Ibrahim Maalouf à Murat, Cantal

Publié le par Za

Ça commence par une petite ville accrochée à son morceau de volcan, comme une arapède auvergnate (le lien vers l'explication du mot est spécialement dédié aux lecteurs originaires du nord du 45ème parallèle nord). Des cailloux en forme de maisons, des maisons couleur de caillou, lovées amoureusement tout contre leur montagne, enrubannées de prés, de ruisseaux, au coeur d'un pays de vaches - certaines aux yeux cernés de khôl, à l'orientale, tout en raffinement, d'autres velues comme des wisigoths. Une petite ville aux ruelles exigeantes, sous des cieux incroyables, du bleu turquoise au gris anthracite, déclinant toutes les histoires de nuages possibles, et ce en un quart d'heure, s'il le faut.
 
 
L'hiver, c'est une autre histoire. Elle est toujours là, la petite ville, pelotonnée contre son rocher, qui la réchauffe comme il peut. Le gris vire au bleu transi, dans un carcan blanc, blanc, blanc. Je n'ai aucun goût pour la neige, uniforme, propre, froide, sépulcrale. Alors, de loin, depuis un lacet de la route, les toits qui fument un peu sont une oasis à l'envers; on espère un feu, un café brûlant, un sourire.
 
 
De la petite ville, je ne connais pas les saisons intermédiaires mais j'imagine l'arrivée du printemps, lorsqu'il lui prend l'envie d'entraîner sa montagne pour un petit tour de valse, balayant d'un revers de la main le peu de neige saupoudrant encore ses épaules.
 
 
Et Ibrahim Maalouf, dans tout ça ?
Eh bien, la petite ville, profitant de l'été radieux, s'est offert un concert de rêve !
 
 
 
 
À la nuit tombée, salle comble pour ce trompettiste géant de trente ans.
Presque deux heures qui passent en un souffle. D'abord vingt minutes d'improvisation. Je sais que c'est une composante essentielle du jazz, mais ça m'épate toujours. Puis Beyrouth, un morceau dont Ibrahim Maalouf raconte qu'il l'a composé en découvrant les cicatrices de la guerre, Led Zeppelin à fond dans le walkman: le choc. Pour moi aussi, qui n'avais encore jamais versé de larmes pendant un concert de jazz... Le reste est à l'avenant, virtuose de la trompette mais surtout de l'émotion, une force renversante, à réveiller les volcans les plus assoupis, jusque dans ces pianissimos presque inaudibles de fragilité (magistral Ya Ha La).
 
 
maalouf.jpg
 
J'en suis ressortie un peu à l'envers et, évidemment, je me suis perdue en rentrant, me retrouvant sans le vouloir au coeur de la petite ville, dans une rue déserte et silencieuse. Une rue courbe comme un bras, sur lequel on reposerait sa tête pour s'endormir. Contre un rocher doux, une montagne inespérée.
 

Publié dans in my heart

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N
<br /> Merci pour cette découverte... Je vais de ce pas écouter l'album....<br /> <br /> Bises<br /> <br /> Nath<br /> <br /> <br />
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Z
<br /> <br /> Et tu ne seras pas déçue ! Poutou !<br /> <br /> <br /> <br />