Votez Victorine
La nudité dans l'Art est bien souvent une découverte joyeuse pour les enfants. On rigole, on pouffe, on s'interroge. Et jamais, ou presque, on ne se scandalise. Exemple à suivre.
Et pourquoi la dame elle est toute nue et les messieurs ils sont habillés ?
Que celui qui ne s'est jamais posé cette question naïve mais essentielle me jette la première pierre. Eh bien sachez d'abord que la dame en question se nomme Victorine et que si elle est nue, c'est qu'il y a une bonne raison. Une raison toute bête, évidente. Victorine, débarassée de ses vêtements, est victime le même jour d'une mauvaise farce. Etre nue dans la nature peut être agréable, mais se faire voler ses vêtements est moins amusant. Elle va devoir se débrouiller pour se vêtir décemment, et d'une aventure à l'autre, son destin en sera bouleversé.
Ils insufflent un vent de folie dans ces images qui s'en retrouvent franchement décoiffées.
Mais si ce n'était que cela ! N'allez pas croire que ce livre se résume à une balade fesses à l'air dans les couloirs de la peinture du 19ème siècle. Ce serait trop simple. La rencontre avec une femme clown n'apportera pas à Victorine que les vêtements recherchés. Elle lui ouvre les yeux sur sa condition.
"Alors, je résume : je dois te prêter une robe pour aller à un bal ennuyeux, retrouver des cousins crétins, des parents étouffants et rencontrer un fiancé que tu ne veux pas épouser... En gros, tu attends de moi que je t'offre un collier, une laisse et une muselière, c'est ça ?"
Franchement, je la trouve nettement plus efficace que la marraine de Cendrillon, non ? Et comme l'habit fait le moine, Victorine apprends à user du costume pour accéder au sommet des fonctions républicaines, en faisant exploser au passage les conventions de son époque.
Sans jamais céder à la moindre tentation de pédagogie, Votez Victorine est un album tout à fait épatant par sa forme et franchement indispensable sur le fond.
Votez Victorine
Claire Cantais
L'atelier du poisson soluble & le Musée d'Orsay
novembre 2013
En janvier dernier, l'Atelier du poisson soluble co-éditait un autre album avec le Musée d'Orsay : l'épantantissime Gustave dort d'Albert Lemant.