Jonas, le requin mécanique

Publié le par Za

J'ai une sainte horreur des films qui font peur, et autant vous l'avouer, je n'ai jamais vu Les dents de la mer. Et je ne le verrai jamais car je tiens à continuer à me baigner dans la mer.

Jonas, le requin mécanique

Malgré une vrai gueule de l'emploi, Jonas est différent. C'est un acteur. Créé par l'homme, propulsé en son temps tout en haut du box office, il coule désormais une retraite paisible dans un parc d'attraction pour monstres vieillissants : vampires, zombies, dragons, martiens et fantômes - tout ce que j'aime... Quelle horreur... Sauf les dragons. Je le signale d'ailleurs en passant à l'auteur : les dragons, c'est pas pareil, faudrait voir à ne pas tout mélanger.
Mais tout lasse et surtout les monstres de pacotille. Jonas doit partir, quitter Monsterland. Sous peine de finir à la casse, il doit retrouver une nature qu'il  ne connait pas, et surtout découvrir sa propre nature de bête désormais libre.

Jonas, le requin mécanique

Dans cette quête, le requin perd beaucoup de lui pour finir par gagner l'essentiel. Et les humains qui l'avaient portés au pinacle de leur peurs délicieuses ne lui sont pas d'un grand secours, bien au contraire. Au long de son odyssée, Jonas croise un échantillon délicieux de l'humanité : des peureux, des méchants, des avides, des lamentables. Et c'est drôle.
A cet égard, je ne saurais trop vous conseiller le septième chapitre, Wanpanig Island. Jamais plus vous ne vous vautrerez sur la plage de la même manière. Jamais. D'autant que le texte, à cet endroit fort instructif, risque aussi de bouleverser considérablement les idées reçues qui sont fatalement les vôtres.

Depuis la nuit des temps, les requins suscitent une frayeur sans égale. Il est vrai que ces animaux tuent chaque année cinq ou six baigneurs imprudents. Mais si l'on considère que durant la même période, l'homme extermine cent millions de requins, force est d'admettre que ces gros poissons sont assez peu rancuniers.

Jonas, le requin mécanique

Toute communauté en proie à des peurs irraisonnées - pléonasme ? - s'organise, cherche le sauveur providentiel. Et Wanpanig Island ne déroge pas à la règle.

Jonas, le requin mécanique

Permettez -moi d'ailleurs de m'arrêter un instant sur ce personnage réjouissant : le Capitaine Grisby qui, comme son nom l'indique, n'est absolument pas un être vénal, non, non. Cet Achab lamentable est le héro de quelques moments de bravoure délicieux jusqu'à une fin spectaculaire et tout à fait morale - comme quoi des fois, on n'a que ce qu'on mérite. Non mais.

A son singe mort-vivant, fait écho le personnage de Loopy, le manchot, sorte de Jiminy Cricket version agaçante/attachante. Le débrouillard des mers est dôté d'une opiniatreté hors du commun, d'une bonne humeur inextinguible.
- Du large, crevard ! J'ai dix ans de cirque dans les nageoires ! Tu n'arriveras jamais à m'atraper !
- Tu vois bien que je ne veux pas te manger, voyons !
- C'est ça, prends-moi pour une huître ! ricana Loopy qui sautillait au-dessus des vagues comme sur un trampoline.
- Je cherche seulement à devenir ton ami, insista Jonas.
- Ha ! Ha ! Ton ami en sandwich, tu veux dire !
Le manchot nargua le requin par une ultime pirouette avant de disparaitre sous l'eau dans un grand éclat de rire.
- Allez, bye bye, tête de thon !

L'écriture de Bertrand Santini, l'auteur du Yark, fait encore une fois mouche. Il embarque d'abord le lecteur dans des aller-retours incessants entre une connivence drôlatique, un second degré jubilatoire, et l'empathie nécessaire à cette métamorphose. Paul Mager accompagne le texte de scènes impitoyables pour les humains - vraiment pas à la fête, parodiant les films de grosses bestioles avec humour, mais lui aussi sait regarder le requin avec sympathie.
Car le voyage de Jonas n'est pas que drôle - ou plutôt grinçant comme les rouages de l'animal déglingué. Il est aussi vraiment émouvant. Au bout du chemin, il y a une nouvelle peau, une autre vie. On n'est pas un monstre en toc toute sa vie, on peut changer, retrouvrer une nature sauvage sans guimauve ni anthropomorphisme. Un requin est un requin. Et rien d'autre.

Jonas, le requin mécanique

Jonas, le requin mécanique
Bertrand Santini & Paul Mager
Grasset jeunesse, octobre 2014

Et puis vous savez quoi ? Si vous voulez vraiment un avis éclairé sur ce roman, vous n'avez qu'à lire la quatrième de couverture ! (avec la Mare aux mots et la Soupe de l'espace)

Jonas, le requin mécanique
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C
bon, ça va, les délires nutritionalistico-gastronomico-neigeux ? <br /> Bref, j'avais ajouté de force Le Yark pour la BCD de l'école l'année dernière. Je sais ce qu'il faut que j'ajoute cette année...
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Z
&quot;Vous savez qu'à trop solliciter la patience des gens, on finit par agacer ?&quot; (Léodagan de Carmélide)
K
Je n'en doute pas. Mais être obligé de remonter 23 jours en arrière pour s'apercevoir qu'il y a une réponse (ou pas), c'est pas le top... Heureusement que ma patience est sans limites connues...
Z
Comme quoi ce Cabas n'est pas totalement inutile.
K
Nous sommes très distingués, je trouve aussi. A noter que je me suis inscris sur FB pour avoir des nouvelles de mes enfants, mais que ma fille est finalement plus prolixe sur ton blog que sur le sus-nommé...
Z
Ce ne sont pas des délires mais des considérations tout à fait distinguées, non mais ! <br /> Régale-toi de Jonas ! Il va te plaire !
C
il y a 2 ans en fait !
N
Je le veux !!!
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Z
Normal.<br /> :-)
K
T'as pas vu les dents de la mer, mais m'est d'avis que tu as du voir le retour du Yeti petite...
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Z
mmmh, le chocolat à la pâte d'amande...<br /> Je ne peux rien te promettre pour cet hiver mais le précédant fut d'une douceur... sans précédant !
T
Odieux ? Oh Dieux, quel grand mot que je suis content de voir écrit, il a un petit côté vieillot assorti au disque de Ricet Barrier qui passe en arrière plan...<br /> <br /> Bon, pour le beurre de CacaOuaisT, tu me rassures, mais je suis un peu traumatisé à force de fréquenter des filles qui ont vécu à l'étranger et qui aiment le pis neut beuh terre et la nue tella.<br /> <br /> Donc aucun doute, ton placard de nourriture me convient tout à fait, il ne te reste plus qu'à le mettre au chaud loin de la NEIGE et tu as tes chances de me voir roder à nouveau autour.<br /> <br /> Parce que je fais le mariole par écrit, mais j'ai quand même moins peur d'un noyau d'olive mal léché et d'une fausse note simultanés que d'une tempête de NEIGE bien glacée par -20°C.<br /> <br /> Sur ce, c'est l'heure de prendre mon petit chocolat fourré à la pâte d'amande...<br /> <br /> Bizettes !
Z
C'est odieux, ce que tu fais, odieux ! <br /> Tout d'abord en laissant entendre ici que je pourrais aimer le beurre de cacahouètes - que j'ai en horreur ! Sache qu'il n'y a chez moi ni peanut butter, ni Nutella, ni, autre épouvante, pâte de spéculoos ! Que ce soit dit ! En revanche, il y a des infusions menthe-réglisse, je dis ça comme ça...<br /> Et puis cette facilité qui consiste à m'effrayer avec une bonne grosse congère, franchement... C'est bas. Est-ce que je te parle de fausse note, moi ? Pire, de noyau d'olive mal léché ? Hein ?
K
Non, ceux là, elles font aussi un peu peur, mais moins que la Nutella. Je pense que l'ordre de terrification, c'est Yetis / Nutella / Beurre de cacahuette / Yeti.<br /> Mais bon, c'est très personnel, j'aurais tendance à mettre le beurre de Cacahuette au dessus du vrai Yeti, mais je crois que toi tu aimes ça.<br /> Bref, je parlais du Yeti qui vit dans la NEIGE, dans une GROSSE EPAISSEUR DE NEIGE !<br /> (là, tu as peur, non ?)
Z
Le Yéti, tu veux dire les glaces à l'eau de toutes les couleurs ?