l'éternel #1
pour David
Vous y croyez, vous, aux fées ? Je veux dire celles qui se penchent sur le berceau d'innocents qui ne leur ont rien fait. Le 28 août 1971 naissait Joann Sfar et je serais curieuse de connaître celles qui se sont réunies autour du couffin où il roupillait.
Je les imagine, quatre balèzes à hennin, le muscle tendu sous la tunique vaporeuse, la mâchoire carrée, l'air martial, brandissant de solides gourdins en guise de baguettes. Parce que, pour tout vous dire, il allait recevoir du costaud, le pauvret...
- Boudu qu'il est beau, ce minot ! Té, il dessinera ! Tout le monde n'aimera pas forcément, mais peuchère, il dessinera beaucoup !
- Oh fan de pieds ! Mais c'est qu'il n'a pas l'air bête ! Il réalisera des films en plus ! Et des bons !
- Mais laissez que je le regarde ! Qu'il est gracieux ! J'en suis toute estransinée ! Il aura du style, ce niston ! Mais littéraire le style, le genre à écrire des romans !
La quatrième fée était la moins costaud mais la plus maligne. Elle s'est frayé un chemin à coups de latte jusqu'au petitou.
- C'est bien beau les filles, mais sans imagination, tout ça ne sert à rien !
Sa baguette à elle, un poil moins guerrière quoique nettement plus inquiétante, était un fémur poli par les ans. Elle le leva au-dessus du gniard. Jaillirent alors des étincelles, des chats, des animaux volants, des monstres, des violons, un tourbillon d'histoires insensées, des éclats de rire, des grincements de dents, un coq et un âne pour sauter de l'un à l'autre.
Après quoi, elles ont disparu comme elles étaient arrivées, laissant derrière elles un parfum de miel et de jasmin. Le petit Joann dormait du sommeil du juste.
Plus pour très longtemps.
Tout ça pour vous dire que je suis en train de lire L'éternel et que je ne vois pas d'autre explication au talent de ce monsieur dont ce premier roman m'a embarquée dès la première ligne, me fait rire et frissonner, m'empêche de dormir tellement je me régale.
Chronique à venir...
L'éternel
Joann Sfar
Albin Michel
avril 2013