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sans commentaire

font braire !

Publié le par Za

J'en parle ou pas ?

Forcément, j'en parle.

Je suis enseignante.

La littérature de jeunesse, c'est un peu mon fond de commerce. Je la lis, je la partage, je l'enseigne, je la blogge, au point que l'on s'étonne parfois de me voir lire des livres sans images...

Mais comme je suis en colère depuis des jours et que ça ne va pas en s'arrangeant, alors j'en parle.

Non pas que je pense une seconde que monsieur Coppé croit en sa tirade de l'autre soir sur l'album de Claire Franek et Marc Daniau. Il s'en fout de la littérature de jeunesse. Il y a juste qu'en ce moment, c'est vendeur de taper dessus. On engrange éventuellement des électeurs, pourvu qu'on ne soit pas trop regardant, certes. Pensez-vous un seul instant qu'il se serait soucié de Tous à poil, si nous n'avions été aussi proches d'échéances électorales ? Au pire, il est ridicule.

Mais la vague sur laquelle il surfe est nettement plus inquiétante. Elle n'est pas nouvelle. Elle est juste décomplexée - c'est le mot, non ? Elle tape sur l'école laïque et publique parce qu'elle la hait. Depuis toujours. Elle la hait pour ce qu'elle représente : la Liberté, l’Égalité, la Fraternité.

Je suis à l'occasion frappée de l'union sacrée des religieux de tout poil, pour une fois main dans la main, les yeux fixés sur un horizon commun, avant de se refoutre sur la tronche prochainement, n'en doutons pas. Mais je m'égare.

Je suis profondément excédée de la mauvaise foi galopante, de l'ignorance assumée qui consiste à confondre des ouvrages de littérature, librement choisis par des enseignants, et des manuels de classe, librement choisis eux aussi, d'ailleurs. Comme si nous n'avions à notre disposition qu'un seul manuel et un seul album dans lequel, bonté divine, c'est vraiment pas de bol, on trouverait des zizis. Comme si nous n'étions pas formés, informés, dotés d'un cerveau, pire : d'une conscience professionnelle.

On apprend à cette occasion, et c'est une très bonne nouvelle, que la littérature de jeunesse dérange. Mais elle a toujours dérangé. Nos joyeux censeurs ont-ils relu récemment Zazie dans le métroL'ont-ils jamais lue, d'ailleurs ? Nos amusants pourfendeurs de la perversion des âmes innocentes ont-ils récemment relu La guerre des boutons ? L'ont-ils jamais lue, d'ailleurs ?

Je pense à Maurice Sendak, notre père à tous, homme libre s'il en fut. Dois-je rappeler ici qu'à sa publication en 1963, Max et les Maximonstres (Where The Wild Things Are) avait été jugé par certains néfaste à la jeunesse ? Que Cuisine de Nuit (In The Night Kitchen) s'était parfois vu censuré au motif que le personnage central y apparaissait nu ? Je vous laisse juge.

font braire !

J'ai une mauvaise nouvelle pour ces croisés moyenâgeux qui débarquent dans les bibliothèque afin d'en purger le fond de toute impureté libidineuse : les livres leur survivront.

Mais comme on dit par chez moi : font braire !

Alors je leur laisse leurs familles calibrées, leurs livres poussiéreux. Je leur laisse leurs dimanches à trimballer de la poussette sur les boulevards. Je leur laisse leurs certitudes, leur mépris de l'intelligence, de la création, de la beauté. Je défendrai toujours cette imagination, ce fourmillement créatif qui offre le meilleur à nos enfants, qui leur offre l'Art, la vie, l'audace avant qu'ils ne deviennent des électeurs à draguer. Je défendrai toujours le rire, la dérision, ce recul qui en feront peut-être, sait-on jamais, des citoyens éclairés.

Font braire !

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