Le goût de l'album, du beau livre illustré, lorsqu'on le conserve en étant adulte, c'est sans doute pour la promesse d'émerveillement, pour ce moment délicieux où l'on tient entre les mains un bel objet, fermé encore. Devant la couverture, on fait durer encore un peu le plaisir, parce que cette frimousse rouge, attentive, ce hérisson glouton, le trait, les couleurs, on sait d'avance qu'on risque de se régaler. Avec le temps, on commence quand même à se faire une petite expérience. Et cet album-là nous emmène au-delà de la dite expérience.
C'est une histoire simple et universelle. La petite rouge en robe jaune découvre un jardin tout en géométrie délicate, en superposition de couleurs inattendues, un jardin qui aurait pu être dessiné par Charley Harper. Ce jardin a un jardinier, ce jardinier a un panier à pique-nique dans lequel la petite va chaparder des mets succulents, préparés avec amour. Ce sont des choses qui ne trompent pas. La nourriture préparée avec amour est différente. Et si elle réparait son emprunt en préparant à son tour un pique-nique ?
De ce jeu bienveillant nait une complicité discrète, sans mot. On fait connaissance à distance, on s'apprivoise l'air de rien, et tout se met en place, une pierre puis l'autre, un regard, un cadeau. Les grands aplats du rouge de la peau et des tomates, le bleu, le jaune, le jardin au soleil, tout traduit la générosité du propos.
(Si jamais cette image devenait une affiche... )
C'est une histoire douce qui vous laisse avec le sourire, et l'envie de replonger dans les grandes et somptueuses images de Susumu Fujimoto pour y retrouver le hérisson, le hibou et les autres bestioles, spectateurs comme nous de l'adoption qui se joue.
Le panier à pique-nique
Gabriele Rebagliati & Susumu Fujimoto
Grasset Jeunesse, mai 2015