Voilà pourquoi je garde toujours les cheveux très courts.
Même décoiffée par ce genre de livre,
je reste digne, impeccable.
Alors, mettez vos capuches,
resserrez les élastiques vos couettes,
accrochez-vous à votre ombrelle...
Prêts ?
Car voici
le Yark !
Enfin, un bout du Yark.
Je vous livre immédiatement le nom des deux coupables : Bertrand Santini et Laurent Gapaillard. Car ce livre est un pur scandale. Oui, un pur scandale d'intelligence, salement bien écrit,
salement bien illustré. Autant vous le dire franchement, on n'a pas affaire à des amateurs. Non, la noirceur de leur âme transparaît derrière chaque mot, derrière chaque trait. On se retrouve
contraint de lire ce court roman jusqu'au bout, d'une traite, et on finit par retourner en savourer les premiers chapitres, les plus croustillants, le genre qui craque sous la dent comme un os
tendre. Quelle délicieuse torture que ce texte enlevé, pétillant, drôle, brillant. Quand je vous dis qu'on est dans l'exceptionnel, le redoutable !
Le Yark est un ogre monstrueux et goulu, un vrai gourmet à la digestion délicate. Seul l'enfant sage trouve grâce à ses papilles. Seulement, vous l'admettrez avec moi, ce genre de gourmandise se
fait rare. Et c'est là tout le drame. Trouver du chérubin à se mettre sous la dent n'est pas une mince affaire. Le Yark moderne n'est pas à la fête.
Hélas notre époque contraint le Yark au régime. Les temps modernes ne produisent quasiment plus d'enfants comestibles.
De nos jours les chenapans pullulent sur terre comme des pustules au menton des sorcières. Les cours d'école grouillent d'un petit peuple bête et méchant,
portrait craché de leurs parents. (chapitre 3, Les enfants modernes)
Si encore ce Yark n'avait été qu'un texte purement jubilatoire, mais non ! Il fallait encore l'accompagner d'illustrations monstrueuses, réjouissantes d'horreur et de virtuosité, d'influences et
de références bien digérées. Je vous conseille l'article enthousiaste de Jean de la Soupe de
l'Espace avec, en commentaire, l'emballement d'un autre illustrateur, pas manchot lui non plus, avouons-le !
Le Yark ne rejoindra pas tout de suite l'étagère des mes présssssieux, non, je vais le laisser traîner, exprès, à portée d'yeux minuscules et impressionnables. Ce livre est un remède
contre la médiocrité. Après l'avoir lu, jamais plus un marmot ne supportera de guimauve à base de mignonne coccinelle ou de trognon lapin.
Seul bémol, mais tout petit, seul bémolounet donc, la fin. J'aurais aimé me vautrer dans le ricanement jusqu'au bout... À croire que ce livre libère les pires instincts en chacun de nous, ou
seulement est-il salvateur pour ceux qui sont quotidiennement et professionnellement en butte aux grouillantes créatures dont le Yark se repaît...
- Que fais-tu ici ? insiste le petit Anglais.
Ne surtout pas répondre ! se redit le Yark en se mordillant l'intérieur des joues. Pas question de se laisser embobiner ou attendrir ! C'est que c'est un
sensible, le Yark ! Combien de fois pour avoir trop conversé avec sa proie, a-t-il ressenti un peu de peine au moment de la croquer ? Ce n'est déjà pas drôle de devoir chasser sa nourriture. S'il
faut en plus sympathiser avec son dîner!
Tuer son prochain est une sale besogne et aucun monstre ne trouve de charme à ces crimes carnivores, exception faite, bien sûr, des vampires, des zombies et des
toréadors. (chapitre 6, Lewis)
Grasset Jeunesse (chapeau bas !)
Octobre 2011 (tout frais)
80 pages (pas assez)
Et allez donc jeter un oeil au blog de Laurent Gapaillard,
vous n'en reviendrez pas !
Ou alors, dans très longtemps...