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yann fastier

on n'est pas des moutons

Publié le par Za

on n'est pas des moutons

La collection s'intitule Jamais trop tôt. C'est exactement ça. Il n'est jamais trop tôt pour sortir des cases. Le mieux serait d'ailleurs de ne pas y entrer. Si c'était si simple... On est/nait/devient fille ou garçon, enfant de son milieu et de son temps, de la société dans laquelle on baigne.
Et puis se forge la personnalité, avec son lot de conformismes et de différences. Et c'est là que cet album se glisse, lorsqu'on a peut-être besoin d'aide et de soutien pour se différencier, pour devenir ce que l'on est déjà ou forcer un peu la satané nature humaine.

on n'est pas des moutons

En jouant avec la langue et les expressions mettant en scène des animaux, Yann Fastier tend un fil entre enfant et adulte. Le premier reçoit les mots, les situations. Le second, souvent lecteur et prescripteur, s'il a l'envie de faciliter la compréhension de la métaphore, est malicieusement interpelé par la dernière double page, miroir tendu à ses comportements inconscients.
Les papiers découpés de Claire Cantais apportent le punch nécessaire au propos, pas de demi-mesure dans la couleur, dans les contrastes et les superpositions. Les personnages sont imaginaires, mais si l'on y regarde de plus près, les regards sont réels, photos découpées collées. On est à mi-chemin.
 

on n'est pas des moutons

Les valeurs qui traversent cet album sont l'indépendance, l'authenticité, le partage, la tranquillité et la lenteur. Là où il est question de laisser faire les enfants, de leur foutre un peu la paix, l'adulte empêtré est face à un effort. L'un apprend, l'autre désapprend.  Et si on se rassure en destinant ce livre à nos enfants, on en garde forcément une belle part pour nous : hurler avec les loups, s'abreuver aux médias de masse, se nourrir de même, les yeux ronds rivés sur des écrans... Et l'on se dit qu'avant d'en prémunir les minuscules, on pourrait décider de montrer un peu l'exemple...

On n'est pas des moutons !
Claire CANTAIS & Yann FASTIER
la ville brûle, février 2016

on n'est pas des moutons
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encore des questions ?

Publié le par Za

Ne le niez pas. Je le sais, vous vous posez des tas de questions sur l'album. Il n'y a pas de honte. L'album est une machine protéiforme qui a une fâcheuse tendance à se dérober dès qu'on l'approche, à devenir complexe dès qu'on s'y intéresse. Voici pour vous de quoi avancer sur la route sinueuse de la connaissance de ce machin étrange...

encore des questions ?

Expliquer l'album à des enfants n'est pas chose aisée, encore que. Yann Fastier se met en scène face à un petit bout de classe, parfait échantillon scolaire et humain. Ce dispositif rend le livre vivant et jubilatoire. J'y mettrai un bémol cependant : il y a rarement un seul casse-pied rabat-joie dans une classe.

De l'idée qui germe puis fleurit dans l'esprit du créateur jusqu'au lecteur, l'auteur/intervenant fait preuve d'un enthousiasme communicatif pour expliquer, éclaircir, aplanir, en un mot illuminer l'esprit du lecteur débutant.

encore des questions ?

Encore des questions ?, c'est comme soulever le capot pour fureter entre les rouages. Car si Yann Fastier use de la métaphore arboricole pour expliquer la naissance de l'album, pour donner à voir l'idée première, il vous faudra vite mettre les mains dans le cambouis, entre droits d'auteurs et rotatives. Aucune étape de la création de l'objet livre n'est omise, chaque acteur est présenté précisément, dessiné avec soin, pour ne pas dire avec une certaine  ressemblance...

Une fois le livre publié, on se penche sur son fonctionnement, l'articulation subtile entre le texte et l'image, la différence entre texte illustré et album, car la définition de l'album se situe dans l'intention autant que dans la forme. Les images racontent l'histoire autant que le texte, ni plus, ni moins. Ne nous y trompons pas, il y a une véritable prise de position. D'abord dans la présentation des quatre dispositifs texte/image possibles. Car lorsqu'on dit que le rapport de répétition, où l'image est redondante, purement illustrative, est l'articulation la moins intéressante qui soit, force est de constater qu'il est aussi largement répandu, et pas seulement dans les livres destinés aux tout-petits. De la même manière, le passage consacré au dessin proprement dit et à la distinction entre technique et style montre à quel point maîtriser parfaitement la technique n'est pas suffisant pour faire un album réussi et qu'une bonne image n'est pas un simple exercice de virtuosité.

Au-delà du côté didactique du propos, assumé et jamais ennuyeux, ce livre propose aux enfants un questionnement sur l'album, une manière d'analyser ce qu'on lui met entre les mains. Une fois qu'on sait comment fonctionne ce type d'écrit, une fois qu'on en devient un lecteur expert, on peut alors se prononcer sur sa qualité en toute connaissance de cause, en dépister les facilités, les malhonnêtetés, en découvrir les trésors et les apprécier encore mieux.

 

Yann Fastier

Encore des questions ?
L'album de l'album

L'atelier du poisson soluble

mars 2013

 

Ce livre est le prolongement parfait de l'ouvrage de Sophie Van der Linden,

Lire l'album, également publié par L'atelier du poisson soluble.

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les piqués de Peake # 2

Publié le par Za

 

Après Philippe-Henri Turin, le Cabas rend visite à un nouveau piqué de Mervyn Peake. Celui-ci navigue le plus souvent dans les eaux du Poisson soluble, créature subreptice et proprement impossible à pêcher, car à peine l'a-t-on aperçue qu'elle s'évanouit dans les flots, mais c'est une autre histoire...

Yann Fastier, auteur et illustrateur, a mis sa casquette de guide, et nous emmène dans les dédales de Gormenghast - si ce n'était la présence de petits cailloux blancs dans mes poches, je ne serais pas très rassurée...


titus groan

gormenghast


"Pendant des années, Mervyn Peake est resté pour moi un mythe.
Je devais avoir quatorze ou quinze ans quand j'en ai entendu parler pour la première fois dans un vieux numéro de Métal hurlant. Jamais critique ne m'avait autant donné envie de lire un roman : je connaissais déjà Jean Ray, Lovecraft, Tolkien et, par rebonds, un certain nombre d'autres mais Peake semblait d'une trempe un peu différente, plus « littéraire » peut-être, en tout cas plus singulière. Hélas ! Lorsque je me renseignai en librairie, l'édition Stock n'était déjà plus disponible, il n'en existait alors aucune autre et ils ne l'avaient même pas à la bibliothèque municipale ! Pendant les années qui suivirent, j'eus beau éplucher régulièrement les gros catalogues des Livres disponibles du Cercle de la librairie, aucune réédition ne s'annonçait. Jusqu'au jour béni où je trouvai enfin, et pour quinze francs, les deux premiers tomes de la trilogie à Emmaüs !

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La révélation fut à la hauteur de mes attentes. Peake ne ressemblait à rien de connu et, cependant, tout y semblait familier. On passait presque sans solution de continuité d'un univers à la Dickens à des visions cosmiques dignes d'un William Blake ! Ce sont ces contrastes qui m'ont le plus marqué, je crois. L'impossibilité d'assigner à cet univers une échelle stable produit à la lecture un sentiment de vertige que je n'ai retrouvé depuis chez personne d'autre.

 

titus alone

 

J'ai lu plus tard Titus errant,  dont le style s'avère si différent qu'on le met parfois au compte de la maladie. Quoi qu'il en soit, il faisait à la trilogie une conclusion en forme d'anti-apothéose, à la fois mélancolique et nécessaire.
Et, curieusement, je dois dire que j'en suis resté là. Bien sûr, j'ai lu ce qu'on trouvait d'autre en français : les Lettres d'un oncle perdu, Mr Pye, Capitaine Massacrabord et puis, bien sûr, Titus dans les ténèbres. Mais, je l'avoue, je n'ai jamais fait l'effort de pousser plus loin et, notamment, d'aller voir ses illustrations. J'avais tort, je sais... Car ses dessins ne font que confirmer mon sentiment : on y retrouve en effet la même singularité que dans ses romans, une singularité de la vision qu'on ne retrouve guère que dans l'oeuvre d'artistes comme William Blake, Roland Topor ou Bruno Schulz qui, comme par hasard, sont aussi des écrivains.

 

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Bruno Schulz (1892-1942)

 

À l'encontre d'un Arthur Rackham, dont l'oeuvre a été abondamment plagiée par toute une lignée de dessinateurs de plus en plus médiocres jusqu'à l'affadissement complet, ceux-là n'ont à ma connaissance pas de descendance directe.

 

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L'illustration de Dr Jekyll & Mr Hyde échappe ainsi à tous les clichés du monstre pour faire place à une quasi-abstraction où seule la trace jaune du visage ramène un sens et suffit à évoquer toute la malveillance qui fait l'essentiel du personnage.

 

 

 

 

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Quant à ce dessin, il démontre à quel point Peake n'était pas seulement l'illustrateur spontané du Sunday Books et de l'Oncle perdu, mais aussi un technicien hors-pair.

 

Mais mon favori reste celui-ci...

 

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... un simple croquis mais qui en dit assez long sur le talent qu'avait Mervyn Peake à camper un caractère en quelques traits de plumes.

 

Qui aujourd'hui pourrait illustrer Gormenghast ?

Je répondrais... qu'il en faudrait toute une équipe !
Gapaillard, pour l'architecture, serait parfait.
Blutch ou Carlos Nine pour les personnages ?

Merci beaucoup, dit Za !

 

Yann Fastier est l'auteur, l'illustrateur de tout ceci et de bien d'autres livres encore...

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le père noël dans tous ses états

Publié le par Za

vert

rouge

blanc

un homme essaie son costume de travail

il devient un autre

pendant quelques heures

puis retourne aux jours qui passent

à chaque nuit pareille à toutes les autres

 

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Ce Père Noël n'a pas d'accueillante bedaine, et pour cause. Il ne vit pas dans le grand Nord. Vous l'avez même peut-être déjà croisé. Mais aujourd'hui, pour une fois, vous allez vous arrêter un instant et égrainer avec lui les heures qui le séparent de cette nuit. Le livre joue sur le décalage entre le texte, neutre et volontairement stéréotypé, et les images, d'un réalisme qui pourrait être glaçant s'il n'était tellement humain.

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Cet album, c'est du poil à gratter la conscience, c'est de l'habit blanc et rouge qui gêne aux emmanchures, à des années-lumière du Noël des albums, sans étoiles ni paillettes, sans cadeau. Et il est indispensable. Parce que Noël, ce n'est pas seulement l'embouteillage aux abords de la zone commerciale, parce que Noël, ce n'est pas seulement le flot ininterrompu des publicités destinées à vos seuls enfants, toutes choses qui ont fini par nous laisser troquer le traîneau contre un caddie. 

 

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Le père Noël dans tous ses états

Valérie Dayre  & Yann Fastier

L'Atelier du Poisson Soluble, 2009

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néandertal (et des poussières)

Publié le par Za

Je suis énervée. 

La hausse de la TVA sur le livre, évidemment.

Mais pas que.

 

 

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Disons-le tout net, ce n'est pas parce qu'on est un auteur plutôt doué de ses dix doigts qu'on peut tout se permettre ! Ce recueil de nouvelles, à peine teinté d'anachronisme, nimbé d'un humour fin et délicat, est l'oeuvre de l'infréquentable Yann Fastier, dont la vocation de paléontologue saute aux yeux dès les premières lignes et dont le grand talent fait pâlir de jalousie Yves Coppens à tel point qu'il n'a pas signé la préface de ce livre, lui si prompt habituellement à se prêter à ce genre d'exercice. Laissez-moi reprendre mon souffle une seconde, j'écris rarement des phrases si longues... Mais il y des circonstances où franchement.

 

Il y a quelque chose des Tontons flingueurs chez ces Néandertaliens pur jus ! Je ne suis pas du genre sportif, alors, suivre les aventures de Yob le chasseur de gazelles et de ses congénères... Enfin, suivre, c'est beaucoup dire, moi, les épines dans les pieds, qu'il faut ensuite enlever avec les dents, la DRP (Dégustation Réciproque de Poux) je ne suis pas sûre de vraiment adhérer... Mais à part ça, ils sont plutôt sympathiques, les préhistoriques, un rien potaches, de mauvaise foi, couards, vantards, et picoleurs. Parce que, de ce côté-là... Et que du bizarre. Ils en descendent des calebasses de krög ! - une boisson fermentée à base de brôôhtt, pour ceux qui ne connaîtraient pas. Quand ce n'est pas du krüg, une boisson fermentée à base de mousse, pour ceux qui ne connaîtraient pas. Quand ce ne sont pas carrément des cocktails, mélange de boissons fermentées à base de divers trucs, rituellement consommées pour conjurer le déclin de l'astre du jour.

 

Et puis des fois, le dur s'attendrit. Et pas seulement quand on lui tape dessus, non.

Bon, évidemment, ma cousine Youna-Youna, elle fait bien ce qu'elle veut, hein ! on n'est pas mariés, je ne suis pas jaloux, mais en tant qu'équipier privilégié pour la cueillette des tatous, je me suis senti le droit de... Comment dire ? De lui signifier que mon affection lui était acquise pour autant que n'interféraient pas trop ostensiblement les manoeuvres de quelque individu ventripotent dont les gras appétits ne sauraient en aucun cas rivaliser avec les finesses de ma nature d'artiste.

 

Et cette histoire d'évolution... Bien encombrante, cette évolution. On ne peut plus se balader sur quatre pattes tranquillement, l'art rupestre n'est plus ce qu'il était, jusqu'aux bonnes vieilles méthodes de chasse qui se perdent ! Et je ne vous parle pas de ces moments curieux où Yob est gagné par la poésie, une faculté curieuse qui le fera exclure du joyeux mais viril groupe de chasseurs pour rejoindre celui des écosseurs de chenilles, certes moins aventureux, mais uniquement composé de filles, et pour les filles, la poésie, y a pas mieux.

 

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Au Panthéon de mes héroïnes favorites, aux côtés de Bonnemine, Ma Dalton, Mlle Legourdin, j'ajouterai désormais, si vous n'y voyez pas d'inconvénient,  Brââj-au-Beau-Nombril, la douce maman de Yob. Une femme comme on les aime, pas forcément un top model mais un caractère bien trempé, une qui ne s'en laisse pas compter, même en face d'une horde de primitifs sous l'emprise de boissons à base de rutabaga fermenté...

Alors comme on n'est pas des sauvages et qu'on connaît les usages de la politesse, on prévient d'abord qu'on va se fâcher, pour éviter tout malentendu. Et pour ça, le plus souvent, on envoie maman.

Elle fait ça très bien.

Ce n'est pas qu'elle ait une grosse voix, ma mère, ou qu'elle connaisse plein de gros mots... Non, son truc à elle, ce serait plutôt l'insinuation blessante et le lancer de mottes de terre.

 

Mais alors d'où vient l'énervement sus-cité ? Mais nom de nom, par le Grand Tatou Bigbaong !

 

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Je rigolais depuis une bonne heure, tout en voyant à regrets se pointer les dernières pages, je n'avais franchement pas envie de les quitter, les hirsutes. Et c'est là que tout a dérapé. La dernière nouvelle, celle qui s'intitule Octobre, mon mois préféré, mais c'est une autre histoire...

 

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Et j'ai arrêté de rire, ma gorge s'est serrée et mes yeux se sont remplis d'eau. Ce texte-là, tout en restant dans le ton du reste, est à part, suspendu, vaguement en phase avec mon humeur du moment. Je suppose que Môssieur Fastier doit être fier de son coup. Non, on ne fait pas ça à un lecteur innocent et qui ne vous a rien fait !

 

Ah oui, j'oubliais : ruez-vous donc chez votre libraire et achetez ce livre.

Sinon, je vous envoie Brââj-au-Beau-Nombril !

 

illustrations de Morvandiau,

Atelier du Poisson Soluble

mars 2011

 

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