la princesse de Montpensier
L'actualité littéraire, ça peut être ça, aussi. Un texte de 1662 remis sur le devant de la scène pile au moment où les prix littéraires tombent avec plus de régularité que les feuilles de mon pommier, ne suscitant, dans les deux cas que bâillement d'ennui... Et revoilà Madame de La Fayette, encore toute auréolée de sa polémique présidentielle et néanmoins navrante.
"Pendant que la guerre civile déchirait la France sous le règne de Charles IX, l'amour ne laissait pas de trouver sa place parmi tant de désordres et d'en causer beaucoup dans son empire."
La Princesse de Montpensier est une nouvelle d'une trentaine de pages, denses comme ce n'est pas permis, ramassées, prêtes à vous sauter à la gorge. Un déferlement de sentiments d'autant plus violents qu'ils sont contenus, d'autant plus éclatants, qu'ils sont voués au secret. La pauvre princesse déclenche des cataclysmes amoureux, peine à se dépêtrer de ses propres désirs, distille froideur et encouragements. À une époque où les femmes de sa condition sont des monnaies d'échanges entre familles, Madame de Montpensier - les personnages de la nouvelle n'ont pas de prénoms, que des titres - aura la chance d'être instruite par le Comte de Chabanes, lequel, suivant le mouvement général, tombe éperdument amoureux d'elle...
" Il devint passionnément amoureux de cette princesse et, quelque honte qu'il trouvât à se laisser surmonter, il fallut céder et l'aimer de la plus violente et de la plus sincère passion qui fût jamais. S'il ne fut pas maître de son coeur, il le fut de ses actions. Le changement de son âme n'en apporta point dans sa conduite et personne ne soupçonna son amour. Il prit un soin exact, pendant une année entière, de le cacher à la princesse, et il crut qu'il aurait toujours le même désir de le lui cacher. "
Tavernier fait de cet homme discret le personnage le plus intéressant de son film. L'interprétation incandescente et la beauté de Lambert Wilson n'y sont pas étrangères... Il est plus âgé, pétri de doutes, là où les autres, Anjou, Guise et Montpensier ne sont que fougue aveugle - à la guerre comme en amour - et jalousie.
L'Aveyron et le Cantal prêtent à cette histoire leurs paysages, ici plongés dans un éternel et splendide automne.
Un beau moment de lecture, un beau moment de cinéma.
Post-scriptum...
La musique de Philippe Sarde se déploie autour d'un thème déjà entendu dans "Tous les matins du monde" d'Alain Corneau.