la boulangerie de la rue des dimanches
Attention, ce livre est hautement subversif ! Il véhicule en effet une idéologie dangereuse qu'il serait judicieux de ne le réserver qu'à des lecteurs avisés.
Jack Talboni est le fils d'Adèle Pelviaire et de Louis Talboni, deux musiciens sans le sou qui élèvent leur enfant dans la pauvreté et l'amour. Et dans la musique, aussi. Les quatre saisons de Vivaldi. Curieuses saisons, transposées dans une hasardeuse version pour tuba et flûte traversière...
Six ans plus tard, Adèle et Louis étaient encore plus pauvres. Ils n'avaient plus que les mouches à manger.
L'été : Vivaldi et mouches fraîches.
L'hiver : mouches sèches et Vivaldi sous les combles glacés.
Mais, couvé entre les quatre murs de sa soupente cloquée, tendrement chéri par ses deux parents mélomanes, le petit Jack ignorait ce qu'était ma misère, puisqu'il ignorait ce qu'était la richesse.
Tous les jours, avec Papa et Maman, c'était dimanche, tant il est vrai qu'Amour et Musique savent reboucher bien des trous, et panser bien des plaies.
Ces deux-là finissent par se consumer assez rapidement, et Jack atterrit dans un orphelinat, prouvant par là-même que, franchement, quand on est pauvre, ce n'est pas très malin, d'être, en plus, musicien. À moins que ce ne soit l'inverse.
Jack Talboni ne suit pas les traces de ses parents, même s'il conserve précieusement leurs instruments et que bon sang ne saurait mentir. Il devient boulanger-pâtissier. Enfin, il apprend à faire les baguettes pas trop cuites et les religieuses au chocolat. Je dois avouer que c'est ce dernier point qui m'a donné envie de lire ce roman. Connaissez-vous rien de plus beau, de plus parfait qu'une (excellente) religieuse au chocolat ?
Et c'est là que l'histoire exemplaire de ce jeune homme méritant dérape. Car la suite du livre tendrait à prouver qu'on peut vivre un éternel dimanche, de délices oisifs en promenades ensoleillées, comme ça, gratuitement. Pour le plaisir, sans contrepartie vénale. On croit rêver...
Tout le monde réapprit à tout le monde ce qu'était le dimanche, car les lundis passant, on avait presque oublié : pas de réveil, on traîne au lit le matin, on joue sous la couette à pince-mi à pince-moi, on va chercher sa baguette et sa religieuse chez Talboni, puis on se donne un tas d'occupation récréatives pour chasser le spleen en baillant et se détendre les mollets.
Autant dire, au fond, qu'avec un peu d'application et de concentration, ça ne fut pas un effort si violent.
Une réjouissante utopie que peu de candidats à la présidence de la République oseraient afficher à leur programme. Je suis d'ailleurs prête à apporter mon soutien au premier qui le ferait.
J'ai déjà l'accessoire idéal...
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..accessoire discret,
certes,
mais je n'ai pas encore osé tricoter celui-là... |
Je ne saurais trop recommander aux gourmands que vous êtes l'écriture délicieuse d'Alexis Galmot, ses personnages doucement dingues dont le charme ne devrait plus vous quitter. Et que dire des fragiles et savoureuses illustrations de Till Charlier, dans une palette aux accents sépia, au charme incontestable...
Dans une interview pour Le choix des libraires, Alexis Galmot associait son roman à cette chanson de Lou Reed.
La boulangerie de la rue des dimanche
Alexis Galmot
Till Charlier
Grasset Jeunesse
Collection Lecteurs en herbe
mai 2011
Bravo et merci à Grasset Jeunesse pour cette collection originale où l'on retrouve le Yark, c'est dire si j'attends les suivants avec impatience !
le 1er juillet 2012 : lecture commune de ce livre