richard scarry
L'heure est aux aveux.
Lorsque j'étais enfant, j'ai commis l'irréparable.
Je n'avais aucune conscience de la portée de mes actes. Découvrant récemment mon forfait, Petitou a même solennellement demandé à sa grand-mère de me punir à nouveau et je n'ai dû mon salut qu'à un repentir sincère et immédiat ( et au rappel opportun du sort réservé par le gnome à "Sami et sa nouvelle coupe de cheveux", Mijade éditions).
Alors oui, je l'avoue, j'ai, un jour, volontairement gribouillé - au stylo bleu - Le secret du Castor de Richard Scarry, édition les deux coqs d'or. Pour ceux qui ne me croiraient pas, je tiens à leur disposition l'exemplaire mutilé par mes soins enthousiastes.
Richard Scarry est un illustrateur américain extrêment prolifique - on lui prête plus de trois cents publications - qui officia dès les années 50. Ses dessins frais, vifs, alertes et propres sur eux ont fait le bonheur de mes yeux d'enfant et je les feuillette toujours avec bonheur - ôte tes pattes de là, microbe, c'est à maman !
Certes, les illustrations sont datées, leur patine est reconnaissable au premier coup d'oeil - je parle ici des albums des années soixante. Mais outre la douce nostalgie qu'elles véhiculent, elles fonctionnent encre très bien sur le petit lecteur moderne - enfin, celui que j'ai sous la main. Repose ce livre à sa place, mon minuscule adoré, c'est à maman !
Eh bien figurez-vous qu'Albin Michel réédite les petites merveilles de Scarry, sous des couvertures cartonnées ornées d'un hideux bandeau, mais que n'aurais-je supporté pour retrouver mon castor comme neuf.
avant (vous remarquerez que je n'avais quand même pas osé m'en prendre à la couverture) |
après
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Les couleurs à l'intérieur sont presque les mêmes et les petites bestioles qui affichent allègrement leur cinquante balais n'ont pas pris une ride. Le texte est toujours aussi plat, mais qu'importe. Les histoires sont cousues de joli fil blanc, ourlées de bons sentiments, amidonnées de gentillesse, bien pliée sans rien qui dépasse, et peu me chaut (du verbe chaloir).
La grande spécialité de Scarry était, entre autres, le lapin. Le trognon, le mignon lapinou comme on n'en fait plus. Qui a dit "et c'est tant mieux" ? Dehors. Le lapin, disais-je. Et là encore réédition ! Oui, celui-là, il est neuf, mais lui aussi, il est à maman !
Une année dans la peau d'un joli civet lapereau, feuilles virevoltant, jonquilles odorantes, insectes plus vrais que nature, fraises des bois, champignons rutilants, kitch en diable, follement charmant !
Et puisqu'on en est au lapin, je vous sors mon arme ultime, celle qui vous rangera définitivement de mon côté, le collector unique, l'album d'époque : "Bonjour docteur !" Et là, je perds mes lecteurs diabétiques, effrayés par tant de sirop...
La visite médicale du petit garçon de bonne famille (vous remarquerez les rouflaquettes à la Stewart Granger du docteur), doublé de la visite de Serpolet chez le docteur Grignote. Oui, vous avez bien lu, Serpolet chez le docteur Grignote ! Aucune mignonnerie ne vous sera épargnée, je jubile !
Oui, je sais, le texte est affligeant.
Vous l'aurez compris, ces albums ont sur moi l'effet d'un baume réconfortant, d'un carré de Maxi Plaisir (noir) de Lindt, d'un plaid orange sur le canapé. Encore que... J'y pense... Lire un album de Scarry sous un plaid moelleux en croquant du chocolat doit être délicieux... Même si on approche de l'overdose de douceur...
Allez, une petite dernière... gniark gniark gniark !