Fifi Brindacier
Un grand classique, relu/lu avec bonheur, en compagnie de vingt-huit paires d'oreilles, toutes accros à la rouquine !!
Pipi Långstrump se paie le luxe d'avoir désormais quelque chose comme 65 ans... et pas une ride, pas un cheveu blanc dans ses nattes carotte. Une éternelle jeunesse, une insolence toujours moderne, comme une cousine de notre Zazie ( je viens de me rendre compte qu'elles étaient voisines dans ma bibliothèque).
Fifi est absolument, parfaitement libre.
Pas d'école.
"Tu comprends, mademoiselle, quand on a une maman qui est un ange et un papa qui est roi des cannibales et quand on a passé sa vie à courir les océans, eh bien on ne sait pas très bien se tenir à l'école [...] "
La maîtresse dit qu'elle comprenait et qu'elle n'était plus triste pour Fifi. Fifi pourrait peut-être revenir à l'école quand elle serait un petit peu plus grande. Fifi, rayonnant de joie, dit alors:
"Je trouve que tu es drôlement gentille, mademoiselle. Tiens, c'est pour toi!"
Fifi sortit de sa poche une magnifique montre en or et la déposa sur le bureau. La maîtresse dit qu'elle ne pouvait accepter un tel cadeau. Fifi l'interrompit:
"Il le faut ! Sinon, je reviendrai demain ! Et je te promets que ce sera le bazar !"
Pas de parents non plus. Un singe, M. Nilsson, et un cheval qu'elle peut porter à bout de bras, car Fifi est d'une force colossale, ce qui vaudra quelques ennuis à Arthur le costaud, l'Hercule du cirque..
Fifi ne connaît pas les bonnes manières - ce qui fait le sel de ses aventures - tout en le reconnaissant parfois avec tristesse.
Fifi la regarda avec étonnement et ses yeux se remplirent de larmes.
"C'est bien ce que je pensais, je ne sais pas me tenir comme il faut ! C'est même pas la peine d'essayer, je n'y arriverai jamais. J'aurais dû rester en mer, sur le bateau."
Fifi est d'une naïveté parfaite. Elle fait danser la polka aux deux voleurs venus cambrioler sa maison, sans imaginer le moins du monde la raison de leur intrusion. Elle sauve deux enfants des flammes dans la plus totale inconscience du danger.
J'imagine la stupeur et la jubilation des enfants de 1945, découvrant ce texte ébouriffant. La traduction semble indiquer une grande liberté de ton et de vocabulaire. En parlant de liberté, que pensez-vous de cette photo, tirée du feuilleton diffusé en 1968, réalisé avec l'assentiment et les encouragements de l'auteur ... Une rediffusion de cet épisode serait-elle possible aujourd'hui...
Certains ont voulu faire de Fifi une féministe. Il est vrai qu'elle est téméraire, remuante, des vertus encore aujourd'hui davantage tolérées lorsqu'elles se manifestent chez les petits garçons. Mais Fifi n'est pas un garçon manqué, c'est une fille absolument réussie, qui bouscule involontairement l'ordre établi, les conventions communément admises, sans jamais nuire aux autres. Au pire fera-t-elle enrager les adultes...
[ C'est à se demander parfois ce que c'est qu'une petite fille, ce que l'on attend qu'elle soit, on - c'est à dire nous tous. J'y pense parce que les responsables chargés des activités périscolaires de mon école organisent, pour la fin de l'année, un concours de pom-pom girls, et que ça m'énerve au plus haut point !
Quelle éducation les filles reçoivent-elles, en terme d'image et d'attitude ? Entendu récemment au sujet d'une demoiselle de cinq ans: "c'est pas une fille, elle a des voitures, elle ne s'intéresse pas aux poupées. Regarde, elle ne joue qu'avec des garçons !" Au secours !! Doit-on complaire les filles dans la mièvrerie, le gnangnan généralisé ? Ou, autre tendance lourde du moment, les propulser en espèce de pré-ados de neuf ans ? Quels modèles leur propose-t-on ? Sachant que, pour nombre d'entre elles, les modèles en question sont majoritairement véhiculés par la télévision... Quel genre de super-héro parental faut-il être pour leur éviter ces écueils et leur permettre de ne pas trop se scotcher aux stéréotypes ?
Fin de la digression et revenons, à Fifi qui à l'époque, n'avait évidemment pas la télé, ce qui la plaçait d'office à l'abri de la bêtise et de la vulgarité... ]
"Sa robe était fort curieuse. Fifi l'avait faite elle-même. Elle aurait dû être bleue, mais, à court de tissu bleu, Fifi avait décidé d'y coudre des petits morceaux rouges çà et là. Elle portait des bas - un marron, un noir - sur ses grandes jambes maigres. Et puis, elle était chaussée de souliers noirs deux fois trop grands pour elle. Son papa les lui avait achetés en Amérique du Sud pour que les pieds de Fifi aient la place de grandir un peu. Fifi n'en avait jamais voulu une autre paire."
Et lorsque Fifi fait des efforts de toilette, non pas pour plaire, mais pour paraître chic, c'est ainsi:
"Pour une fois ses cheveux roux tombaient librement sur ses épaules et formaient comme une crinière de lion. Elle avait passé du rouge sur ses lèvres - avec une craie rouge vif - et elle s'était fardée les paupières - avec du charbon -, de sorte qu'elle avait l'air fort menaçante. Sans oublier les gros rubans verts sur ses chaussures."
Quand je vous dis libre... Fifi apporte la fantaisie, un vent frais de liberté à ses voisins Tommy et Annika, fascinés et envieux, autant que les petits lecteurs de 2010.
En faisant quelques recherches sur cette star mondialement connue, j'ai découvert que le maître Hayao Miyazaki s'était intéressé à elle, dans les années soixante-dix. Travaillant à une adaptation, il s'est même déplacé jusqu'en Suède pour y rencontrer Astrid Lindgren. Malheureusement pour nous, il n'a jamais obtenu les droits et le projet est tombé à l'eau... On peut en voir quelques images sur le site Ghibli World, à la date du 4 mai.
Pour finir, j'aime beaucoup cette photo d'Astrid Lindgren, comme un dernier clin d'oeil à son héroïne...