refuges
Lorsque la littérature dite de jeunesse s'empare d'un sujet d'actualité aussi brûlant, il arrive, dans le meilleur des cas, qu'elle le fasse sans faux-semblants ni manières, avec ce respect du lecteur qui consiste à imaginer, quel que soit son âge, qu'il puisse penser par lui-même. Et cela donne ce roman, un texte d'une acuité remarquable.
Il y a le fait d'actualité. Lampedusa, île minuscule située à 350 km de la Lybie est, depuis des années, la porte d'entrée en Europe de migrants et réfugiés venus d'Afrique, du Moyen-Orient. Une première lecture de ce roman consiste donc à s'approcher de cette situation pour la vivre de l'intérieur. Une seconde lecture attend l'auteur au tournant. Comment s'approcher du sujet, comment le rendre audible à un lecteur adolescent ?
Sans jamais affadir son sujet, Annelise Heurtier le croise avec l'histoire de Mila, adolescente romaine originaire de Lampedusa, une île qui lui est presque étrangère. Un drame familial pousse sa famille a y retourner, le temps d'un été. Retrouver des racines, se retrouver, chercher aussi refuge.
Deux écritures se font face, par chapitres intercalés. L'une, qui raconte l'été suspendu de Mila sur l'ile de Lampedusa, est introvertie. Elle tourne et retourne, explore, se demande, avance mais pas tout à fait. L'autre, qui parle à la première personne, est la voix des réfugiés qui abordent l'ile depuis la Libye toute proche, venant d’Érythrée. Cette autre face de l'écriture, bouleversante, est dépouillée de tout artifice. Des artifices qui seraient tout à fait inutiles, déplacés.
Ce que comprend Mila du drame qui se joue à Lampedusa est d'abord lointain. Puis s'impose à elle le courage des habitants de l'île, contrevenant à la loi parce que leur conscience le leur ordonne. Pas de grands discours dans ce texte, ni de démonstration de bonne conscience. Il ne s'agit pas de statistique, mais de destins, d'humanité.
Refuges
Annelise Heurtier
Casterman, 2015
Mirontaine, Lu Cie & Co et les Sandales d'Empédocle parlent aussi de ce roman.
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