ogre vole
L'ogre, c'est comme le loup. Incontournable. Quasi obligatoire. Encore que. Il doit y avoir moins d'ogres que de loups en ce monde de livres. La figure du loup, bien que menaçante, n'est pas dérangeante comme l'ogre. Le loup est aujourd'hui lointain, l'ogre l'est moins. Et même si le croque-mitaine est passé de mode, le personnage fait toujours frémir.
Des ogres, on en a croisé quelques-uns dans le Cabas, certains dans l'indispensable encyclopédie de Sylvie Chausse - illustrée par les non moins indispensables Durual et Turin, d'autres - et non des moindres - dans le conte délicat d'Albert Lemant...
Tout commence par un matin de neige et un ogre possiblement sympathique, bien que mal vu dans la région. Un matin de neige donc, de ceux qui vous donnent l'envie de crapahuter en forêt (enfin vous peut-être, moi toujours pas).
La nature vous fait parfois de drôles de cadeaux. En l'occurence, une belle paire d'ailes, prêtes à l'emploi, enthousiasmantes de nouveauté. Ogre vole !
Le texte de Rascal est d'une élégante sobriété, renvoyant cet ogre à celui des contes par une langue classique, sans effets.
Ogre battait à présent des deux ailes et volait comme un oiseau au-dessus de la campagne. Il pouvait aperceoir sa maison qui avait désormais la taille d'un briquet à pierre, le moulin du père Roland à peine plus haut qu'un pain de sucre, et la rivière gelée qui scintillait entre les vallons comme une couleuvre blanche. Ogre volait de plus en plus haut, et finit par traverser les larges nuages gonflés de neige.
Et qu'y trouve-t-il, dans cet au-delà des nuages d'hiver ? Une punition pour la noirceur de sa vie, la possibilité de changer d'existence, de se repentir, une vengeance ourdie depuis des années par ses victimes, un juste châtiment ?
Le dessin d'Edith campe un ogre plutôt rigolard, qui, là aussi, laissera à chacun le loisir d'imaginer son ogre. Cette histoire d'ange étrange voletant au-dessus de l'hiver nous offre de grands aplats à peine mouchetés sur lesquels se détachent les bottes rouges, bottes de sept lieux bien inutiles à ces altitudes. Les visages d'enfants souriants seraient, eux, presque inquiétants de tant de similitude, avec leurs grands yeux noirs et leurs sourires à l'unisson.
Ogre vole est un conte merveilleux et subtil où j'aimerais finalement que les apparences soient trompeuses...
Ogre vole
Rascal & Edith
Pastel / L'école des loisirs
mars 2014