la douane volante
Un titre mystérieux pour un livre qui ne l'est pas moins.
J'ai souvent beaucoup aimé les albums de François Place:
Le récit débute en Bretagne en 1914. Le personnage noir de la couverture, en décalage avec le début du récit et l'époque évoquée nous amène doucement vers des atmosphères de brumes, de pierre,
d'eau, où la mer se confond avec les canaux. Car Gwen le Tousseux, le jeune héros de ce roman, semble avoir voyagé dans le temps, emporté par une sinistre charrette noire... Il croisera sur sa
route des médecins, des voleurs, un oiseau attachant et grotesque, des enfants semblant tout droits sortis d'un roman de Dickens et l'inquiétante, l'omniprésente Douane volante...
Le style de François Place colle aux atmosphères froides et cotonneuses de son récit, atmosphères contrastant avec la violence des situations, des rapports humains, des personnages. Les phrases ciselées, polies, soupesées, sont un vrai bonheur de lecture, dont on aimerait souligner et garder certains passages pour être sûr de pouvoir les relire plus tard:
" Long, long, très long voyage, et la voûte si près du crâne, la fatigue plaintive de l'essieu, le grincement des roues et le vacarme de leurs grands cercles de fer, les pas lourds du cheval, le bois qui gémit à chaque ressaut de la descente, et le noir absolu dans lequel tout cela se propage, et qui fait qu'on est soi-même pierre, sabot, bois, fer, et tête de douleur."
" On reprit notre lente glissade que la brume rendait fantomatique. La plate, dans ce grand silence ouaté, semblait flotter dans l'espace, appuyée sur son reflet."
"Si belles, si sages, toutes ces façades. Rien qu'à les regarder, je savais que je me cognerai contre."
J'ai lu après coup que François Place s'était inspiré d'un tableau du peintre Jan van Goyen.
Ces belles et inquiétantes façades de briques m'en ont rappelé d'autres, pas si lointaines dans le temps, si proches de mon coeur...
"La douane volante" est publiée par Gallimard Jeunesse (à partir de 12/13 ans).