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pere castor

Баба-Яга / baba yaga # 1

Publié le par Za

Le conte de Baba Yaga est un classique parmi les classiques Des adaptations de ce conte russe, dans toutes ses versions paossibles, il y en a des charrettes. On en connait les figures imposées : la maison montée sur pattes de poule (flippant), le mortier ambulant à propulsion de pilon (pas rassurant), les chiens féroces (j'aime pas), le portail qui grince (pour l'ambiance), le bouleau taquin (ouille !)... Mais ce que je préfère, j'avoue, ce sont les crânes aux yeux ardents, dans le genre déco joyeuse, on n'a guère fait mieux depuis.

J'en ai quatre versions sous le coude, je vous propose donc d'aller allègrement à la rencontre de l'ogresse, passez devant, je vous suis.
Parce que la première, c'est celle d'Ivan Bilibin (1876-1942).

Баба-Яга / baba yaga   # 1

La Baba Yaga de Bilibin est d'une réalité effrayante. Elle est sèche, impitoyable. Vassilissa est une jeune femme, à cent lieues d'Hansel et Gretel, du Chaperon rouge. On ne sait où donner du regard. Chaque image est enluminée avec soin, chaque détail est traité avec le même respect. L'illustration témoigne en ethnologue, décrit en entomologiste. On est évidemment plus proche de la terreur pure que du conte gentillet. Car il était question de transmettre à tous - et pas seulement aux enfants - un conte traditionnel.

Contes russes

illustrés par Ivan Bilibin(e)

(vous trouverez les deux orthographes)

Seuil Jeunesse

réédition à paraître le 20 mars 2014

Баба-Яга / baba yaga   # 1

Nathalie Parain illustre le conte en 1932. Il est publié simultanément aux Etats-Unis et en France, par Flammarion pour les albums du Père Castor. Une économie de moyens admirable, blanc et noir, rouge, brun, vert, pas de fond, de décor, chaque élément codifie le texte comme un pictogramme. Le dessin participe de la mise en page, gagne le texte parfois pour lui laisser ensuite toute la place. La couverture rassurante semble présenter le conte comme cette petite chanson qui accompagne la ronde. On dirait qu'il y aurait une sorcière, mais on sait au fond que ça n'existe pas.

Баба-Яга / baba yaga   # 1

Le texte de cet album est proprement surprenant. Il s'agit d'une traduction du conte russe de 1932 qui accompagnait l'édition américaine, l'album du Père Castor était, pour sa part accompagné d'un texte de Rose Celli qui sera ensuité réédité deux fois mais avec d'autres illustrations chaque fois. La version russe, donc, de Nadiejda Teffi, traduit par Françoise Morvan est une pure merveille, faite pour être entendu, même par soi-même si l'on est seul.

Elle rage, elle tonne contre le chat : d'avoir attendu toute la matinée, elle a une faim de loup, elle veut manger la petite. La voilà qui se met à battre le chat. Et que je te le rosse, et que je te le cogne et que je te rogne et que je te grogne :

- Sale chat, sale voleur, comment as-tu osé laisser sortir la fille sans lui crever les yeux ?

Lisez-le à haute voix si vous le rencontrez, c'est une surprise permanente. Des phrases qui roulent seules, dans une langue collant à l'oralité, ménageant le suspens de la poursuite, savourant les échanges de Baba Yaga avec ses serviteurs si mal traités.

A peine a-t-elle touché l'herbe que la serviette se déploie en rivière large, large comme la mer - même en trois jours, on ne la passerait pas.
Arrivée au bord de la rivière, la Yaga regarde... Que faire ? En mortier de cuivre, comment naviguer ? Elle grince des dents, cogne du pilon, rebrousse chemin, et roule et roule, rentre chez elle, rassemble ses boeufs, les mène à la rivière et leur ordonne de boire.

Ils ont bu, les boeufs, ils ont bu, ils n'ont pas laissé une goutte dans la rivière.

C'est dans ce contraste entre la rudesse des mots et la sobriété des images, c'est dans cet espace que se loge le travail du lecteur qui fera le lien, remplira les vides laissés volontairement. C'est aussi ce qui rend cet album - créé il y a plus de quatre-vingts ans - résolument moderne, intemporel, indispensable.

Pour en voir plus, rendez-vous sur l'excellent site de Cligne-Cligne Magazine !

Baba Yaga

dessins de Nathalie Parain

première édition en français : Père Castor-Flammarion, 1932

texte de Nadiejda Teffi, première édition en russe : YMCA-Press, 1932

traduction de Françoise Morvan

éditions MeMo, septembre 2010

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les quatre géants

Publié le par Za

 

Trois géants marchent à grandes enjambées, majestueux, leurs manteaux au vent. Ils suivent des yeux une fragile hirondelles. Il sont immenses et forts, elle est fragile et volète devant eux, leur montrant le chemin.

C'est ainsi que s'ouvre ce très bel album. Les géants sèment les saisons en couvrant la Terre de leur vêtement, l'un après l'autre. Le manteau vert et rouge de l'été, le manteau jaune et brun de l'automne, le manteau blanc de l'hiver. Il n'en manque qu'un, qui fera renaître le monde et s'éveiller l'hirondelle.

 

les quatre géants

Les grandes et belles illustrations peintes d'Aline Bureau occupent chaque double page, rendant avec force la majesté des trois géants, comme autant de rois mages veillant sur le temps, dans une palette de couleurs riche et changeante. Les mots aussi se font couleur, mouvement, douceur. Le rythme, le vocabulaire choisi, tout concourt ici à donner un texte d'une grande qualité.

La forêt se pare de mille et une nuances. Quelques feuilles tombent à terre, épuisées d'avoir trop valsé. Les animaux passent de fruits mûrs aux fruits secs, et goûtent aux premières pluies. C'est l'automne.

 

les quatre géants

Cet album est paisible et doux. On en sort un sourire aux lèvre, pour y replonger aussitôt, gagné par le bon regard des géants.

 

Les quatre géants

Zemanel & Aline Bureau

Père Castor - Flammarion

mars 2013

 

Les quatre géants ont aussi séduit LetterBee,

La mare aux mots, Œil d'ailleurs.

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une petite fille... à croquer

Publié le par Za

Comme tous les ans, à la même époque, c'est à dire peu ou prou la rentrée, allez savoir pourquoi je me replonge dans la littérature ogresque. C'est généralement le moment que je choisis pour replacer sur mon lieu de travail cette délicieuse phrase d'Alphonse Allais qui veut qu'il y a des jours où l'absence d'ogres se fait cruellement sentir. Succès garanti.

 

une petite fille... à croquer

Ceci dit, il faut bien avouer que cette mignonne-là est à croquer. Jolie et futée comme tout ! Wardé, warda, c'est la rose en arabe. Rose comme les joues de cette fillette prenant vie sous les crayons de Geneviève Godbout. La dessinatrice nous offre ici un dessin comme je les aime, frais, vivant, jamais mièvre, tout en lumières savantes, sourires irrésistibles.

 

une petite fille... à croquer

Son ogresse est parfaite : énorme, omniprésente, étouffante, obstinée, étudiée jusqu'au poireau qui orne sa joue. Mais pas si maligne, car, comme tous les ogres, elle est rattrapée par sa voracité, perdue par sa gloutonnerie.

une petite fille... à croquer

Une petite fille à croquer est un conte tout ce qu'il y a de traditionnel, dans le sens noble du terme. Le texte est ponctué de mots en arabe, il balance son rythme sans faiblir jusqu'au dénouement qui, s'il est attendu, n'en demeure pas moins une revanche jubilatoire pour l'auditoire minuscule. Testé et aussitôt approuvé, Wardé est adoptée !

 

Une petite fille... à croquer

Christine Frasseto & Geneviève Godbout

Père Castor, Flammarion

septembre 2013

 

Geneviève Godbout est également co-auteur de Joseph Fipps,

publié par les éditions La Pastèque

 

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grand loup et petit loup

Publié le par Za

Voici un classique, un vrai, de ceux qu'on lit et relit, qui met tout le monde d'accord. Mais un classique vivant. Un bijou d'intelligence, de poésie. Ça ira pour la dithyrambe ou vous en voulez encore ? Parce que je peux encore fournir ! Et du pensé, du sincère, du pesé, soupesé, réfléchi, vécu.

 

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Auprès de son arbre, grand loup vivait heureux. Pas l'intention de s'en éloigner, de son arbre. Pour rencontrer grand loup, il faut venir à lui. Et c'est ce qui arrive. Un point bleu à l'horizon, un petit loup, un tout petit, tellement petit qu'on n'aurait pas besoin de lui parler. Un petit loup presque insignifiant. Mais pas tant que ça finalement, parce que le lien se crée et lorsque petit loup s'éloigne, il laisse un grand vide. Car tout était meilleur avec lui.

 

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Le texte de Nadine Brun-Cosme est toute en retenue, en mots de tous les jours, sans effets ni fioritures et il est parfait. Adoptant un bel unisson, Olivier Tallec l'accompagne d'images fortes et vivantes. Il y est question de regard et d'expression. Les sentiments de grand loup passent dans ses yeux, courent jusqu'au bout de son museau.

 

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Les couleurs suivent le cours des saisons, envoient du vert, du jaune, plantent le tronc de l'arbre en un rouge énergique. Le pinceau se mêle au crayon. Grand loup est un corps de traits mouvants, là où petit loup est un morceau de bleu compact et intense.

 

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De la sensibilité mais sans mièvrerie, de la douceur mais sans mollesse. On l'a relu l'autre soir, et la même émotion étreint toujours discrètement les dernières pages.

 

grand loup et petit loup

Nadine Brun-Cosme & Olivier Tallec

les albums du Père Castor

2005

 

Pépita nous parle ici de la trilogie Grand loup & petit loup...

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la croûte

Publié le par Za

C'est rien, mon petit homme, tu es si beau qu'il ne peut rien t'arriver de moche.

 

En matière d'illustration, il y a émotion et émotion.

Je dis en matière d'illustration, mais ça peut marcher aussi avec les mots, les gens. Tant que ça marche sur la pointe des pieds, moi, je prends. Je suis du côté de l'émotion qui n'a l'air de rien, qui s'exprime de pas grand chose, qui se dit sans mots. Enfin, qui se dit sans mots, n'exagérons pas. Alors sortez vos mouchoirs. Mais s'il vous plaît, des mouchoirs de toile fine, de ceux dans lesquels on hésite à se moucher. Surtout lorsqu'ils sont brodés par Olivier Tallec.

9782081208551.jpg         Vous avez déjà pleuré, vous, debout dans un coin de bibliothèque ? Mais municipale, la bibliothèque, publique. Pas la vôtre chez vous, ouske personne ne vous voit. Ce petit bonhomme m'avait accroché l'oeil. C'était juste avant qu'il ne me fende le coeur. Sa maman vient de mourir. Rien que ça. Quand on est mère de petit bonhomme soi-même, l'idée est tout simplement insupportable. Le texte de Charlotte Moundlic est juste, sans fioritures, au plus près de la parole de l'enfant, sans pour autant sacrifier l'élégance du texte écrit, mais vraiment écrit.

La croûte, c'est la blessure, quelle qu'elle soit. Celle qu'on cultive pour se sentir vivant. Mais celle qui finira bien par cicatriser. Elle fera moins mal, mais elle laissera une trace. Pas de pathos ici, oh non. Tout est dit sur la couverture. Le petit regard perdu, les guiboles fragiles des petites personnes, si vulnérables qu'elles semblent perdues sur le plus quotidien des canapés.

 

Maman est morte depuis plusieurs nuits,  je n'ai plus envie de dormir, j'ai un peu mal au ventre et je n'arrive pas à m'occuper de papa.

J'essaie de ne pas oublier l'odeur de maman mais elle s'en va, je ferme toutes les fenêtres pour ne pas qu'elle s'échappe et papa me gronde parce que c'est l'été, parce qu'il fait trop chaud et parce qu'il ne sait plus trop comment me parler.

Je vois bien que ça lui fait mal de me regarder à cause de mes deux-yeux-de-ma-mère.

Je ne lui ai pas expliqué que c'était pour continuer à respirer maman, dès que je dis "maman", il pleure.

Comme adulte, il n'est pas facile.


L'intensité des rouges d'Olivier Tallec contraste avec la fragilité du dessin. La légèreté du petit bonhomme, le soin apporté aux détails apportent un contrepoint salutaire à la tristesse ambiante. Le texte est envahi de grands aplats - le canapé, la maison, l'escalier, la table, le mur de la chambre.

 

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J'aime cette image où chacun est absent à l'autre. Le père, devant le frigo, semble enfermé dans un bocal. La table au premier plan nous plante dans le rouge, à l'ombre d'un bouquet squelettique.

 

Une des rares incursions de la couleur accompagne l'écorchure.

 

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Ailleurs, l'illustration se fait discrète, vignettes crayonnées, mouvement, sentiment.

 

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Rarement un album m'aura émue à ce point. Rarement sujet aussi casse-gueule aura été traité avec tant de délicatesse.

 

La croûte

Charlotte Moundlic

Olivier Tallec

Les albums du Père Castor

mars 2009

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grand loup et petit loup / la petite feuille qui ne tombait pas

Publié le par Za

Quand je pense que j'ai attendu aujourd'hui pour me pencher sur le travail d'Olivier Tallec... Surtout depuis que Petitou m'a regardée avec un soupçon de commisération : "Rita et Machin ? Ben oui, c'est la dernière page de Pomme d'Api ! " Et de se radiner les bras chargés du dit magazine : "T'en veux d'autres ?" Non, ça ira, merci...

 

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Olivier Tallec, c'est aussi Grand Loup et Petit Loup.

 

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Un grand échalas noir, tout de crayon, parfois juste esquissé, comme une virgule, et un petit mignon bleu, avec leurs interminables museaux. 

 

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Dans "la Petite feuille qui ne tombait pas", nos deux compères accompagnent un arbre du printemps à l'été car Petit loup convoite une jolie feuille, tout là-haut, hors d'atteinte. Mais si jolie, la feuille,  si verte, d'un vert changeant, tendre et sombre, puis d'un brun si attirant lorsqu'arrive l'automne. Mais l'hiver... À partir de cet instant du récit, Petitou craque et me réclame le même bonnet que Petit Loup.

 

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Et cette feuille, alors ? Grand loup ira-t-il la lui décrocher, comme on décroche la lune ? Cela vaut-il la peine, pour une si petite feuille ? Cela vaut-il la peine d'attendre ? Un beau moment de suspens clôt cette émouvante histoire, soutenue par le texte impeccable de Nadine Brun-Cosme, à l'unisson de la tendresse du dessin.

 

grand loup et petit loup

La feuille qui ne tombait pas

Nadine Brun-Cosme & Olivier Tallec

les albums du Père Castor

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