupille comme un bienheureux et qui rêve.

Gustave Doré dort.

Gustave dort.

Et à la porte des songes se bousculent Don Quichotte, des cosaques patibulaires, le Baron de Münschhausen à cheval sur son boulet, un Gargantua à l'estomac insondable, les héros de Perrault, et une poule verte - dont on ne connaitra l'importance qu'à la fin de l'album.

Gustave dort
Gustave dort

Albert Lemant balade un Gustave pointu et dégingandé dans des doubles pages vertigineuses que l'oeil parcourt avant de s'y perdre définitivement, happé par le mouvement, les détails savoureux. J'avoue avoir été partagée entre l'envie de vite tourner la page, avec gourmandise, pour voir ce qui se cache derrière, et le plaisir de flâner, de déguster des références si bien mastiquées. On peut faire l'aller-retour entre les images d'Albert Lemant et l'oeuvre de Gustave Doré. Il y a ce qui va paraître évident à tous, le Chat Botté, Peau d'Ane, planqués au fond d'une forêt tout ce qu'il y a d'inquiétante, un loup las repus de Petit(s) Chaperon(s) rouge(s), les cléfs de Barbe-Bleue, les bottes de sept lieues et l'ogre, nanti de filles croquignolettes... Rappelons au passage qu'Albert Lemant, question ogre, on ne la lui fait pas ! La quatrième de couverture de Gustave dort est d'ailleurs une citation (de bon aloi) de ce précédent et réjouissant album...

 

Gustave dort

Et puis l'album bascule, et, du côté de Londres, d'autres personnages font écho à l'oeuvre de Doré à travers les admirations d'Albert Lemant. Et l'on se prend à rêver de Doré illustrant Lewis Carroll... Et puis, presque à la fin, apparait un griffon. Ce griffon qui répond à un autre, je ne me trompe pas, hein, Capitaine ?

Mais j'y reviendrai...

Gustave dort

Finalement, Gustave finit par se réveiller. De retour dans sa chambre en Alsace, il se jette sur le papier, la plume, au grand désespoir de sa mère.

Le dessin d'Albert Lemant est toujours aussi réjouissant, aussi foisonnant. Chaque page est une mine où dénicher des pépites, une chasse au trésor dans l'oeuvre de Gustave Doré, sans se priver de quelques incursions vers d'autres admirations, d'autres maîtres...

Gustave dort

A mi-chemin entre le conte échevelé et l'album documentaire, Gustave dort est d'un genre inépuisable, à picorer, à savourer...

Et le griffon, me direz-vous ? Eh bien, il regarde du côté d'un autre monument...

Vous l'avez reconnu ?

Gustave dort

Gustave dort

Albert Lemant

L'atelier du poisson soluble

& Musée d'Orsay

Janvier 2014

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Noël à l'envers...

Publié le par Za

... c'est Léon Zéravert qui, au domaine de Trévarez, s'en charge ! Et vous avez jusqu'au 5 janvier pour en profiter ! Le Père Léon vous attend, à bord de son sous-marin volant, pour vous raconter l'histoire du Nain et des 7 Blanche-Neige. Il vous présentera l'atelier de Franken Nounours et vous expliquera comment il peut mettre un véhicule en mouvement avec ses sirènes...

Derrière cette installation se cachent - si peu - les très talentueux Kiki et Albert Lemant qui ont mis à jour cet univers étonnant, grinçant et franchement drôle. Un peu inquiétant aussi, inquiétant comme les contes, comme les histoires que les enfants réclament jusqu'à plus soif, à mi-chemin entre la vitrine scintillante de Noël et la présentation de phénomènes de foire...

Jubilatoire, non ?

Pour en savoir plus...

Noël à l'envers...
Noël à l'envers...
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1 2 3 l'effroi

Publié le par Za

1, 2, 3

nous irons au bois...

 

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éprouver un terrible effroi

et compter sur le bout des doigts

d'une main dépourvue de bras !

 

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Résonnez chaînes, sonnez crécelles, grincez molaires ! Voici un album qu'on ne feuillette pas, un album qu'on ne lit pas, qu'on n'admire pas. Non, voici un album dans lequel on se vautre avec délectation ! À peine remis de l'ABC de la trouille, il nous faut affronter aujourd'hui la noirceur jubilatoire d'123 l'effroi. Ah, les visions ricanantes de monsieur Albert Lemant et leur terrifiante précision, l'affreuse vitalité du trait ! Car c'est bien là le paradoxe de ce livre : ces images pour le moins... mortelles débordent de vie ! Les nombres éructent, grincent, gueulent, se marrent et tout cela est terriblement communicatif.

 

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123 l'effroi est une danse macabre comme on n'en a pas guinchée depuis longtemps, un bestiaire nocturne où valsent rats, chouettes, tarentules et chats noirs, et qui finit pourtant par être rattrapé par l'Histoire. Et le rire se fige lorsqu'en tournant la page, on finit  par croiser un casque à pointe, des barbelés.

 

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Quatorze casques à pointes,

bientôt dix-huit, se pointèrent

Tranchant dans les tranchées,

arrachant les artères.

 

Comme vous le voyez, le texte n'est pas en reste. Il lui fallait être sacrément gaillard pour tenir tête au charivari gravé alentour. Mais c'est sans compter avec l'habileté d'Albert Lemant à jouer des sonorités, à se jouer du sens, jusqu'au jeu de mot final qui vous laisse refermer l'album sur un éclat de rire.

 

Vous l'aurez compris, cet album ne cesse de me réjouir, j'y reviens régulièrement pour m'y étonner, y piquer une ombre, un détail. Pour finir, et parce qu'on est dans le Cabas, permettez que je vous laisse en dragonnement bonne compagnie...

 

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1 2 3 l'effroi

Albert Lemant

l'Atelier du poisson soluble

octobre 2012

 

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les piqués de Peake # 3

Publié le par Za

Avez-vous le pied marin ?  

Il va falloir.

Je vous dis ça, mais moi, j’ai le mal de mer. J'ai cru mourir, un jour, dans le ferriboite qui va du Vieux-Port aux îles du Frioul. À quai. Et voilà que j'ai la prétention de vous embarquer pour les îles anglo-normandes. Tout ça pour accompagner monsieur Albert Lemant  sur les traces de Mervyn Peake. Et ce disant, je ne suis pas peu fière d’accueillir ici un piqué de première importance. Que dis-je,  un piqué… Avec Albert Lemant, nous entrons dans la confrérie nettement plus chic des Peakies. Ceux qui, à bord du HMS Gormenghast, navire de Lord Marmaduke Lovingstone, le héros des Lettres des Isles Girafines, ont fait LE voyage.

Le voyage de Sark !

 

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carte des îles Anglo-Normandes

almanach de la Nouvelle Chronique de Jersey, 1891

 

" Comme la plupart des mabouls du club des Peakies je suis rentré dans la confrérie lors de la sortie chez Stock dans les années 70 de la trilogie Gormenghast... et comme pour tous les autres, inutile de dire que ça a changé ma vie d'artiste, de bibliophile, de lecteur, etc, etc... Comme les autres je passais mon temps à chercher l'édition rare, à transmettre la bonne parole en bassinant tout le monde lors de soirées en disant : "mais vous ne connaissez pas Mervyn Peake ? Quelle chance vous avez !"

 

Mais ma "rencontre", ma vraie rencontre, est singulière...

J'habite dans les Pyrénées un tout petit village dans une vallée un peu labyrinthique, un peu magique, les Baronnies... Les vacanciers épris de calme, de marche, et de rapaces, viennent se reposer par chez nous.

Les Britanniques notamment...

Il y a une quinzaine d'années je vais (alors que je ne vais jamais à ce genre de manifestations) à un repas de fête dans un village voisin et faisant la queue avec mon assiette remplie de charcutailles, je vois au bout d’une grande tablée un petit couple assez âgé et un peu timide se tenant à l'écart des ripailles bigoudannes. Bizarre comme on reconnaît un anglais à sa façon de "pichiguer" dans son assiette. Je m'assois aussitôt à côté d'eux pour lier conversation....

Nous sympathisons vite et je commence à parler de ma vie ici, de mon métier, la gravure, les livres, les illustrations... Inévitablement à un moment j'évoque le nom de Mervyn Peake. Les yeux de la vieille dame anglaise  (forcément bleus) s'illuminent alors.

" When I was a young girl, I played on his knees you know  ?..."

"J'ai joué sur ses genoux lorsque j'étais enfant !..."

En fait lorsqu'elle était petite fille, ses parents étaient les voisins des Peake et cette dame était l'amie du fils de Peake, Sebastian....

Une chose que j'ai toujours sue : le hasard, ça n'existe pas

Je suis bien sûr resté en contact avec ce couple anglais, la dame, la petite fille s'appelait Kate Dessau. Couple qui m'a ensuite donné le contact avec Sebastian. J'ai eu quelques échanges de courrier et de téléphone avec lui et c'était émouvant.

Et utile puisque quelques années plus tard grâce au soutien de l'éditrice Joëlle Losfeld, et avec mon amie Nicole Caligaris, nous avons entrepris de réaliser une "folie", un "road-movie" sur les traces de Peake sur l'île de Sark. Une île improbable face à Guernesey.

 

Sark_1857.jpg

 

tombal cross

Peake y a vécu à deux moments de sa vie dans les années 30 puis 40. Ce livre devait être une vraie-fausse fiction relatant le voyage de deux "idiots du village" partis sur les traces de leur idole, traces qui avaient presque toutes disparues (mais pas tout à fait...). Mélangeant fiction et réalité, carnet de voyage et bio-bibliographie de Peake, ce livre " Tombal Cross" n'a pas été ce que nous voulions, trop compliqué sûrement, on ne passe pas aussi facilement entre les coups de lames de Steerpike, on ne sort pas comme ça de l'antre de Swelter...

Mais il s'était passé quelque chose pendant ce voyage.

Nous étions partis à sept. Sept amis amoureux de Peake, des îles, des livres...

Il n'y a pas eu qu'un seul livre en fait. Il y en a eu encore un autre " Gormone", un livre de gravures (sept) dont le texte relatant ce "voyage" avait été écrit par un des sept "voyageurs", Christophe Caillé, et tiré à 77 exemplaires...

 

d--part-vers-Sark.JPG

gravure extraire de "Gormone"

 

Puis il y en a eu encore un autre "les Peakies"... tiré celui-là à...7 exemplaires...

Titus Groan, 77 ème comte de Gormengahst...

Un voyage...initiatique en somme...

 

Mervyn-Peake-s-house.jpg

la dernière maison habitée par la famille Peake ( des travaux ont été faits depuis )

 

Dixcart-Hotel.jpg

un panneau indicateur de la présence de Peake sur l'île ( le seul )

 

la-Seigneurerie.jpg

un morceau de l'architecture étrange du château dit " la Seigneurie",

siège des comtes de Beaumont, anciens seigneurs de l'île, jusqu'à récemment.....

 

[L'île de Sercq est composée de deux parties reliées entre elles par un isthme de trois mètres de large : la Coupée. Le genre de sentier délicieux qu’on ne pouvait franchir qu’en rampant par gros temps, avant la construction du parapet, une promenade pour équilibriste, un délice de Peakies…  ]

 

Bien sûr que nous l'avons passée la Coupée, passée, repassée et encore repassée... L'île de Sark (nous ne disons jamais Serq entre nous! Serq... Berk! C'est bon pour les contrebandiers de Moulefrites ! Pas pour des habitués de l'Amiral Benbow comme nous !), l'île de Sark, disais-je avant que vous m'interrompiez sans ambages, n'a guère de secrets pour nous, aussi vrai que deux pièces d'argent et deux pièces d'or font quatre doublons de Maracaïbo et que le Parrot du Capt'ain Trelawney s'appelait Mathusalem... C'est comme j'vous l'dis jeune dame!...

La preuve cette gravure d'époque représentant votre serviteur et sa charmante et vociférante compagne au cours d'une querelle relative à l'heure des marées du côté de Dixcart Bay, querelle qui fit vibrer les sous-bassements de la Coupée car se déroulant juste en son point central.

 

Kiki-et-Albert-sur-la-Coupee.jpg

gravure extraite de Gormone

 

 

et puis à Sark j'ai vraiment rencontré Fuschia !...

[Fuschia Groan, la sœur de Titus, la fille aînée du 77ème comte de Gormenghast, Fuschia la rouge, la brûlante, l’incandescente Fuschia… Vous avez rencontré Fuschia ?!]

Je serais tenté de vous dire simplement: " Lisez Tombal Cross !  Mille Milliards de Mille crachats de cachalots blancs !!!!"

Tout y est dit, ou presque, à la fin du récit, de notre rencontre avec une vieille dame dont nous avions découvert l'existence quelques heures avant de repartir et qui, nous faisant rentrer dans son cosy salon, nous montra timidement son portrait peint par Mervyn Peake, 60 ans plus tôt, et que ce portrait, j'en suis encore certain aujourd'hui, était le portrait de la sauvage Fuschia dessinée par Peake pour Titus.... 

 

« Dans le salon de Gee Guille était accroché son portrait, exécuté par Mervyn Peake quand elle avait dix-neuf ans, en 1946.

Et ce que vit Dürer sur cette aquarelle, les cheveux sombres bouclés, les yeux clairs, les sourcils fournis, la bouche, ce que vit Dürer qui tremblait comme une feuille, renforça, j’en ai peur, son état gravement perturbé.

« Fuschia ! »       

(Tombal Cross, Nicole Caligaris & Albert Lemant, éd. Joëlle Losfeld, 2005)


Que pourrai-je dire de plus jeune dame ?...

Que la vraie vie est toujours plus romanesque que n'importe quelle fiction ! Quelle découverte !

Moi qui n'ait jamais trouvé de trésor qu'en tournant les pages d'un livre et de préférence sous ma couette!

Pirate sans œil de verre (quoique borgne !), harponneur sans baleine, que pourrai-je dire de plus que les autres....

Les références citées par mes "collègues en Peakeries" et les passerelles qui vont de Gormenghast à Steadman, Wyeth, Pyle, Bruno Schultz, Topor, Kafka me touchent et me parlent (d’autant plus que mes propres fantômes vadrouillent du côté d'Odessa et de Cracovie ... Si vous avez lu "Bogopol" * d'Albert Lirtzmann aux éditions du Panama vous savez de quoi je parle).

Je pourrais rajouter dans les parentés : Edward Gorey [Il y a un Port Gorey à Sark !], Roman Polanski, Taddeuz Kantor, Neil Gaiman et son somptueux livre " Neverwhere" ou encore les frères Quay et leur fabuleux  court-métrage "Boutiques de Cannelles " d'après Schultz....

Mais rien n'égale la montée des eaux le long des hauts murs du Château.

Rien n'égale le hululement des hiboux.

Rien n'égale le cri déchirant d'un homme emmuré dans son propre crâne.

Et personne ne peut (ni ne doit !) illustrer Mervyn Peake,  sauf lui-même...

 

Finalement, jeune dame,

à Sark, vous l'aurez compris,

je n'ai pas seulement rencontré Fuschia....

 

Nous étions quinze sur le coffre de l'homme mort...

Yo-ho-ho ! et une bouteille de rhum!... 

 

Albert

 

 

* Et j’ai lu Bogopol, d’Albert Litzmann.  Et plutôt deux fois qu'une ! Je l’ai emmené avec moi à l’ombre des tours de Carcassonne… Dans ce récit, Albert né Lirtzmann fait le voyage à Odessa à la recherche de Bogopol, le mythique village de ses ancêtres. Un voyage dans le temps, en marge du temps, qui  s’ouvre sur une citation de Bruno Schulz, extraordinaire et percutante - au sens d’uppercut !  Comment ne pas se sentir emporté du côté de Gormenghast en lisant ces quelques lignes…

« Chaque aube nouvelle dévoilait d’autres cheminées grandies depuis la veille et gonflées par les vents nocturnes, tuyaux d’orgues infernales. Les ramoneurs ne pouvaient se débarrasser des corneilles qui, vivantes feuilles noires, s’établissaient le soir sur les branches d’arbres, auprès de l’église, s’en arrachaient en battant des ailes puis revenaient s’y coller, chacune à sa place habituelle, pour s’envoler en bande le matin, tourbillons de fumée obscure, flocons de suie ondoyants et fantastiques qui tachaient d’un croassement inégal les raies jaunâtre de l’aube. »

(Bruno Schulz, Les boutiques de cannelle, L'imaginaire-Gallimard)

Bogopol, donc. Le village tutélaire, qui s’éloigne au fur et à mesure qu’on croit s’en approcher, le long de rues qui ont changé de nom, en remontant le cours d’une histoire de famille haute en couleurs ! « Les bottes rouges bouillonnent en toi! » Une famille aux prises avec l’Histoire, changeant elle aussi de nom et survivant à tout, malgré les cosaques, les pogroms, malgré Auschwitz!

« Quand les Drobin, je veux dire les à-nouveau-Lirtzmann, reviendront rue de la Folie-Méricourt, la première chose que leur dira la concierge, c’est : « Ah bah, vous r’voilà ! Z’êtes donc pas tous morts ? »

Et cette grand-mère ! Tellement belle qu’on la croirait inventée, mais si extraordinaire qu’elle ne peut qu’être vraie. Sarah-Léa, mémé Lisette… Un chef d’œuvre de grand-mère à vous tirer les larmes des yeux, si vous avez été petits, si vous avez eu des grands-parents… Et puis il y a celle qui accompagne… De Paris à Kiki, j’ai repensé à ce poème de Desnos, les Gorges froides… On est bien loin de Mervyn Peake… Encore que…


À la poste d’hier tu télégraphieras
que nous sommes bien morts avec les hirondelles.
Facteur triste facteur un cercueil sous ton bras
va-t’en porter ma lettre aux fleurs à tire d’elle.

La boussole est en os mon cœur tu t’y fieras.
Quelque tibia marque le pôle et les marelles
pour amputés ont un sinistre aspect d’opéras.
Que pour mon épitaphe un dieu taille ses grêles !

C’est ce soir que je meurs, ma chère Tombe-Issoire,
Ton regard le plus beau ne fut qu’un accessoire
de la machinerie étrange du bonjour.

Adieu ! Je vous aimai sans scrupule et sans ruse,
ma Folie-Méricourt, ma silencieuse intruse.
Boussole à flèche torse annonce le retour. 

 

La moussaillonne que je suis remercie infiniment Albert Lemant pour sa patience et sa gentillesse envers mon béotisme exaspérant, pour les photos de Sark et les gravures extraites de Gormone. Ce fut un honneur !

 

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L'ABC de la trouille,l'Atelier du poisson soluble, 2011

Les ogres sont des cons, l'Atelier du poisson soluble, 2009

Lettres des Isles Girafines,Seuil Jeunesse, 2003

Georges et le dragon (avec Christophe Caillé), éditions Quiquandquoi, 2008

le Journal d'Emma, Seuil Jeunesse, 2007

Bogopol, éditions du Panama, 2005

le Boby Lapointe, albums Dada - Mango Jeunesse, 1998

Injures mode d'emploi, Albin Michel, 1990

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l'ABC de la trouille

Publié le par Za

Cet automne sera monstrueux, je vous l'ai dit !

Alors, croyez-moi...

Un jour,

bientôt,

vous aurez cet album entre les mains,

parce que vous l'aurez acheté,

on vous l'aura prêté,

ou peut-être l'aurez-vous volé

tant la tentation était forte.

 

Alors, vous commencerez par vous attarder sur la couverture,

car l'envers...

 

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... vaut l'endroit !  

 

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Oui, Albert Lemant !

Après  les Ogres sont des cons, voici l'ABC de la trouille !

- également édité par L'atelier du Poisson Soluble,

qu'il en soit remercié !

 

L'ombre de cet ogre vous fera frissonner - car vous aurez pris l'habitude de frissonner à l'évocation des mangeurs de petits enfants... Et puis, avec une délicieuse appréhension, vous l'ouvrirez, doucement, comme on déballe une gourmandise empoisonnée. Et là... Vingt-six somptueuses doubles pages égraineront pour vous l'alphabet de la trouille, de la peur, de la pétoche, de la terreur, de la frousse, des miquettes, des chocottes. Surtout si, comme leur auteur, vous faites une légère fixation sur les insectes...

 

Page de gauche l'horreur contenue, muselée, ciselée, dessine la lettre en détails macabres, rugueux à se piquer les doigts, griffus à y laisser sa peau, grimaçant, ricanant, tout sourcils dehors ! 

 

Vous vous repaîtrez, entre autres, du point sur le i...

abc161

 

 

Page de droite, c'est le big bang du frisson, l'explosion abominable ! Ils sont tous là, tous les affreux, tous les moches, dans l'ordre alphabétique. Ceux que vous attendiez, ceux que vous n'attendiez pas... Nosfératu côtoie Néron par nuit noire, Jack l'éventreur et le joker se risquent dans la jungle, des Walkyries grotesques s'époumonent à Wall Street.

 

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Vous vous régalerez des dessins d'Albert Lemant, monstrueux, vivants, grouillants, un travail d'orfèvre réjouissant et pas poli, inclassable. Un des très grands albums de cette rentrée. Un très grand album. Point. 

 

Le souffle moite de l'angoisse vous envahira au fil des pages. Mais c'est un souffle délicieux. Puis un sourire entendu naîtra sur vos lèvres lorsque vous reposerez ce livre sur votre table de chevet, à côté de votre oreiller. Et le pire, c'est que vous y reviendrez, quotidiennement, pour en prendre une lampée avant de vous endormir, histoire de peupler vos nuits de suaves et redoutables cauchemars en noir et blanc...

 

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Georges, le dragon & Albert Lemant

Publié le par Za

Il y a longtemps que je ne vous avais un peu endragonnés, il me semble...

 

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L'histoire de Georges et du dragon, on la connaît par coeur, mais à la sauce Lemant, saupoudrée des mots de Christophe Caillé, elle a tout de suite nettement plus de saveur ! Georges grandit en haut d'une forteresse, guettant sans répit... "Georges est débrouillard et sait faire de tout, si bien qu'il n'a besoin de personne. Mais son coeur, lui, aurait bien besoin de quelqu'un." Et c'est un dragon qu'il voit se pointer un matin. Mais les princesses, on le sait, ne sont jamais bien loin des dragons, lesquels s'avèrent souvent être d'efficaces complices dans le choix du prince adéquat, pas du benêt qu'on attend en dormant, comprenons-nous bien...

 

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Les dessins de Lemant, le texte de Caillé sinuent sous nos yeux comme un dragon anguleux. L'histoire se déploie, au sens propre du terme, le long d'une fresque recto-verso, en noir, blanc et rouge, une fresque drôle et vivante, qui ne s'encombre pas de bonnes manières. Les éditions suisses Quiquandquoi signent ici un travail magnifique, soigné dans ses moindres détails.

 

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Sachez encore qu'Albert Lemant, auteur des Lettres des Isles Girafines, du Journal d'Emma et de l'indispensable Les ogres sont des cons  revient au mois d'octobre avec l'album de la rentrée, et je n'exagère pas,

                                                     une horrible merveille,

                                                                                              une magnique épouvante !

 

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tombal cross

Publié le par Za

Il s'agit ici de connivence.

Il s'agit d'aimer un auteur au point d'aller se perdre sur l'île de Sercq, à quelques battements d'ailes de Guernesey où Mervyn Peake (qui a dit encore ?) fit deux longs séjours. 

Un jour, avec Dürer, un jour que je ne me rappelle pas, le hasard avait fait surgir, de dessous la marche irrégulière d'une conversation à bâtons rompus, Mervyn Peake aux livres flamboyants comme des ciels roussis. Depuis, ce nom, hissé au mât de nos petites nefs chaotiquement portées vers ce que nous voyions du large, nous donnait une idée de la force du vent.

 

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Les deux héros de ce récit se présentent comme des agents secrets chargés d'une nébuleuse mission. Deux étranges agents,  égarés sur une île difficile d'accès, taiseuse comme tout, bien décidée à garder pour elle les traces de cet auteur à nul autre pareil. Une exploration littéraire et complice, de sentiers vertigineux en jardins inattendus, de pierres majestueuses en oiseaux  évocateurs, à la recherche d'hypothétiques témoins qui l'auraient connu, croisé, qui sait, en aurait gardé un souvenir, même infime, comme une plaque sur un banc qui commémorerait son passage sur ces terres.

Un texte salement bien écrit, où apparaissent en creux  les tours de Gormenghast, la silhouette de Mr Pye en promenade.  Un texte salement bien écrit avec des phrases qui m'ont laissée un brin jalouse...

Tandis que nulle part sur Sark nous ne trouvions inscrit le nom de Mervyn Peake, auteur magistral de romans profus comme les forêts de l'île, scintillants comme ses grèves, dangereux comme ses falaises, profonds comme ses grottes, changeants comme ses ciels, moqueurs comme ses oiseaux.

Et plus loin...

Nulle part, ni ce jour-là ni un autre, nous ne trouvâmes le nom de Mervyn Peake, dessinateur extrêmement sûr, impertinent, imaginatif, foudroyant.

Foudroyant, c'est exactement ça. Depuis le temps que je vous bassine avec Peake, foudroyant, bon sang, foudroyant !

 

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ill. Albert Lemant

 

Alors peu importe, finalement, ce que l'on va découvrir, si jamais on découvre quelque chose. C'est le voyage qui compte, la pérégrination au hasard.  Il est ici question de vent, de sillage, comme si Sercq pouvait à tout moment larguer les amarres vers le pays obscur des Comtes d'Enfer, comme si Gormenghast, pure folie de pierre, se trouvait quelque part par là, au détour d'un chemin, contre l'à pic d'une falaise, dans les ombres d'un mur, dans le froissement d'aile d'un hibou. 

 

"All flowers that die; all hopes that fade;

All birds that cease to cry;

All beds that vanish once they're made

To leave us high and dry -

All these and many more float past

Accross the roofs of Gormenghast."

 

 

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Les ogres sont des cons

Publié le par Za

Et si ça devenait une sorte de tradition ? Si, tous les ans, à l'automne, je me fendais d'un petit quelque chose sur les ogres, tant il est vrai que, quand on fait mon genre de métier, manger un petit enfant, parfois, ça confine à la légitime défense...

 

Mais pourquoi sens-je confusément que ce livre-là, je ne pourrais pas l'emmener à l'école, au risque de voir ma directrice, déjà très occupée, crouler sous les plaintes ?

Le titre ? Sans doute.

Le texte ? Possiblement.

Les illustrations ? Surtout.

 

Ceci étant dit, cet album rejoint immédiatement le nirvana de mes albums chéris. Je l'aime. Pour tout ce qui fait qu'il restera pour l'instant réservé à mon usage personnel et jubilatoire.

 

 

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Voici l'histoire noire d'un ogre insatiable, affamé et, finalement, plutôt...con. Ayant dévoré son royaume entier, il en vient à manger sa propre famille. Tout cela se termine dans un réjouissant bain de sang, à réserver aux âmes averties, ou du moins aux chères têtes brunes adeptes du second degré.

 

Le trait d'Albert Lemant est fouillé, pas propre sur lui, grinçant. Le texte, très conte-comme-il-faut, reste digne, même lorsque l'histoire verse dans le grand guignol, créant un contraste... comment dire... salutaire.

 

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Publié il y a un an par L'atelier du poisson soluble.

Sur cette maison d'édition décidément passionnante, je me permets de vous renvoyer à un excellent exposé de Suhani, ainsi qu'à cet aperçu de leur prochain album à paraître...

 

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