mon école des loisirs #3
Elle aurait pu faire l'effort de m'appeler Violette. Mais non, il a fallu qu'elle choisisse Verte. Quelquefois j'ai eu l'envie de l'attaquer en justice. Mais quelquefois je l'aime et j'ai envie de lui offrir des vacances de rêve à Honolulu. Rien n'est plus fatigant qu'une mère. Etant entendu que je ne sais pas ce que c'est qu'un père.
La première fois que j'ai rencontré Verte, il y a presque longtemps aujourd'hui, elle ne ressemblait pas à la jeune fille dessinée par Soledad Bravi. La première édition de ce roman avait pour couverture un dessin de Gaudelette, tiré de Radada la méchante sorcière. Autant vous dire que l'ambiance proposée était sensiblement différente...
Ce premier roman, paru en 1996, racontait l'histoire de Verte, dernier rejeton d'une lignée de sorcières pas communes, pas commodes non plus. Des sorcières tout ce qu'il y a de moderne, vivant dans une ville banale, immeuble, appartement, tribu matriarcale, mais rien de trop voyant non plus. On est sorcière mais pas trop. L'histoire se raconte à plusieurs voix, chacun présentant son point de vue, ses doutes, ses agacements. Ursule la mère, Verte la fille, Anastabotte la grand-mère et un personnage masculin aussi, Soufi, l'ami/amoureux - à cet âge-là, on ne sait jamais vraiment.
Comment se construire une identité vivable, lorsqu'on trimblle une généalogie aussi peu banale, comment intégrer un père dans cette famille où la cocotte-minute ne sert pas qu'à préparer la soupe, vaste programme... Et défi relevé haut la main par une Marie Desplechin très en verve.
Pome débarque en 2007. Encore une sorcière... Ce deuxième roman gagne quelques personnages masculins. Soufi est rejoint par Gérard, le père, apparu dans Verte et par Ray, inénarrable grand-père, ancien commissaire de police, qui trouve bien des charmes à Anastabotte... La famille s'élargit avec bonheur.
Et puis Mauve en 2014. Un troisième roman bien différent. Plus profond, un peu venimeux - avec le personnage de Mauve-, tenté par l'aventure, par un surnaturel plus spectaculaire mais aussi bien ancré dans le monde - harcèlement, exclusion. On veut y brûler des sorcières. La différence fait désordre, chassons-la, rallumons les bûchers.
Le vieil appel s'est levé, il a enflé, il est monté vers le ciel. "Sorcières... Sorcières..." Des briquets se sont allumés dans la nuit. La bousculade autour de nous s'est aggravée.
Ces trois textes forment une trilogie cohérente et attachante, à lire d'une traite !
Verte, Pome, Mauve
Marie Desplechin
L'école des Loisirs
1996, 2004, 2014