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didier jeunesse

deux ours

Publié le par Za

Il y a documentaire et documentaire. En voici deux pas banals, mêlant information et poésie avec bonheur.

deux ours

L'ourse voit arriver l'automne. Elle est seule et semble accomplir un rituel qui la mènera vers l'hiver, puis vers la saison douce. Ce récit de vie, sans heurt, mène le lecteur vers la renaissance de la nature et la naissance de l'ourson.  Des phrases simples, évocatrices, économes de mots éclairent le jeune lecteur sans l'assommer d'informations, comme pour ouvrir le robinet à questions.

deux ours
deux ours

Mais il faut avouer que la réussite de ce très bel album tient aux illustrations de Lucia Cobo. Subtiles et majestueuses, elles suivent l'ourse dans son élément, dans ses éléments. Les arbres, la nuit, l'air et la neige. Chaque double page plante un décor onirique sans pour autant perdre de vue le but documentaire.
Un magnifique album à déposer sur les petits souliers des plus jeunes des minuscules.

L'ourse
José Ramon Alonso & Lucia Cobo
Didier Jeunesse, avril 2017

deux ours

Figure emblématique de la lutte contre le réchauffement climatique, l'ours polaire a été mis à toutes les sauces - la plus belle étant à mon goût les ours en armure des Royaumes du Nord de Philipp Pullmann, mais c'est une autre histoire.
L'ours polaire commence par une mise en abime franche et directe avec un petit personnage à couronne rouge un peu pyjamateux et qui s'installe confortablement pour lire L'ours polaire, celui-là même que vous avez entre les mains. C'est le début de la belle balade, à la suite du somptueux animal.

deux ours
deux ours

Le texte est nettement plus fourni que dans l'album précédent, mais il est là encore très abordable et tout à fait passionnant. Les images présentent la rencontre entre l'ours et l'enfant, concession irréaliste au sérieux du propos. Car, s'il est majestueux et fascinant, l'ours polaire est proprement infréquentable, voire carrément dangereux. Ceci dit, tout concourt ici à le rendre proche. Jenni Desmond joue sans cesse avec les contrastes de taille, les paysages surdimensionnés, le blanc et le bleu, la lourdeur et le mouvement. Une fois le livre lu, et on n'est pas obligé de l'avaler d'une traite, on revient forcément vers les images, pour s'y replonger une fois encore.
Et de deux, sous le sapin !

L'ours polaire
Jenni Desmond
Les éditions des éléphants, octobre 2017

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Cavale & Une histoire d'amour

Publié le par Za

Dans les catégories d'âge qu'on attribue parfois aux livres, vous connaissez bien entendu la littérature dite young adult, à mi-chemin entre ado et adulte. Entrons aujourd'hui, lecteur fidèle (et patient), dans la littérature old child, autrement appelée je-lis-encore-des-albums-et-alors ? En temps qu'ancien enfant, je me sens parfois chouchoutée par les auteurs-illustrateurs d'albums jeunesse, au point de m'en croire seule destinataire. Non pas que les ouvrages dont il va être question ne sont pas destinés aux enfants, loin s'en faut. Mais l'adulte qui les lit loin de toute contingence enfantine, y trouvera grandement son compte.

Cavale & Une histoire d'amour

Cavale d'abord. Mais qu'elle est énigmatique cette couverture ! La citation de Christian Bobin placée en exergue ne l'est pas moins. Habitués aux couleurs de Rébecca Dautremer, nous voici dans le sépia, dans l'ombre. Le bien nommé Cavale court sans cesse. Il court de peur que Fin ne le rattrape. Ce n'est pas lui sur la couverture, le petit homme sous le grand chapeau, c'est Maintenant. Il est l'enfant de Cavale et de Montagne, la seule qui a réussi, de manière un peu brutale, à arrêter la folle course. Le dessin s'étend en pleine page ou se fractionne en séquences, donnant l'impression du mouvement.

Cavale & Une histoire d'amour

Le texte métaphorique de Stéphane Servant se lit discrètement, en orange sur fond blanc, se met parfois en retrait, laissant à l'image plusieurs doubles pages de suite avant de reprendre sa place. Le dessin court et le texte pose le temps de la réflexion. Aux images l'action, les cris, aux mots la mise à distance de la peur et de la fuite. Car Cavale fuit du haut de ses quelques paires de jambes, il fuit devant Fin l'inéluctable. Cette belle leçon de vie, à qui est-elle destinée ? Doit-on l'accompagner d'une explication de texte, au risque de l'affadir ? Ne serait-il pas plus juste de laisser la compréhension du jeune lecteur en l'état, aux prises avec les évocations qui lui seront accessibles, jusqu'à une prochaine lecture différemment éclairée, jusqu'à une lecture de young adult ou d'old child ?

Cavale
Stéphane Servant & Rébecca Dautremer
Didier Jeunesse, octobre 2017

Cavale & Une histoire d'amour

Dans le bestiaire Bacheletien, on connaissait l'éléphant le chat, l'autruche, le champignon, l'escargot... Voici le gant. Mais pas n'importe lequel. Le gant domestique, celui qui ne sort jamais dans la rue, le mal aimé, voué aux pires travaux, à la sale ouvrage : le gant Mapa (petit R dans un rond).
Georges et Josette se rencontrent à la piscine, tombent amoureux, se marient, ont des enfants, des hauts et des bas, une vie entière de gants ménagers dans le confort d'un intérieur bourgeois et de bon goût - il n'est qu'à voir la toile de Jouy recouvrant les murs. Rien de plus banal que cette histoire me direz-vous. Mais à en juger par le temps passé à scruter chaque page et les rires ponctuant cette lecture jubilatoire, rien n'est ici banal. Le souci du détail dont Gilles Bachelet pare chacun de ses albums est, à mon sens, la plus belle marque de respect que le dessinateur destine à son lecteur - et à sa lectrice, c'est à dire moi. Tout cela fourmille de références trempées dans l'absurde, de clins d’œil aux précédants albums, de marques de connivence envers les Bacheletophiles, sans pour autant laisser sur le bord du chemin les primo-Bacheletiens.

Cavale & Une histoire d'amour

Je pense cependant, et je ne crois pas m'avancer, que le lecteur d'âge minuscule, à partir de 7 ou 8 ans, et pour peu qu'on lui ait fourni un début de sens de l'humour, ne manquera pas de se bidonner devant l'éclosion des petits canards wc, l'enthousiasme de la brosse de compagnie, et pour peu qu'il ait le sens du détail, la collection de cravates de Georges devrait le mettre en joie.

Une histoire d'amour
Gilles Bachelet
Seuil Jeunesse, novembre 2017

 

Cavale & Une histoire d'amour
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Maria Jalibert et des bricoles

Publié le par Za

En route mauvaise troupe ! Embarquons à bord du bric à brac !
La Maria Jalibert's touch, c'est ça. Une multitude de petits jouets en plastique, un recyclage joyeux de bidules familiers, de restes dépareillés de jeux, une roue, une lettre magnétique, des bestioles et des machins chouettes gagnant une glorieuse seconde vie, artistique, littéraire et tout et tout.

Maria Jalibert et des bricoles

Je suis parti en bateau et j'ai vu dans les flots...
Un vélo à l'envers,
un chien dans la théière,
un petit et sa mère.

Maria Jalibert et des bricoles

En route!, c'est un format à l'italienne allongé dans le sens de la route, une couleur par double page et des éléments à rechercher dans l'accumulation. On s'y perd, on s'y retrouve, on suit le texte, poétique et incongru, joliment surréaliste. La narration hoquette selon le temps que l'on consacre aux éléments camouflés tels des caméléons. Les enfants - et anciens enfants - qui liront cet album se régaleront à détailler les images, à y retrouver ces petits riens qu'ils conservaient dans des boites en fer de Chamonix Orange à l'effigie d'Astérix - mais je m'égare. En route! est un cherche et trouve redonne vie à des jouets délaissés et transforme le banal en exceptionnel.

Maria Jalibert et des bricoles

Et tant que nous y sommes, aujourd'hui, c'est deux pour le prix d'un !
Et qu'il est joyeux, ce Joyeux Abécédaire ! Une perfection du genre qui, s'il répond aux exigences du genre, le renouvelle d'un coup d'un seul, dans une fantaisie parfaitement débridée. Les objets sont ici victimes de collisions, de rencontres fortuites, qui donnent à l'ensemble une allure de cadavres exquis rigolards. Onomatopées, mouvement et couleurs, on ne s'ennuie pas une seconde en naviguant d'une lettre à l'autre et la relecture s'avère vite indispensable.

Maria Jalibert et des bricoles

Maria Jalibert

En route
Didier Jeunesse, 2017

Le joyeux abécédaire
Didier Jeunesse, 2016

Maria Jalibert et des bricoles
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Louis Pasteur contre les loups-garous

Publié le par Za

Louis Pasteur contre les loups-garous

C'est l'histoire d'une lecture.
Et vas-y que je te raconte ma vie.
J'ai offert ce livre au Fiston pour Noël. Une espèce d'enthousiasme entourait alors ce roman, d'où l'achat. Etant donné que sa PAL n'a rien à envier à la mienne, il ne l'a pas encore lu - c'te honte.

De mon côté, l'étais sceptique, car je suis un monstre d'a priori. Le rapprochement entre un personnage historique et des créatures fantastiques m'arrêtait un brin. Mais je ne suis pas exactement le public visé. Là où le lecteur d'âge idoine verra d'abord les loups-garous, je bloque sur Pasteur, car je suis une rationnaliste sans fond.  J'aurais dû pourtant me fier au côté feuilleton de ce titre. A son côté Scoubidou aussi.

Et puis, un mien camarade, auteur de son état - enfin, largement secondé par son chien ces temps derniers - me fait savoir qu'il a adoré ce roman. Ni une ni deux, je me jette dessus - le livre - et ne le lâche plus - le livre.

Le personnage de Louis Pasteur est réel, certes, sa soif de savoir, sa force de travail herculéenne sont historiques, les dates collent. Mais le reste... Eh bien ce reste est haletant, mouvementé, teinté d'humour et surtout, salement bien écrit !

Attention, il y a aussi une héroïne. Et pas une moitié, une vraie héroïne de roman. Constance de Villeneuve Letang se pique d'escrime tout en se débarassant, parfois involontairement, du carcan qui enserre les filles de son époque. Avec Louis Pasteur, ils forment un duo fort complémentaire de chasseurs de loups-garous, deux personnages principaux, à égalité.

Comme cela arrive parfois après une frayeur intense, Louis se sentit étrangement euphorique. Ses récepteurs opiacés s'étaient mis en route à toute bringue. Son organisme enregistrait une décharge d'enképhalines. Il avait envie d'éclater de rire. Il était debout sur le toit de l'école, il dominait le monde. Il tenait Constance dans ses bras et était bien décidé à ne plus jamais la lâcher.

Les faits épouvantables qui ensanglantent l'Institution Royale Saint-Louis sont vus à travers le prisme de l'esprit cartésien et exclusivement scientifique du jeune Pasteur. Cette mise à distance régulière est franchement réjouissante. Si l'on ajoute l'emballement des dernières pages, nous voici face à ce que j'appellerais un roman jeunesse mais pas que.

Une dernière chose. Dans la vie, à part lire des livres, tricoter et préparer des plats, j'adore apprendre des mots. A mon grand âge, je commence à en connaître un petit paquet. Eh bien je voudrais remercier Flore Vesco de façon plus personnelle pour m'en avoir appris un nouveau. Un nouveau mais un beau, un magnifique, que je vais essayer de replacer dès demain. C'est pas gagné. Encore que. Certaines canalisations de ma connaissance pourraient m'aider.

Un courant d'air chaud lui souffla en pleine figure, déversant une puanteur pouacre qui lui souleva le coeur.

Pouacre...

Flore Vesco
Louis Pasteur contre les loups-garous
Didier Jeunesse, 2016

 

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Soleil d'hiver

Publié le par Za

Aujourd'hui, je dessine une lune sur la buée du carreau.

Soleil d'hiver
Soleil d'hiver

Si cette image ne vous émeut pas, je rends mon tablier.

Un poème de Jorge Lujan, traduit par Carl Norac, une merveille de délicatesse.
Un enfant attend le retour de sa mère, dans cet espace de vague angoisse et d'aventure où tout est possible, même pour cinq minutes. La mère apparait dans le croissant de lune, tout va bien, la nuit peut tomber vraiment.
Illustrer ce poème demandait de la légèreté et infiniment de modestie. Il fallait Mandana Sadat.

Elle traduit si naturellement l'énergie des enjambées de la mère qui rentre à la maison, puis la douceur, la rondeur des bras et de la lune. J'imagine sans peine le moment de lecture que sera cet album auprès de minuscules lecteurs blottis...


Soleil d'hiver
Jorge Lujan & Mandana Sadat
traduction de Carl Norac
Didier Jeunesse, 2005

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la nuit des cages

Publié le par Za

 

 

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Le fils de l'ogre est enfermé dans une cage. Être le fils d'ogre, a-t-on idée...

La fille de la sorcière est enfermée dans une cage. A-t-on idée d'être fille de sorcière...

Est-il, lui aussi, un ogre ?

Est-elle aussi une sorcière ?

 

De la rencontre du texte de Rascal et des illustrations de Simon Hureau naissent des ombres magnifiques, aux mille détails. On pourrait en passer du temps à épier les recoins de la forêt, à dénicher la multitude d'insectes, les papillons, les chauves-souris, les champignons, surprendre le face à face du serpent et de l'oiseau, épier les reptiles, dénouer les entrelacs sans fin des arbres, des lianes... Le fils de l'ogre, lui,  s'échappe, fuit à travers les bois.

 

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Un format à l'italienne, des doubles pages qui accompagnent parfaitement le héros traqué par des soldats aux allures de samouraïs. Puis c'est la procession grotesque, grimaçant de mauvaise joie, qui mène la fille de la sorcière au bûcher.

 

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Un poutou de Za à qui découvrira les personnages familiers qui se sont glissés dans ce dessin...

 

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Le beau texte de Rascal, inquiétant, onirique, galope du côté du Moyen-Âge, au bord des contes. Il est présenté sur un fond vert magnifique, les pages sans texte demeurant, elles, en noir et blanc. Le choix des mots est précis, riche, élégant.

 

Je suis le fils de l'ogre Morillon

Qui comme le mal renommé Villon,

Termina au bout d'une corde

Sans la moindre miséricorde.

JE NE VOULAIS PAS FINIR

ENTRE LES MAINS DU BOURREAU

Alors je suis passé entre deux barreaux

Ai pris la clef des champs

Filé comme le vent.

 

Et la fin de l'histoire nous emporte du côté des courts-métrages de Lotte Reiniger, là ou des enfants-oiseaux donnent naissance à d'autres enfants oiseaux...

 

 

 

 

J'ai tout de suite compris que c'était ma belle

Doublé mendiants, nains et haridelles

Bouffons, califes, tortues, puis ce fut elle

MA  JOLIE PETITE GUEUSE

MA BELLE AMOUREUSE

 

La nuit des cages

Simon Hureau et Rascal

Didier Jeunesse, 2007

 

ca2012big

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