la route de Bethléem
La principale vertu des blogs est de pouvoir donner son avis alors même que personne ne vous a rien demandé. Alors Noël.
Voilà, nous y sommes.
Les deux pieds, les deux mains dedans, jusqu'au cou.
Dans la guirlande lumineuse jusqu'à l'écoeurement. À ce propos, je propose qu'on livre à la vindicte publique celui ou celle qui a lancé la mode des décorations de maisons qui débordent sur les façades, imposant à tous le mauvais goût de chacun, dans une surenchère délicieuse.
Sans parler de la culpabilisation généralisée qui veut qu'on passe Noël en famille, et qui rend toute personne solitaire plus misérable encore. Je suis seul le 22, je suis seul le 23, je suis seul et malheureux le 24 et le 25, je suis seul le 26, je suis seul le 27...
Mais pour autant, je ne me priverais pas du gros barbu en rouge, ni de la joyeuse excitation qui gagne la progéniture à l'évocation de ces quelques jours à venir. Car tout cela est largement coupé des racines religieuses de la fête, elles-mêmes honteusement pompées sur des réjouissances païennes et saisonnières. Je dis ça à l'intention de ceux pour qui le chic du chic de la laïcité bêtasse consiste à voir dans le Père Noël un suppôt de la papauté. Sur les origines de la fête de Noël et de ses avatars, voir l'article de Carole.
Alors, j'ai beau être d'un rationalisme exacerbé, je n'en ai pas moins été émue par ce très bel album, que j'ai lu comme un conte, une belle histoire, l'arrivée au monde d'un minot privé de tout, un enfant de pauvres.
Cette histoire est archi-connue, pire que le Petit Chaperon Rouge, c'est dire ! Les personnages sont archétypaux en diable, enfin, en diable... Et puis les animaux, un âne, un boeuf, des moutons, un genre agricole des plus communs.
Ce qui fait tout le charme de La route de Bethléem, c'est son inscription dans un quotidien saupoudré de poésie simple, où l'agneau et la sauterelle trouvent leur place au côté des mirifiques Rois Mages. J'ai toujours eu un faible pour ces trois-là, qui arrivent en retard, excusés par l'étrangeté de leur apparition, leur caravane étonnante, leurs étranges cadeaux - peu appropriés pour un enfant de cet âge, vous l'avouerez.
Et puis il y a les anges, inévitable feu d'artifice final, qui tournoient dans le ciel, en y laissant des plumes au passage.
Les dessins de Peter Malone, naïfs mais rigoureux, ne tombent à aucun moment dans l'image pieuse. Ils lorgnent plutôt vers l'enluminure, avec des bleus profonds, des perspectives un rien médiévales.
Qu'on soit croyant ou pas, cette évocation de la Nativité, au plus près de l'humain et de la nature, apportera un instant d'émerveillement. Parce que si l'on ne s'émerveille pas un chouïa à Noël, à l'image du Ravi, ce personnage de la crèche provençale qui ne voit que la beauté du monde, ce n'est pas la peine.
Nous sommes les bergers.
La tente céleste s'agite, les os de la terre tremblent.
des cailloux brillants rebondissent et crissent sous nos pieds.
Petit Jésus, nous t'offrons une peau de mouton, un fromage de brebis et une feuille de palmier. c'est tout ce que nous possédons.
Nous ne sommes que de simples bergers, ni riches ni sages comme les rois mages.
La route de Bethléem
Kevin Crossley-Holland & Peter Malone
Gautier-Languereau, 2004
Au fait, pour Noël, offrez des livres !