miss peregrine et les enfants particuliers
Non.
Je ne vous raconterai pas Miss Peregrine et les enfants particuliers, que j’ai lu en deux jours. N’insistez pas. Lisez plutôt le résumé de la quatrième de couverture, tiens !
Une histoire merveilleusement étrange, émouvante et palpitante. Un roman fantastique qui fait réfléchir sur le nazisme, la persécution des juifs, l’enfermement, l’immortalité.
Gnagnagnagnagna... Ah, l’indispensable résumé de la quatrième de couverture… Exercice de haute voltige ! Sauf qu'à mon sens, celui-ci n’a qu’un très lointain rapport avec l’histoire, à se demander si son rédacteur a seulement lu le roman jusqu’au bout.
Certes, il est question d’enfermement, d’immortalité mais point de réflexion sur le nazisme – convoqué ici de manière anecdotique, tant il est vrai que le nazi est un méchant très photogénique - et encore moins de réflexion sur la persécution des juifs – si ce n’est dans une scène où l’auteur frôle le (très) mauvais goût. À moins qu’il ne s’agisse d’une métaphore, mais si lourdingue que je me refuse tout simplement à l’envisager.
Mais alors, qu’est-ce qui se cache derrière cette énigmatique couverture, hein, hein ? Ne comptez pas sur moi pour soulever le moindre petit bout de voile sur cette histoire. Que dalle. D'autant que le livre est d'ores et déjà traduit dans une trentaine de langues (si, si !), c'est dire si c'est une découverte... L’intrigante photo de couverture devrait d’ailleurs suffire à vous mettre l’eau à la bouche. Regardez bien les pieds de la fillette, à quelques centimètres du sol, son regard fatigué, ce sérieux qui colle si mal à son âge...
Le texte seul ne brillerait pas par son originalité. Il brode autour de thèmes maintes fois abordés ailleurs : des enfants doués de pouvoirs particuliers, des créatures effrayantes, la quête de la vérité, un voyage dans le temps, une histoire d’amour… Mais qu’est-ce que je raconte ? Oubliez immédiatement ce que vous venez de lire !
Non, ce qui m'a scotchée à mon hamac, c'est la maîtrise dont Ransom Riggs fait preuve pour son premier roman. 433 pages construites selon un scénario implacable, avec rebondissements et crescendo final – un bon film. D'ailleurs, ce serait pour 2013, avec Tim Burton dans le rôle du réalisateur ! Ransom Riggs est un vrai page turner à l’américaine (pléonasme), le genre d'auteur que vous suppliez de vous laisser aller faire pipi à la page deux cents, que vous implorez cent pages plus loin de vous permettre de souffler un peu vu que le hamac est désormais au soleil et que je crame. Il y a du métier derrière tout ça, une technique impeccable, un pragmatisme d’horloger, un art qui ne laisse deviner ni ficelle ni échafaudage. Une fois que Miss Peregrine aura refermé ses serres sur votre nuque, vous comprendrez ce que je veux dire…
Mais l'idée géniale de Miss Peregrine repose sur les photos, qui illustrent le livre de leur glaçante étrangeté et lui confèrent un réalisme inattendu.
Des photos que j’ai crues réalisées pour le livre, naïve que je suis, mais qui sont en réalité d’authentiques clichés, trésors de collectionneurs. Une fois intégrés à l’intrigue, de bizarres au premier abord, ils deviennent saisissants, mettent mal à l’aise et les moins spectaculaires feront courir de délicieux frissons le long de votre échine enduite de crème solaire…
De ces images est née l'histoire, de ces enfants à mi-chemin entre Freaks et Edward Gorey. Edward Gorey que Riggs cite volontiers, comme une parenté qu'il partagerait avec Burton et qui me ravit au plus haut point."I was thinking maybe they could be a book, like 'The GashlycrumbTinies' ", he said "Rhyming couplets about kids who had drowned. That kind of thing." (Los Angeles Times, 17 mai 2011)
Voilà, j’espère avoir été assez confuse pour vous donner envie d’aller voir Miss Peregrine et les enfants particuliers de plus près. Mais pas trop près, on ne sait jamais…
Miss Peregrine et les enfants particuliers
(Miss Peregrine's Home for Particular Children)
Ransom Riggs
traduit par Sidonie Van den Dries
Bayard Jeunesse, mai 2012