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herman melville

moby & me

Publié le par Za

 

 

Il est des livres qu'il faut avoir lu. Ne me demandez par pourquoi justement celui-là , pourquoi Melville et pas Proust, pourquoi Melville et pas Joyce, je n'en sais rien. Moby Dick m'habitait, me trottait dans la tête.

 

Moby 1068

 

J'ai longtemps été persuadée qu'il se trouvait dans la bibliothèque de mes grands-parents, sous une couverture de cuir bleu marine, je revoyais même les bestioles entrelacées sur le dos du livre. Après recherches, il semblerait que tout cela n'était que le fruit de mon imagination. Je l'ai donc commandé, longtemps attendu (non, Mr K., ce n'est pas un reproche), puis mis à faisander un an au milieu de la pilalire... Une fois mûr, je l'ai embarqué dans le cabas des vacances, avec quelques autres de ces congénères - livres, pas cétacés ! Mais c'est lourd quand même...

Moby 3070

 

 

Et puis je me suis jetée à l'eau (ah ah), avec appréhension, certes, mais motivée comme jamais depuis que j'avais lu dans Elle quelque part, que Moby Dick était LE livre favori de Barack Obama.  À quoi ça tient, parfois...

 

 

biblioth obama014

 

Je ne vous dirais pas que cette lecture fut aisée, facile, fluide. Non, Moby Dick est de ces textes qui résistent et auxquels on s'accroche d'autant plus qu'ils ne se livrent pas. De ces rencontres qui pourraient finir comme ça...

 

Moby 2069

 

De longues digressions sur les cétacés, la vie à bord du baleinier, Nantucket, les techniques de chasse à la baleine et tout à coup des fulgurances qui vous laissent sans voix, la mort poignante et magnifique d'un cachalot, le respect mystique du baleinier pour la bête qu'il pourrait abattre. La baleine est partout. Elle est l'huile de la lampe, elle est le repas exceptionnel, elle est la jambe du capitaine.

"Qu'un mortel puisse faire son aliment de l'animal dont s'alimente sa lampe, et qu'il puisse, comme Stubb, le consommer à sa propre lumière (ou tout comme), c'est là une chose si surprenante et bizarre d'apparence...[...] Le fait est que le cétacé, au moins parmi ceux qui le chassent, serait assurément considéré comme un plat noble, n'était qu'il y en a vraiment trop; c'est que si vous vous attablez devant un pâté en croûte d'une bonne centaine de pieds de long, cela vous ôte un peu l'appétit."


Il faut lire ce livre en s'étant délesté des modernes considérations sur la chasse à la baleine, sur la condition animale. Moby Dick ne saurait supporter ce genre d'anachronisme, même si des scènes d'un terrifiant baroque prennent à la gorge, au sens propre du terme.

"Tel un martyr obèse sur le bûcher, ou tel un misanthrope se consumant soi-même, une fois allumé, le cachalot fournit son propre combustible et brûle au feu de son propre corps. Que ne consomme-t-il pas aussi sa propre fumée ! Car c'est une chose horrible à respirer que cette fumée, et non seulement vous ne pouvez pas ne pas la respirer, mais il vous faut vivre dedans pendant un certain temps. Elle est d'une âcreté féroce et hindoue, d'une odeur comme il ne peut en exister qu'au voisinage des bûchers funéraires. Elle sent comme l'aile gauche des armées sempiternelles au jour du Jugement : c'est une preuve décisive de l'existence de l'enfer."


J'ai rencontré dans ce livre des morceaux de bravoure littéraire d'une grande modernité...

"Je professe le plus grand respect pour les obligations religieuses de tout individu, quel qu'en soit le ridicule, et je me sens du fond du coeur incapable de mépriser même une congrégation de fourmis adorant un champignon vénéneux, ou encore telles autres créatures de ce globe où nous sommes, serviles à un point qui n'existe sur aucune autre planète, qu'on voit faire révérence devant le buste d'un défunt propriétaire terrien en considération exclusive de la vastitude excessive des biens possédés de nom par ce cadavre."

 

moby dick

... des moments d'une sauvagerie toute réjouissante, qui accrochent le lecteur, le forcent à continuer.

"Oh ! Dieu, naviguer avec un équipage si furieusement païen, où pas un homme ne se souvient d'avoir eu une mère de la race humaine ! Tous mis bas quelque part sur l'océan qui grouille de requins ! C'est leur Gorgone à eux, cette Baleine Blanche ! "

 

... mes idées fixes confortées, encore que j'aurais plutôt soutenu la thèse inverse...

"Directement liée à l'aventure de Persée et d'Andromède est la fameuse histoire de saint Georges avec le Dragon; ce dragon ayant été, je le maintiens et le soutiens, une baleine; car dans d'innombrables vieilles chroniques, baleines et dragons sont curieusement mêlés, étrangement confondus, et souvent pris les uns pour les autres. "Tu es comme un lion des eaux et un dragon de la mer", dit Ézéchiel, parlant sans ambage de la baleine, à tel point que certaines version de la Bible usent du nom lui-même. J'ajouterai que cela enlèverait bien du lustre et retirerait beaucoup de gloire à son exploit, si saint Georges n'avait affronté qu'un tortillant reptile terrestre au lieu de livrer sa bataille au grand monstre des profondeurs. N'importe qui peut tuer un serpent, mais il n'y a qu'un Persée, un saint Georges ou un Coffin pour trouver en eux-même assez de coeur pour marcher intrépidement au-devant de la baleine."

 

moby huston

 

... des lignes d'une beauté douloureuse...

"Et il est juste aussi que sur le déploiement des ces plaines marines, que sur ces amples, mouvants pâturages de l'océan, qu'au-dessus de ces vastes fonds des quatre continents, les vagues roulent et se lèvent, se creusent et se gonflent incessamment; car des millions d'ombres et de fantômes, de rêves engloutis, ténébreux noctambules, et de songes noyés s'y entremêlent; tout ce que nous nommons la vie et l'âme, les vies, les âmes sont là qui rêvent sans finir; et qui se tournent comme des dormeurs sur leur lit, aussi les vagues éternelles ne sont-elles rien que le battement de leur inquiétude. " 

 

Et comme je touchais au but, comme l'ombre du grand cachalot blanc se précisait, comme la folie d'Achab rendait l'air irrespirable, les cent dernières pages se montrèrent les plus rétives et ce livre se transforma en boulet. Le genre qu'on n'a ni la force de lire, ni la force d'abandonner. Mais j'en suis venue à bout, j'ai égrainé les pages une à une, embarquée malgré moi dans cette quête délirante, jusqu'à son dénouement brutal, instantané. 

 

J'ai lu Moby Dick.

Moby 4071

cabas © La Marelle

 

Publié dans romans, Herman Melville

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parler des livres

Publié le par Za

"Après le plaisir de posséder des livres, il n'y en a guère de plus doux que d'en parler. "
Charles Nodier, 1780-1844

N'est-ce pas,  Christine ?  Isn't it, Karen B. ?
Qu'y a-t-il en effet de plus agréable que de partager ses enthousiasmes, déceptions, énervements, souvenirs de lecture, rencontres de lecteurs, amitiés et connivences livresques... Pour ce qui est des déceptions ou des énervements, vous n'en verrez pas trace ici. Les livres qui me tombent des mains finissent dans le carton "à donner" et ciao!

Avant de m'attaquer aux Trois Mousquetaires & profitant des vacances puis d'un climat qui ne vous laisse guère qu'un choix: lire, j'ai fait la connaissance de Bartleby ("Herman Melville est un dieu" - Maurice Sendak). Un être énigmatique et minéral, qui vous laisse d'abord perplexe, puis vous angoisse un brin, avant de finalement vous hanter un chouïa, lui et  son "I would prefer not to", longtemps après avoir refermé le livre (belle édition d'ailleurs, Allia).

"I would prefer not to"... L'angoisse du traducteur...


bartleby003.jpg

Mais revenons à nos mousquetaires. Voici donc que je quitte à regrets Portos, Aramis et Athos. Surtout Athos... Pas d'Artagnan. N'en déplaise aux béarnophiles et vu de mes yeux anachroniques de femme du XXIème siècle (si, si, j'ai des yeux anachroniques ! Je suis sûre que personne ne l'avait remarqué et ça me vexe un peu...), ce d'Artagnan, quel mufle ! Un peu cornichon aussi, non ? Alors qu'Athos... Quelle classe... Même si, comme me l'a fait remarquer un ami cher et lecteur invétéré, "qu'est-ce qu'il picole !" J'en conviens.

 

Parler des livres... Que dire des Trois Mousquetaires ? Tout a été dit. Tu as raison Christine, il y a tout là-dedans: amour, humour, aventure, suspens... Ah, la fin de Milady... Quelle femme, cette Milady ! Et le dîner chez la maîtresse de Porthos... Le Cardinal...

Il y a, dans un coin du livre, une fable délicieuse à mes yeux anachroniques etc, etc...La voici:


"- Comme c'était au temps des guerres des catholiques contre les huguenots, et que [mon père] voyait les catholiques exterminer les huguenots et les huguenots exterminer les catholiques, le tout au nom de la religion, il s'était fait une croyance mixte, ce qui lui permettait d'être tantôt catholique, tantôt huguenot. Or, il se promenait habituellement, son escopette sur l'épaule, derrière les haies qui bordent les chemins, et quand il voyait venir un catholique seul, la religion protestante l'emportait aussitôt dans son esprit. Il abaissait son escopette dans la direction du voyageur; puis lorsqu'il était à dix pas de lui, il entamait un dialogue qui finissait toujours par l'abandon que le voyageur faisait de sa bourse pour sauver sa vie. Il va sans dire que lorsqu'il voyait venir un huguenot, il se sentait pris d'un zèle catholique si ardent, qu'il ne comprenait pas comment, un quart d'heure auparavant, il avait pu avoir des doutes sur la supériorité de notre sainte religion. Car moi, Monsieur, je suis catholique, mon père, fidèle à ses principes ayant fait mon frère aîné huguenot.
- Et comment a fini ce digne homme ? demanda d'Artagnan.
- Oh ! de la façon la plus malheureuse, Monsieur. Un jour, il s'était trouvé pris dans un chemin creux entre un huguenot et un catholique à qui il avait déjà eu affaire, et qui le reconnurent tous deux; de sorte qu'ils se réunirent contre lui et le pendirent à un arbre; puis ils vinrent se vanter de la belle équipée dans le cabaret du premier village où nous étions à boire, mon frère et moi.
- Et que fîtes-vous ? dit d'Artagnan.
- Nous les laissâmes dire, reprit Mousqueton. Puis, comme, en sortant de ce cabaret, ils prenaient chacun une route opposée, mon frère alla s'embusquer sur le chemin du catholique, et moi sur celui du protestant. Deux heures après, tout était fini, nous leur avions fait à chacun son affaire, tout en admirant la prévoyance de notre pauvre père qui avait pris la précaution de nous élever chacun dans une religion différente."




J'ai rejoint le défi:

et puis aussi celui-là:
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