Catherine Certitude

Publié le par Za

"A la proue du bateau voguant vers l'Amérique,
Surtout n'oubliez pas les amis de Paris,
Car, si New-York est belle et Broadway féérique,
Il ne faut pas renier notre parc Montsouris."

(poème de Monsieur Castérade)

Catherine Certitude

Dans ce monde où il est si tendance de brailler à la décadence de notre pays, de notre société,
dans ce monde littéraire où les coup éditoriaux et les meilleures ventes se calculent en litres de fiel,
dans ce monde de lecteurs - mais vont-ils vraiment les lire - où on engloutit la bile d'un ex première dame avant de se faire un rail de la peur et de la mauvaise foi d'un chroniqueur cathodique,
le prix Nobel de Patrick Modiano fait du bien.

Rendre ainsi hommage à un homme discret qui écrit sur la pointe des pieds, en s'en excusant presque, qui bâtit une oeuvre sans se répandre, tout cela est suffisamment rare pour qu'on s'y arrête un moment.

Et pourquoi pas pour relire Catherine Certitude.
 

Catherine Certitude

Catherine Certitude est née d'une rencontre dans Paris, trop belle pour être vraie, que raconte Sempé.
"Ils [Patrick Modiano et sa femme] étaient à une centaine de mètres. Je me suis dit, cette fois, c'est moi qui propose qu'on travaille tous les deux. Et je vais même inventer le sujet! Ma fille s'appelait "Catherine" à l'époque - elle a depuis choisi le beau prénom de sa grand-mère, Inga - et elle me séduisait par son aplomb, ses enthousiasmes. Il m'arrivait, pour rire, de l'appeler "Catherine Certitude". Quand je suis arrivé à la hauteur des Modiano, avant que Dominique ouvre la bouche, j'ai dit, sûr de moi: "Alors, voilà, nous allons écrire l'histoire d'une petite fille, danseuse, myope, qui porte des lunettes, qui va partir à New York, et qui s'appelle "Catherine Certitude". Maintenant, on s'y met!" (Sempé, Un peu de Paris et d'ailleurs, éd. Martine Gossieaux, 2011)

Catherine Certitude

Catherine est une merveille de petite fille, frêle, dont le portrait effleure à peine le papier. Elle est myope, comme son père. Et comme lui, elle a un truc imparrable pour changer le monde...

Je me souviens qu'à l'époque de Madame Dismaïlova, je m'exerçais pendant la journée à ne plus porter mes lunettes. Les contours des gens et des choses perdaient leur acuité, tout devenait flou, les sons eux-mêmes étaient de plus en plus étouffés. Le monde, quand je le voyais sans lunettes, n'avait plus d'aspérités, il était aussi doux et aussi duveteux qu'un gros oreiller contre lequel j'appuyais ma joue, et je finissais par m'endormir.

La mère de Catherine est danseuse, américaine, et elle est partie, ce n'est pas très clair, ça non plus, le mal du pays, ou autre chose de plus compliqué... Alors Catherine vit avec son père, une vie pimentée de la folie douce de cet homme doux. Mais elle danse elle aussi. Et sans lunettes, forcément.
L'univers de Catherine tient dans le Xème arrondissement de Paris, dans des crépuscules citadins, entre le magasin "Casterade & Certitude", le studio de danse, les bistrots, l'école.

Catherine Certitude

On lit ce court roman en fondant de tendresse pour les personnages si touchants, si vrais. La légèreté du dessin de Sempé affirme encore l'élégance du propos, la douceur, le charme qui s'en dégagent.

Catherine Certitude
Patrick Modiano & Jean-Jacques Sempé
Gallimard, 1988
folio junior, 1998

Pour finir, je me permets d'emprunter une image à Elise Gravel, une image qui se passe de commentaire.

Catherine Certitude

Et comme c'est aujourd'hui ton anniversaire, je te dédie, sorella mia, cette chronique, que tu liras là-bas, au pays de la maman de Catherine Certitude.

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A
Un grand grand merci à toi. Je me souvenais d'un livre lu dans mon enfance avec une petite fille myope comme son papa, qui faisait de la danse, et dont je ne me souviens que l'ambiance et l'émotion qui allaient avec... en fait, c'était Catherine Certitude ! Grâce à toi, je vais pouvoir le relire... j'en suis toute chose, de l'avoir retrouvé. ♥
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Z
Merci à toi ! J'ai répondu sur ton blog ;-)
A
J'ai fait un petit article sur Catherine Certitude sur mon blog pour raconter mes retrouvailles avec elle grâce à toi... on l'a lu avec ma petite miss, j'avais les larmes aux yeux à la fin... ♥<br /> un grand merci à toi encore une fois !
Z
Ce commentaire me fait chaud au coeur ! J'y réponds avec retard, mais peut-être as-tu eu le temps de retrouver et de relire Catherine...
B
C'est malin, tu me fais pleurer avec tes conneries talentueuses toi ! Bon, je peux faire quoi là comme pirouette pour te dire et te redire qu'à chaque fois tu fais mouche, qu'à la fin de l'envoi tu touches (et même au début de l'envoi du reste) et que, dans mon nomadisme force, je sais que je t'ai et putain de sa mère, ça fait du bien. Bien , deux gros (enfin moyens) mots par paragraphe, ça va, je me maintiens, je peux rentrer au pays sans marquer mal. Liubliju tebja et pour paraphraser Aragon, c'est si peu dire que je t'aime.
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K
дорогой Баба миф,<br /> Je pense au vu de votre réponse si bien tournée que vous devez être un mythe à deux faces.<br /> J'espère tomber sur ma préférée le jour où je vous croiserai...<br /> Mais ma préférée est-elle vraiment la même tous les jours ???<br /> Je vous laisse réfléchir à cette question...<br /> Bien à vous,<br /> Votre dévoué.
B
Grands Dieux ( je les mets au pluriel on ne sait jamais) vous aurais-je choqué par la verdeur de mes propos? Vous m'en voyez fort marri très cher. Puissiez-vous vous remettre d'un tel choc. Je prie le Ciel qu'il en soit ainsi et demeuré pour l'éternité votre bien dévoué mythe.
K
Est-ce qu'un mythe peut rester un mythe s'il devient grossier (ou même moyen) ?<br /> AAA+