Black Bazar

Publié le par Za

"Je crois que le type se souviendra de moi toute sa vie. Je n'ai jamais bavardé aussi longtemps dans un bar avec un inconnu."

Lire Black Bazar, c'est se retrouver dans la situation de ce Breton qui s'assoit au bar et engage la conversation avec Fessologue, qui tient son surnom d'une science bien à lui, reposant sur la lecture des caractères dans le balancement des fesses, féminines, s'entend. Son vrai nom, on ne le connaîtra pas. Ils est resté au Congo-Brazzaville, ce nom, quinze ans plus tôt. Fessologue est un éminent sapeur, costume Versace, Weston aux pieds, beau, forcément, ne le rappelle-t-il pas lui même régulièrement ?

"Je suis toujours habillé en costard, c'est qu'il faut "maintenir la pression", comme on dit dans notre milieu de la Société des Ambianceurs et des Personnes Élégantes, une invention de chez nous, née dans le quartier Bacongo, à Brazzaville, vers le rond-point Total, polémique à part."

 

 

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Fessologue défend une façon d'être, élégante et légère, avec laquelle il affronte la tête haute la vie, les ruptures, les aléas d'une situation administrative délicate...

" Je ne suis pas un peureux, je ne manque pas de courage et de volonté. C'est une question de stratégie : un lâche vivant vaut mieux qu'un héros mort. C'est un conseil très judicieux de mon défunt oncle qui avait déserté le camp militaire durant la guerre du Biafra pour défendre sa modeste personne, mourir plutôt de mort lente que pour des idées qui n'auront plus court quelques lustres plus tard, comme dit le chanteur à moustache."

 

Les mots de Fessologue deviennent écriture, via une machine à écrire, une vraie qui fait du bruit. Cette tirade de deux cent cinquante pages se lit d'une traite, sans une seconde d'ennui, embarqué dans ce Paris précisément tracé, Château d'Eau, Château Rouge. Ce texte vaut aussi pour ses personnages, les habitués du Jip's, le voisin Hippocrate, Louis-Philippe, l'écrivain haïtien, modèle et mentor, tout ce beau monde dissertant sans fin sur le colonialisme et les colonisés, les femmes, la peinture...  Et Mabanckou par la voix de ses héros devient prescripteur de littérature, de césaire à ... Nothomb - un moment un peu déconcertant, à vrai dire. "Mais est-ce qu'il y a au moins dans tes histoires à toi un ivrogne qui va dans le pays des morts pour retrouver son tireur de vin de palme décédé accidentellement au pied d'un palmier ?"  À ce petit jeu, j'ai reconnu un texte bien en haut dans ma liste à lire impérativement :

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Black Bazar, c'est de la tchatche, brillante, qui en jette, même lorsqu'on aborde les sujets les plus graves - la colonisation et les colonisés, l'identité. C'est parfois à se demander si, en voulant faire imploser les clichés, Mabanckou n'en remet pas une couche... Quoi qu'il en soit, je m'en vais écumer les autres romans d'Alain Mabanckou - j'ai encore de la marge. Jusqu'à en être réduite à attendre le nouveau ?

 

 

Publié dans romans, Alain Mabanckou, Points

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C
<br /> Bon, désolée, je ne te rapporterai pas le mien, je l'ai troqué contre "l'histoire de Pi" à lire dans le train pour Darjeeling ;)<br /> <br /> <br />
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Z
<br /> <br /> En fait, il suffit d'emporter un livre et de l'échanger régulièrement contre un autre ! J'aime assez le principe...<br /> <br /> <br /> <br />
C
<br /> Tiens, j'ai pondu mon commentaire moi aussi : http://fanesdecarotte.over-blog.com/article-verre-casse-86153280.html<br /> <br /> :)<br /> <br /> Gros bisous !<br /> <br /> <br />
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Z
<br /> <br /> Les autres livres de Mabanckou attendent ton retour, bien au chaud entre les étagères des librairies...<br /> <br /> <br /> <br />
C
<br /> Je viens de finir "Verre cassé", un des rares bouquins en français attirant que j'ai trouvé à Delhi. C'était magique. Pendant quelques heures, je n'étais plus dans un train en Inde, mais quelque<br /> part au Congo. Superbe ! et après, je me suis souvenue que tu avais parlé de cet auteur quelque part ! C'est en effet trop chouette !<br /> <br /> <br />
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Z
<br /> <br /> "Verre cassé" est quelque part dans ma pile à lire. J'ai croisé Mabanckou cet été, fait dédicacer les "Mémoires de Porc-épic", discuté un peu de cet album... Je suis<br /> heureuse que son écriture t'embarque ! Lorsque tu reviens, il faudra que tu lises "Demain, j'aurai 20 ans" !!<br /> <br /> <br /> <br />
G
<br /> J'ai vu l'interprétation magistrale au théâtre de l'adaptation de ce roman. Ta conclusion est très intéressante. Je compte le lire cette année.<br /> <br /> Un ivrogne dans la brousse est un monument, un texte complètement décalé par rapport au contexte de sa parution, avec un style très émancipé pour l'heure...<br /> <br /> <br />
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Z
<br /> <br /> J'attends ton avis !<br /> <br /> <br /> "Un ivrogne dans la brousse" a été chaudement recommandé par Mabanckou lors de son passage dans la Grande Librairie sur France 5. Après de tels éloges, sa lecture devenait presque obligatoire !<br /> Et ce que tu en dis finit de me convaincre...<br /> <br /> <br /> <br />
L
<br /> Je te souhaite un joyeux Noël Za et de très belles fêtes, bises<br /> <br /> <br />
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Z
<br /> <br /> Merci l'Or !!!<br /> <br /> <br />  <br /> <br /> <br /> <br />
C
<br /> Ca donne envie !!!<br /> <br /> <br />
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Z
<br /> <br /> Mabanckou est une découverte récente, un vrai bonheur de lecture !<br /> <br /> <br /> <br />