Catherine Certitude
"A la proue du bateau voguant vers l'Amérique,
Surtout n'oubliez pas les amis de Paris,
Car, si New-York est belle et Broadway féérique,
Il ne faut pas renier notre parc Montsouris."
(poème de Monsieur Castérade)
Dans ce monde où il est si tendance de brailler à la décadence de notre pays, de notre société,
dans ce monde littéraire où les coup éditoriaux et les meilleures ventes se calculent en litres de fiel,
dans ce monde de lecteurs - mais vont-ils vraiment les lire - où on engloutit la bile d'un ex première dame avant de se faire un rail de la peur et de la mauvaise foi d'un chroniqueur cathodique,
le prix Nobel de Patrick Modiano fait du bien.
Rendre ainsi hommage à un homme discret qui écrit sur la pointe des pieds, en s'en excusant presque, qui bâtit une oeuvre sans se répandre, tout cela est suffisamment rare pour qu'on s'y arrête un moment.
Et pourquoi pas pour relire Catherine Certitude.
Catherine est une merveille de petite fille, frêle, dont le portrait effleure à peine le papier. Elle est myope, comme son père. Et comme lui, elle a un truc imparrable pour changer le monde...
Je me souviens qu'à l'époque de Madame Dismaïlova, je m'exerçais pendant la journée à ne plus porter mes lunettes. Les contours des gens et des choses perdaient leur acuité, tout devenait flou, les sons eux-mêmes étaient de plus en plus étouffés. Le monde, quand je le voyais sans lunettes, n'avait plus d'aspérités, il était aussi doux et aussi duveteux qu'un gros oreiller contre lequel j'appuyais ma joue, et je finissais par m'endormir.
La mère de Catherine est danseuse, américaine, et elle est partie, ce n'est pas très clair, ça non plus, le mal du pays, ou autre chose de plus compliqué... Alors Catherine vit avec son père, une vie pimentée de la folie douce de cet homme doux. Mais elle danse elle aussi. Et sans lunettes, forcément.
On lit ce court roman en fondant de tendresse pour les personnages si touchants, si vrais. La légèreté du dessin de Sempé affirme encore l'élégance du propos, la douceur, le charme qui s'en dégagent.
Catherine Certitude
Patrick Modiano & Jean-Jacques Sempé
Gallimard, 1988
folio junior, 1998
Pour finir, je me permets d'emprunter une image à Elise Gravel, une image qui se passe de commentaire.
Et comme c'est aujourd'hui ton anniversaire, je te dédie, sorella mia, cette chronique, que tu liras là-bas, au pays de la maman de Catherine Certitude.