1 2 3 l'effroi
1, 2, 3
nous irons au bois...
éprouver un terrible effroi
et compter sur le bout des doigts
d'une main dépourvue de bras !
Résonnez chaînes, sonnez crécelles, grincez molaires ! Voici un album qu'on ne feuillette pas, un album qu'on ne lit pas, qu'on n'admire pas. Non, voici un album dans lequel on se vautre avec délectation ! À peine remis de l'ABC de la trouille, il nous faut affronter aujourd'hui la noirceur jubilatoire d'123 l'effroi. Ah, les visions ricanantes de monsieur Albert Lemant et leur terrifiante précision, l'affreuse vitalité du trait ! Car c'est bien là le paradoxe de ce livre : ces images pour le moins... mortelles débordent de vie ! Les nombres éructent, grincent, gueulent, se marrent et tout cela est terriblement communicatif.
123 l'effroi est une danse macabre comme on n'en a pas guinchée depuis longtemps, un bestiaire nocturne où valsent rats, chouettes, tarentules et chats noirs, et qui finit pourtant par être rattrapé par l'Histoire. Et le rire se fige lorsqu'en tournant la page, on finit par croiser un casque à pointe, des barbelés.
Quatorze casques à pointes,
bientôt dix-huit, se pointèrent
Tranchant dans les tranchées,
arrachant les artères.
Comme vous le voyez, le texte n'est pas en reste. Il lui fallait être sacrément gaillard pour tenir tête au charivari gravé alentour. Mais c'est sans compter avec l'habileté d'Albert Lemant à jouer des sonorités, à se jouer du sens, jusqu'au jeu de mot final qui vous laisse refermer l'album sur un éclat de rire.
Vous l'aurez compris, cet album ne cesse de me réjouir, j'y reviens régulièrement pour m'y étonner, y piquer une ombre, un détail. Pour finir, et parce qu'on est dans le Cabas, permettez que je vous laisse en dragonnement bonne compagnie...
1 2 3 l'effroi
Albert Lemant
l'Atelier du poisson soluble
octobre 2012