pourquoi j'ai aimé lire la Princesse de Clèves...
C'est l'histoire d'un livre qu'on traîne sur ses étagères depuis si longtemps... Je ne sais même pas d'où il vient, peut-être est-il hérité de la bibliothèque du 4 place Cassaignol, Narbonne,
Aude.
Il est relié de cuir gris-bleu. Il a voyagé d'une maison à l'autre, d'un carton à l'autre. Il est de ces livres qu'on croit connaître tant il est classique, dont on a dû lire des extraits dans
son Lagarde & Michard, mais sans aller jusqu'à l'ouvrir.
Et puis un beau matin, à la radio, j'entends qu'on suggère qu'il est ridicule de le lire à l'école... Et voilà la (mauvaise) raison qui me pousse à le chercher. Je le pose sur ma table de nuit,
au sommet de la pile vertigineuse des livres à lire... où je l'oublie. Mais il figure pourtant en bonne place parmi ce que j'appelle "mes romans de la quarantaine". C'est mon syndrôme
quarantenaire à moi. Je rattrappe mes lectures en retard: Proust, Dickens, Stevenson, Dumas, Melville...
Et puis, un jour, l'envie de prolonger une visite au Louvre et je me lance. A nous deux Princesse ! Ceci dit, j'aurais dû m'entrainer à l'apnée avant... C'est touffu, touffu,
tarabiscoté...
" Il y a des personnes à qui on n'ose donner d'autres marques de la passion qu'on a pour elles que par les choses
qui ne les regardent point; et, n'osant leur faire paraitre qu'on les aime, on voudrait du moins qu'elles vissent que l'on ne veut ête aimé de personne.[...] Et ce qui marque mieux un véritable
attachement, c'est de devenir entièrement opposé à ce que l'on était, et de n'avoir plus d'ambition, ni de plaisir, après avoir été toute sa vie occupé de l'un et de l'autre."
Mais il y a là ce que j'aime ( à petite dose, j'entends ): l'imparfait du subjonctif et le point virgule...
Rien n'est dit, tout est corseté, les sentiments emmurés. On s'épie. Quelques regards déclenchent des cataclysmes. On se meurt de tristesse et d'amour.
" Je perds par mon imprudence le bonheur et la gloire d'être aimé de la plus aimable et de la plus estimable personne du monde; mais si j'avais perdu ce bonheur sans qu'elle en eût souffert
et sans lui avoir donné une douleur mortelle, ce me serait une consolation; et je sens plus dans ce moment le mal que je lui ai fait que celui que je me suis fait auprès d'elle."
Et cette manière d'utiliser sans cesse la négation: "sa passion n'était point diminuée", "il ne lui était pas indifférent", "M. de Nemours n'était pas effacé de son coeur"...
Et quand je dis tarabiscoté: "La jalousie n'avait point de part à ce trouble: jamais mari n'a été si loin d'en prendre et jamais femme n'a été si loin d'en donner"...
Finalement, je ne sais pas tout à fait expliquer pourquoi cette lecture m'a emportée et ravie. Mais j'ai refermé à regrets le petit livre gris-bleu.
Le suivant, en haut de la pile ?
Les trois mousquetaires !!