Gianni De Conno
Ah, le recueil de contes...
S’ils charrient leur pesant de sexisme, de morale archaïque, les contes traditionnels n’en sont pas moins fondateurs d’une culture, au même titre que les histoires de la Bible. S’en contenter serait idiot, s'en priver serait ballot. La pléthore de contes détournés, triturés, invoqués, rend le retour à la source assez incontournable, si l’on ne veut pas se priver d’un pan considérable de la littérature voire de l’art en général, si l'on ne veut pas se priver non plus d'un réel plaisir de lecture.
Le choix d’un recueil de contes est une tâche difficile – mais délicieuse, je l’avoue.
Dimanche matin, je suis tombée sur celui, ô joie, ô délices ! Pour être honnête, j'ai sauté dessus à la seule vue du nom de l'illustrateur, Montjoie, Saint-Denis !
C'est une invitation au voyage qui ouvre ce recueil, un voyage lent et silencieux, qui coule vers une terre qui n'a l'air de rien mais dont on sait pertinemment qu'elle va charier son lot de fureur et d'effroi, d'ogres et d'enfants perdus, de marâtres cruelles...
Gianni De Conno instille l'étrangeté par petites goulées, par une juxtaposition d'incongruités, comme ces disproportions glaçantes...
Chaque conte est illustré d'une image, deux, rarement plus, quelques cabochons, si peu pour installer une ambiance, et pourtant... Le travail de Gianni De Conno, pour spectacualire de maîtrise qu'il est, s'inscrit dans une région discrète et peu explorée, dans les moments suspendus de l'histoire, dans le silence d'un instant de sidération...
... dans l'attente d'une bête à l'affût...
Tout concourt à faire de ce recueil un livre à la fois classique et étrange,
presque vénéneux,
un indispensable.